Mines de RDC : poursuivre le dialogue et rassurer les investisseurs

Les rideaux sont tombés sur la Semaine minière de la RDC, édition 2018, à Lubumbashi. Un gentleman’s agreement, comme disent les anglo-saxons, est toujours possible entre le gouvernement et les miniers. C’est le vœu exprimé par tous les participants. En juin prochain, on en jugera, sur le même lieu.

Dans les grandes rencontres politiques ou d’affaires, les moments forts, les déclarations intéressantes sous forme de confidence, etc. sont à rechercher plutôt côté jardin. Côté cour, les initiés savent et disent que  c’est souvent du déjà entendu et du déjà vu. La session 2018 de la Semaine minière de la RDC ou la DRC Mining Week n’a pas dérogé à cette implacable réalité.

Mercredi 13 juin, le décor pour l’événement se mettait déjà en place. Dans le hall de Pullman Hotels Karavia, les participants venus de partout s’empressaient pour l’enregistrement et/ou retirer le badge qui donnerait accès aux conférences et aux autres activités prévues dans le cadre de la manifestation, notamment l’exposition. Dans la cour intérieure de l’hôtel, les entreprises exposantes rivalisaient d’ardeur pour monter leurs stands ou présentoirs. Ici, le détail avait toute son importance, parce qu’il fallait se donner plus de visibilité communicationnelle par rapport aux autres…

Mais c’était aussi le moment choisi par les participants pour des apartés ou des échanges en petits groupes autour d’une tasse de café ou un verre de jus, avant l’ouverture. Sur les visages des uns et des autres transpiraient des préoccupations, des questionnements, qui se résumaient à peu près à ceci : de quoi va-t-on parler ? Cependant, tout le monde était conscient que le code et le règlement miniers allaient être au centre des débats. En effet, leur application n’est plus que question d’heures. 

Pour ce patron d’une compagnie minière exploitant l’or dans le pays, par exemple, « le vin est tiré, il faut le boire… ». Attablé avec des amis venus du Canada, il estime que ça ne vaut plus la peine, comme on le laisse entendre, de saisir la Cour constitutionnelle. Lui, n’en voit pas l’opportunité. Au contraire, expliquait-il à ses amis, il faudra travailler désormais sur des scénarii ». Lesquels ? « Comprenez que ce sont des stratégies qui ne se disent pas en public », lance-t-il en jetant un regard furtif autour de lui, comme pour se rassurer qu’il n’est pas écouté.

Les miniers sont à peu près d’accord que le code minier révisé a été taillé sur mesure, c’est-à-dire imaginé en fonction de la demande mondiale et l’envolée des cours du cobalt. Ici, ce participant venu du Canada regrette qu’on ait spéculé pour régler les problèmes qui ne figurent pas dans la loi. « C’est une situation délicate », lance-t-il en direction des autres. Là, un autre rappelle que la tendance partout est à la révision du code minier, notamment en Amérique latine où on assiste à l’arrivée des businessmen au pouvoir.

Pour lui, s’il ne sert plus à rien de se plaindre que faut-il faire ? « Maintenant, qu’est-ce qu’il faut faire ? » Bonne question, lui rétorque son interlocuteur. Qui estime qu’il faut maintenant « réfléchir à la manière de faire avancer les choses ». Ah ! La loi est passée, déclare un autre participant. Maintenant, dit-il, il faut voir dans quel cadre envisager la suite ou l’avenir. Sinon le bras de fer entre le gouvernement et les investisseurs miniers va profiter aux autres pays qui font déjà la contre-campagne (Congo Bashing), en disant aux investisseurs potentiels : « N’allez pas dans ce pays, venez plutôt chez nous ».

Dans un autre aparté, un participant estime que ce sont les miniers déjà présents au pays qui défendent la RDC partout où se tiennent les meetings d’affaires sur les matières premières. Par exemple, confie-t-il, la RDC est souvent absente aux grands rendez-vous, comme récemment à la conférence mondiale du cuivre à Santiago, tout comme à Paris où vient de se tenir la conférence mondiale sur le cobalt… « Bref, le gouvernement a intérêt à travailler avec les miniers qui sont déjà présents dans le pays. Nous comprenons les besoins du gouvernement mais nous devons chercher ensemble les solutions dans une perspective gagnant-gagnant. Tenez, par exemple : la DGRAD a déjà commencé à faire des calculs sur base du code révisé sans même attendre son application et celle du règlement minier », regrette un cadre d’une entreprise minière.

Mark Bristow, le patron de Rangold dont Kibali Mining est la filiale et dont la tête ne plaît pas beaucoup à certains membres du gouvernement, déplore que le gouvernement ait pris une « décision unilatérale », ce qui a sapé la confiance entre lui et les miniers. 

Pour lui, il faut revenir sur la table des négociations… En tout cas, les miniers n’étaient venus à la Semaine minière de Lubumbashi, avec « l’intention d’humilier le gouvernement », mais avec l’intention de faire profil bas. « On ne scie pas l’arbre sur lequel on est assis », a déclaré un minier. On comprend dès lors que le ton était plutôt à l’apaisement, car l’événement était propice pour jeter les jalons d’un dialogue post-promulgation du code minier.

Yuma, le don quichotte

Mais c’est à se demander si Albert Yuma Mulimbi, le président du conseil administration de la Générale des carrières et des mines (GECAMINES) et président de la Fédération des entreprises du Congo (FEC) a été le porte-voix du gouvernement à la Semaine minière de la RDC, en l’absence remarquée du ministre des Mines, Martin Kabwelulu Kabilo, et du gouverneur du Haut-Katanga, Célestin Pande Kapopo, 

On savait Yuma cogneur et baroudeur infatigable mais on a découvert un Yuma démolisseur à la Mike Tyson, décidé à mettre tout de go KO son adversaire. Comme un éléphant dans un magasin des porcelaines, il s’est livré au show oratoire qu’il affectionne tant. Son adresse au vitriol, à l’ouverture de la conférence, a laissé un arrière-goût de colère chez les miniers. La charge était si forte que la ministre du Portefeuille, Wivine Mumba Matipa, qui a eu le privilège d’ouvrir officiellement au nom du gouvernement l’édition 2018 de la Semaine minière de la RDC, n’a pas eu grand-chose à se mettre sous la dent. 

Environ 45 minutes, la mi-temps d’un match de football, Albert Yuma, magistral, a déroulé, disséqué et donné une réalité concrète à ce qu’il appelle la « nouvelle vision de la Gécamines ». Et qu’il croit être aussi, désormais, celle de l’État congolais : plus jamais, alors plus jamais, l’État ne fera le lit aux investisseurs miniers comme par le passé.

On retiendra utilement de son discours à l’allure d’un manifeste que la Gécamines veut et doit redevenir un acteur minier qui pèse. Après plus d’une décennie de partenariats industriels, les dirigeants de cette société ont fait le constat d’un « système structurellement déséquilibré en faveur des partenaires ». Un système qui ne permet ni à l’État ni à la Gécamines de percevoir une part suffisante de la richesse produite dans le cadre de l’exploitation des richesses du sous-sol.

Les partenariats étrangers étaient censés apporter à la Gécamines des dividendes et à l’État des impôts sur le bénéfice afin de reconstruire le pays et financer le développement. La GCM produisait à elle seule 450 et 500 mille tonnes de cuivre et près de 50 mille tonnes de cobalt au milieu des années 1980. La GCM est aujourd’hui partenaire minoritaire dans 12 joint-ventures en production pour un volume global de réserves de 32 millions de tonnes de cuivre et près de 3 millions de tonnes de cobalt.   

D’après lui, les investisseurs étrangers en RDC font des profits, de « très gros profits » qui ne sont pas équitablement partagés avec l’État et avec les partenaires locaux. « Je l’ai dit et je le redis aujourd’hui, ce scandale est terminé et on va y mettre fin ». Un message clair et limpide selon lequel ceux qui veulent rester ou venir en RDC doivent se soumettre aux nouvelles règles du jeu. Ce discours, déjà entendu à Mining Indaba à Cape Town en Afrique du Sud, n’a guère impressionné les miniers. Louis Watum, le directeur de Kamoa Cooper (Ivanhoé), a laissé entendre que le sentiment général chez les miniers est qu’ils ont apporté des investissements en RDC et veulent un partage équitable des richesses qui sont générées par ces investissements. Mais comment y arriver ? « C’est cela peut-être le problème. Nous disons qu’il faut un processus consensuel que l’on puisse partager et discuter pour trouver comment le faire ensemble ».