Montée d’une classe d’hommes d’affaires plus ouverts et curieux

Dans une étude récente consacrée aux comportements liés au travail au Congo, l’association Alternatives africaines constate la naissance d’une nouvelle catégorie : celles des innovateurs prêts à saisir la moindre opportunité.

L’enquête d’Alternatives Africaines – une association multidisciplinaire de chercheurs congolais – dresse une typologie des travailleurs au Congo. Il y a d’abord les paysans qui travaillent dur, ils se lèvent très tôt, traient leurs vaches, vont aux champs la binette à la main, parcourent des kilomètres à pied pour faire paître leur bétail. Les plus chanceux récoltent quelques kilos de maïs, de manioc et d’arachides, d’autant qu’ils n’utilisent aucune technique pour améliorer la production. Il y a ensuite les travailleurs urbains, des journaliers. Ils se lèvent également tôt, vont travailler sur des chantiers, dans des usines ou dans des ateliers informels. Le soir, ils rentrent chez eux après avoir gagné quelques sous. Il y a, enfin, les « cols blancs » ou employés de bureau. Ils travaillent souvent selon une routine prévisible.

Un genre nouveau

D’après l’étude d’Alternatives Africaines, il y a une autre catégorie qui n’est pas perçue par les autres. Ce sont des Congolais qui scrutent l’horizon, prêts à faire des découvertes. « Le résultat de leur travail est toujours une surprise pour le grand public: la solution que ces entrepreneurs d’un genre nouveau présentent sur le marché semble généralement facile et évidente après coup », explique le sociologue Armand Mavakala, un des auteurs de l’enquête. Généralement, selon lui, de tels individus ne travaillent pas durement, mais intelligemment. Cette nouvelle classe émergerait dans le secteur des services.

Au Congo, ces individus ne sont pas assez nombreux car la population a la culture du « travailler dur », qui commence déjà à l’école. Tous les matins, les enfants parcourent en moyenne 1 km, passent 6 années au primaire, 6 autres au secondaire et 5 à l’université. Une fois leurs diplômes obtenus, ils se demandent comment ils vont trouver du travail. L’esprit du « travailler dur » que le chanteur JB Mpiana Tshituka essaie de promouvoir dans la jeunesse à travers le slogan « Chemin de fer, l’homme doit se battre », est inculqué aussi par le système éducatif qui donne une large place à la notation: on cherche plus à obtenir la bonne note qu’à être intelligent. La majorité de ceux qui « flairent les opportunités » et les exploitent de manière courageuse ne sont pas des diplômés de haut niveau, indique l’enquête d’Alternatives africaines. « Les diplômes n’ont pas de grande place dans la définition de ce qu’est l’esprit d’entreprise chez la plupart des Congolais », soulignent les auteurs.

Certains économistes définissent cet esprit d’entreprise comme une capacité manifeste et la volonté des individus (en solitaire ou dans des équipes ou des organisations) de percevoir et de créer de nouvelles opportunités économiques (nouveaux produits, nouvelles méthodes de production, nouveaux schémas organisationnels, nouvelles combinaisons de produits de marché) et d’introduire leurs idées sur le marché, en fonction d’incertitudes et d’autres obstacles.

Place à la compétitivité

Alternatives Africaines estime que « pour développer l’attitude entrepreneuriale au Congo, les individus, les entreprises, les institutions de l’éducation et l’État doivent promouvoir un processus compétitif qui génère une émulation entre les individus ». Cette association pense qu’il faut aussi « se débarrasser de certaines attitudes voyant des relations magiques entre certains phénomènes, et inculquer plus de rationalité ». En effet, l’étude relève que « certaines valeurs sont essentielles à l’entrepreneuriat, notamment l’ouverture d’esprit vers les autres cultures, la curiosité, la créativité, l’expérimentation, la persévérance, l’épargne et la volonté de constituer un patrimoine ».

Enfin, recommande l’étude, « le cadre réglementaire étatique ne doit pas étouffer l’activité entrepreneuriale ». « Il faut donc que les indicateurs du succès sur le marché soient possibles. Et justement les profits entrepreneuriaux indiquent à l’entrepreneur s’il a correctement rendu service à ses clients », lit-on.