Mao Mubenga : le jeune homme qui veut valoriser le métier de cireur

La rédaction culturelle de Business et Finances est allée à la rencontre de ce Congolais de la diaspora. Comme tout jeune de sa génération, il pouvait bien rester en Europe où il a appris plusieurs choses. Mais il a décidé de rentrer au pays de ses ancêtres, afin de contribuer à son développement avec ses idées, dit-il. Entrepreneur indépendant, comme il se définit, Mao Mubenga évolue dans les secteurs de l’imprimerie, la salubrité et le cirage des chaussures. Entretien.

SAMEDI 1er février, en début d’après-midi sous le soleil de plomb, le siège de Widal Fondation dans le quartier Funa à Limete est pris d’assaut par les membres de cette ONG. Une cérémonie émouvante y avait lieu : la remise des brevets aux bénéficiaires de la formation à l’entrepreneuriat axé sur le métier de cireur professionnel. Guy Loando Mboyo, sénateur et initiateur de cette fondation, était, cet après-midi-là, l’homme le plus heureux. Fier de remettre les brevets de participation aux différents apprenants. Lui qui revenait de Mbandaka dans la province de l’Équateur où sa fondation a ouvert deux écoles : Widal Smart School ou écoles intelligentes. Une révolution dans cette province ! 

La formation dont question a été assurée par la Maison du Cirage de Mao Mubenga. Qui a décidé de convoler en justes noces avec Widal Fondation pour l’encadrement et l’accompagnement des Congolais, surtout les jeunes, dans l’entrepreneuriat. Le premier acte de leur partenariat engageant est donc cette formation au métier du cireur professionnel. Grâce à ce partenariat, Widal Fondation a demandé et obtenu les autorisations nécessaires de la ville de Kinshasa pour que la Maison du Cirage déploie ses blocs à travers la capitale.

Cela fait une année et demie que la Maison du Cirage existe. Quand on lui demande comment se porte ce business à Kinshasa, Mao Mubenga répond : « C’est une idée que j’ai eue, en passant sur le boulevard du 30 Juin. Je voyais  les jeunes gens être chassés et malmenés par la police, et je me suis dit pourquoi ne pas canaliser et faire en sorte que le métier de cireur soit véritablement valorisé comme les autres métiers. Je vois les plombiers, les médecins, les menuisiers, etc. Le début a toujours été difficile, certes, mais avec l’apport de chaque personne en termes de compréhension, je pense que ça ira… »

À ce jour, la Maison du Cirage emploie douze cireurs et a mis en place des sessions de formation. « Dans notre base des données, nous avons plus de cent cireurs qui attendent à avoir un emplacement pour exercer. Nous sommes la première maison des cirages du Congo », explique Mao Mubenga. Qui balaie du revers de la main l’argument selon lequel la Maison du Cirage vient tuer le business des cireurs ambulants : « Ce n’est pas du tout vrai. Nous ne sommes pas venus prendre leur place, mais nous sommes là juste pour l’améliorer. »

Pas de sot métier

La session de formation dédiée que la Maison du Cirage a dispensée avec le concours de Widal Fondation a duré un mois et demie : « Ce ne sont pas les mathématiques ni la  physique que nous dispensons. Il faut juste avoir la volonté, l’envie et la patience. En un mois et demie, nous avons formé les apprenants aux techniques de vente, de marketing, d’accueil des clients, etc. » 

Mao Mubenga est fier d’avoir accompli un acte de portée historique : « C’est pour la première fois que des cireurs reçoivent un brevet de formation professionnelle au Congo. Nous pensons que le cireur ne sera plus considéré comme un Chegué ou comme un moins que rien. Au contraire, nous voulons que le métier de cireur soit désormais considéré comme un métier normal, comme celui de journaliste, de mécanicien, de coiffeur… » 

En effet, Mao Mubenga, lui-même, a appris à faire ce métier : « J’ai eu la chance et l’occasion de suivre la formation. Aujourd’hui, notre souci est la valorisation, c’est-à-dire sortir ce métier du secteur informel pour le faire entrer dans le secteur formel. Pour cela, j’en conviens, il y a des normes et des étapes à suivre : savoir-faire et savoir-être. »  

Pour l’instant, il ne voit pas ce métier sous l’angle de la rentabilité ou du chiffre d’affaires : « Le plus important, c’est qu’une personne qui était à la maison à ne rien faire et n’avait aucun espoir de la vie, puisse avoir un métier et donc un pouvoir d’achat. Autrement dit, qu’il ait de la valeur dans la société. D’abord, la valorisation de ce métier et le reste viendra après. En effet, dit-on, tout travail mérite salaire. »

À Kinshasa, la Maison du Cirage a trouvé un emplacement en premier au Fleuve Congo Hôtel, il y a une année et demie. « Les premiers mois, on cirait dix paires de chaussures…  Aujourd’hui, nous avons six cent paires de chaussures par mois. Au fur et à mesure que les gens viennent, ils comprennent la nécessité de se faire cirer les chaussures par nous, en étant assis sur un siège. Ils repartent avec fierté. D’ailleurs, notre devise, c’est : Dorénavant, vous les portez avec fierté ! », confie Mao Mubenga.

Pour le moment, la Maison du Cirage a placé son enseigne au Fleuve Congo Hôtel, à la Galerie présidentielle, au Palais du peuple et à l’aéroport international de Ndjili. Mais elle compte déjà d’être présente dans toute la ville de Kinshasa. Au moins un point dans chaque commune. « Nous avons des partenaires qui nous soutiennent déjà, et je lance à travers vous un appel aux autorités du pays, celui d’apporter une pierre à notre initiative pour le développement de ce pays. Ce n’est pas tout le monde qui doit faire la politique. Nous partageons la vision du chef de l’État qui a dit qu’il va faire des Congolais des millionnaires », déclare-t-il.

Le prix à payer

Jusque-là, la principale difficulté, c’est le tarif appliqué. Dans la rue, les Kinois se font cirer les chaussures à 200 FC. Normal que les clients trouvent le tarif de la Maison du Cirage quand même trop cher. Il faut avouer qu’à 3 000 FC, ce n’est pas donné à toutes les bourses. Mais pourquoi à ce prix-là ? « Nous travaillons sur le cuir, le daim, le vernis et le basket en trois étapes : la mise à nu à base d’un lait nettoyant sans silicone, puis le crémage et nourrissante à base de cire d’abeille, et enfin le glaçage à base de patte de luxe. Nous proposons aussi le service à domicile à partir de 15 paires », répond Mao Mubenga.

Aux jeunes, il conseille la confiance en soi : « Je leur dis de ne pas baisser les bras. Qu’ils croient en leurs idées, en  leur potentiel et en la chance. Ils doivent avoir la culture de toquer aux portes. Beaucoup de jeunes comme moi entreprennent dans différents secteurs. Je lance un message d’espoir à tous ces jeunes. »