Mort à 80 ans du baron Jean-Edouard Empain

on enlèvement devant son domicile en plein Paris le 23 janvier 1978 avait défrayé la chronique. Devenu en 1971 PDG du groupe Empain-Schneider, l’homme d’affaires belge était le petit-fils du bâtisseur du réseau ferroviaire congolais. 

Jean-Edouard Empain est mort, jeudi 21 juin, ont rapporté les médias belges. Et sa fille Diane Empain l’a confirmé sur Facebook. Selon le quotidien économique français L’Echo, qui l’avait encore interviewé en 2014, cet ancien PDG du groupe Empain-Schneider, retiré des affaires depuis les années 1980, vivait à Monaco avec sa compagne.

Edouard-Jean Empain était le petit-fils d’Edouard Empain, anobli par le roi des Belges Léopold II en 1907, qui avait bâti à partir de la fin du XIXe siècle un empire industriel, à l’origine notamment du réseau ferroviaire congolais et de la construction du métro parisien. Edouard-Jean Empain, devenu en 1971 PDG du groupe Empain-Schneider, avait été enlevé devant son domicile en plein Paris le 23 janvier 1978. Il avait été séquestré et torturé dans un petit pavillon de Savigny-sur-Orge, en région parisienne, et n’avait été libéré qu’après 63 jours de captivité lors d’une remise de rançon ratée assortie de l’arrestation d’un ravisseur. Le retentissement de l’affaire était notamment dû à l’épisode de la phalange tranchée sur un de ses petits doigts par ses ravisseurs, « des petites frappes » selon les dires du baron, interviewé en octobre 2014 par L’Echo, pour faire pression sur sa famille, lui tranchèrent une phalange d’un auriculaire. Après sa libération, il s’était rapidement retiré des affaires, nourrissant de l’amertume sur le fait de ne pas avoir suscité d’empathie pendant ce rapt, au motif qu’il aurait « dérangé » l’establishment en France. « J’avais plein d’amis qui étaient prêts à payer [la rançon], mais comme il ne fallait pas que je revienne, il ne fallait surtout pas payer », déclarait-il en 2014.

Il n’avait pas pardonné à ses ravisseurs

Dans cet entretien à L’Echo, il avait aussi dit qu’à l’époque, le roi Baudouin était prêt à payer pour le libérer en raison de « ce que la couronne belge devait à la famille Empain ». Le roi l’avait fait savoir à son entreprise, mais celle-ci n’avait pas donné suite, selon le baron. « Le baron Empain n’avait pas tout à fait pardonné à ses ravisseurs », raconte Lucas Belvaux sur Europe 1.

Au procès, chaque jour, sagement, le baron Edouard-Jean Empain venait carrer sa silhouette imposante d’athlète fatigué au pied des jurés, face à ceux qui, premiers rôles ou seconds couteaux, étaient accusés de l’avoir maintenu dans la plus sinistre séquence d’une mauvaise série B : séquestré, cruellement, pendant 63 jours, au début de l’année 1978. Au cœur de la cour d’assises, le baron affrontait, impassible, les objectifs des caméras. La tête dans les épaules, son regard bleu figé dans le vague, il écouta, la mâchoire crispée, l’énoncé de l’arrêt de renvoi. Sa nuque plie encore lorsque la dernière phalange de son doigt – coupée par ses ravisseurs dès le lendemain du rapt – circula dans un flacon, de juré en juré. Edouard-Jean Empain glissa un sourire – très vite – à sa demi-sœur Diane, 32 ans, qui, d’une voix monocorde de petite fille au bord des larmes, venait de témoigner. Il serra rapidement la main de Jean-Jacques Bierry, son ami, le principal interlocuteur des ravisseurs, qui lui faisait réciter ses leçons lorsqu’il était enfant. Il n’accorde pas un regard à René Engen, son bras droit à la tête du groupe Empain-Schneider au moment de l’enlèvement. Mais il leva les yeux longuement, intensément, avidement sur le principal accusé : Alain Caillol, qui, avec une sorte de fausse modestie complaisante et péremptoire, raconta son enfance, pour conclure : « La prison a tout balayé, ma femme, ma famille… » 

Il a douté de tout et de tous

La « prison » imposée au baron aussi a tout balayé : son confort, sa puissance et sa sérénité. Traumatisé par les tortures qu’il avait endurées, Edouard-Jean Empain a découvert avec stupeur, à l’issue de son cauchemar, qu’il n’était pas le héros d’une aventure infernale et fabuleuse, mais bien la victime fragile et banalisée d’un fait divers minable et crapuleux. Sa vie privée, dans tous ses détails, avait été fouillée par la police, étalée devant le public par les médias. Son existence même ne tenait plus seulement au désir de ses proches. Elle était devenue l’enjeu de tractations financières, d’une stratégie policière, d’une politique – celle de la fermeté, préconisée par Christian Bonnet, ministre de l’Intérieur de l’époque. Le baron n’était plus protégé par ses titres. L’héritier était nu, seul avec ses faiblesses soudain offertes en pâture à ses adversaires. Il ne lui restait plus qu’à fuir.  

Edouard-Jean Empain menait, du moins en façade, un train de vie paisible au côté de sa femme Sylvanna, à la tête d’un empire de 150 000 employés. Séparé – et non divorcé – de son épouse, le baron dirigea une PME d’une quinzaine de personnes : Air-Matériel, société spécialisée dans le commerce des armes.