Mavinga Ndangi Declerc, vice-président de la commission nationale juridique

« Des droits et garanties sont en apparence reconnus aux contribuables face aux pouvoirs étendus de l’administration dans le cadre du contrôle fiscal, mais bien souvent maigres ou illusoires en pratique, minces, insuffisants, voire inefficaces. »

Le pendant du double caractère déclaratif et auto-liquidatif du système fiscal congolais est le contrôle fiscal. Dans la mise en œuvre de contrôle, l’administration fiscale possède des prérogatives étendues, qui peuvent générer de préjudiciables atteintes aux droits des personnes appelées à subir ledit contrôle… Il est apparu nécessaire, pour éviter de tomber dans une sorte de terrorisme fiscal, que soient aménagés des mécanismes en vue d’un équilibre entre les pouvoirs dont jouit l’administration et les garanties accordées aux contribuables. Le présent propos vise à jeter un regard furtif sur les droits et garanties reconnus aux contribuables à l’occasion du déploiement des missions de l’administration fiscale. Au sens de l’article 25 de la loi 004/2003 du 13 mars 2003 portant réforme des procédures fiscales telle que modifiée et complétée à ce jour, le contrôle exercé par l’administration fiscale a deux manifestations : la vérification sur pièces et la vérification sur place (qui peut être générale, ponctuelle, inopinée). En règle générale, l’administration dispose d’une gamme variée des pouvoirs légaux en ce qui est des investigations qu’elle est appelée à mener. Il s’agit de la prérogative de solliciter des demandes d’explications, des renseignements, des éclaircissements ou des justifications; du pouvoir général de se faire communiquer toutes pièces ou tous documents nécessaires à l’établissement des droits dus au Trésor ; du pouvoir de mener des enquêtes; du pouvoir d’effectuer des visites et ou de procéder à des saisies.

Quid de la législation ?

À titre de rappel, il échoit de relever par exemple que le droit de communication de l’administration est sanctionné par des astreintes ou des amendes administratives si le contribuable ne délivre pas les pièces demandées (arts. 46 à 56 de la loi 004/2003), et que la vérification de la comptabilité est assortie de la possibilité d’une taxation d’office si la comptabilité est rejetée et le redressement fiscal en cas de minoration de l’impôt (art. 28 et 29 de la loi 004/2003). Comme on peut s’en apercevoir, ces pouvoirs sont si énormes qu’il a fallu l’intervention du législateur pour leur encadrement, afin d’éviter par principe qu’ils ne soient le véhicule de tous les abus. Tel est le sens des droits et garanties reconnus aux contribuables.

En contrepartie des pouvoirs étendus reconnus à l’administration fiscale, les contribuables bénéficient d’un certain nombre de droits et garanties, particulièrement dans le cadre du contrôle fiscal et de vérifications de comptabilité. Schématiquement, on aurait pu épiloguer sur les garanties dont dispose le contribuable dans la phase administrative (B) du contrôle fiscal. Rentrent dans cette catégorie, les droits et garanties face aux pouvoirs d’investigation et de vérification de la comptabilité, face à un redressement fiscal (garanties attachées au caractère contradictoire de la procédure de redressement, et garanties face au pouvoir de sanctions de l’administration), ainsi que dans les recours formés devant les autorités administratives hiérarchiques (dont le ministre des Finances).

Les droits et garanties dans la phase juridictionnelle (C) ne sont pas sans importance: du droit de contester la validité et la forme des actes de poursuites devant le tribunal administratif, droit de déférer à la censure de la Cour administrative d’appel les décisions prises par l’administration fiscale après une réclamation contentieuse. Mais la garantie de stabilité du régime fiscal et douanier mérite d’être soulignée spécifiquement (A). Garanties particulière à certains contribuables (hydrocarbures, mines) : garantie de stabilisation des conditions économiques, financières juridiques, douanières, fiscales, cambiaires et du bénéfice des conditions plus favorables édictées postérieurement contenues de certaines conventions conclues avec la République. Cas du contrat de partage de production (CPP). Difficulté de mise en œuvre en raison de l’exigence de certificats de non-imposition, incomptable avec le caractère déclaratif du système fiscal congolais.

Cette garantie a divisé longtemps les sociétés de l’amont pétrolier avec la Direction générale des impôts (DGI), particulièrement en ce qui concerne l’assujettissement du contractant et ses sous-traitants à la TVA. Le ministère des Hydrocarbures est intervenu dernièrement pour recadrer les choses, en confirmant les garanties conférées aux sociétés dans le cadre d’un CPP. Garanties légales en phase administrative du contrôle fiscal : Qu’on soit en matière fiscale ou parafiscale (sans nourrir le débat autour de la définition de ce dernier concept), le contribuable ou l’assujetti faisant l’objet d’un contrôle fiscal bénéficie de garanties prévues par la loi, qui devraient s’imposent aux administrations, et dont la violation est susceptible d’entacher d’irrégularité la procédure de rectification à l’occasion d’un contrôle.

Mission de vérification

Le droit du contribuable d’être informé d’une mission de vérification, pendant de l’obligation faite à l’administration d’avertir le contribuable par un avis de vérification (art. 30 de la loi 004/2003), et de se faire assister d’un conseil de son choix lors du contrôle. Lorsque l’administration fiscale envisage un contrôle fiscal sur place, l’agent qui l’effectue doit être muni d’un ordre de vérification signé par l’autorité compétente. Cet avis doit être transmis obligatoirement au moins 8 jours avant la première intervention au contribuable, et préciser la nature des impôts et autres dus et la période à contrôler, le droit du contribuable à se faire assister d’un conseil de son choix. À l’absence de cette mention, tous les impôts peuvent être contrôlés dans la mesure où ils ne sont pas couverts par la prescription, du droit de rappel.

Cette garantie est toutefois réduite dans 2 cas : contrôle inopiné si les intérêts du Trésor sont menacés. Dans ce cas, l’avis de vérification est remis au début des opérations de constatation matérielle en mains propres au contribuable ; droit de communication de l’administration, qui peut s’effectuer sans que le contribuable ne soit avisé, les agents de l’administration pouvant alors se présenter avec un ordre de mission spontanément (article 46 à 56 de la loi 004/2003). Droit pour le contribuable de solliciter le report de vérification : le redevable peut solliciter le report de la date de la première intervention en formulant par écrit et en motivant sa demande dans les 48 heures de la réception de l’avis de vérification (art. 30 al 3e de la loi 004/2003 en matière fiscale et art. 77 de l’O-L n° 13/003 du 13 février 2013 portant reformes des procédures relatives à l’assiette, au contrôle et aux modalités de recouvrement des recettes non fiscales).

Droit d’exiger de l’administration le respect de la durée de la vérification : sous peine de nullité des redressements éventuels, la durée de la présence sur place du vérificateur ne peut excéder la durée qui a été mentionnée dans l’avis de vérification et éventuellement dans l’ordre de vérification. Le contrôle ne peut donc avoir une durée illimitée. Droit du contribuable de fournir des réponses à une demande d’explications, d’éclaircissements, de justifications ou de renseignements lors d’un contrôle effectué par l’administration : le contribuable qui reçoit une demande écrite pour fournir une explication, éclaircissements, justifications ou renseignements dispose d’un délai de 20 jours pour y répondre (art. 26 et 35 de la loi 004/2003 en matière fiscale et art. 84 de l’O-L n° 13/003 du 13 février 2013 en matière des recettes non fiscales).

Droit du contribuable de recevoir notification des griefs retenus contre lui à l’occasion de l’exercice d’un contrôle et de fournir les observations motivées dans un délai raisonnable (droit de réponse) : lorsque l’administration fiscale envisage un redressement, elle doit notifier un avis de redressement motivé au contribuable (art. 36 et 37 de la loi 004/2003). Le droit de réponse reconnu au contribuable en face d’un avis de redressement peut susciter trois réactions de sa part: soit il accepte le redressement, soit il ne répond pas dans le délai, soit il réfute le redressement en tout ou partie.

Droit de recevoir la réponse de l’administration fiscale par un avis de confirmation des éléments déclarés ou par un avis rectificatif ou dans une réponse aux observations du contribuable (art.38 de la loi 004/2003 en matière fiscale et art. 85 et 86 de l’O-L n° 13/003 en matière des recettes non fiscales).