Moyen de pression ou d’incitation ?

À chaque fois que l’on souhaite voyager, il faut prendre le soin de se demander quels sont les règles pour l’entrée sur le territoire d’un pays étranger. Le coût du visa d’un pays à l’autre et son octroi dépend principalement des accords bilatéraux et des conventions internationales pour faciliter l’accès avec ou sans visa.

LES GRIEFS que les étrangers qui débarquent en République démocratique du Congo contre la Direction générale de migration (DGM) sont rapportés à la pelle. Les reproches le plus souvent entendus concernent non seulement les prix des visas mais aussi certaines pratiques ou procédures, qui dénotent un mépris du principe de réciprocité (accords bilatéraux) et des conventions internationales. Là où le bât blesse vraiment, c’est quand les étrangers ont la nette impression qu’il n’y a pas de collaboration et/ou coordination entre les Affaires étrangères et l’autorité policière d’immigration. 

Pour l’anecdote : récemment, la DGM a fait payer à des Kenyans venus en vacances à Kinshasa le visa à l’aéroport international de Ndjili pour une durée de sept jours à 50 dollars. 

Même les enfants kenyans dont l’un des parents est Congolais ont payé le même montant. Puis, les touristes kenyans ont dû payer encore 183 dollars pour renouveler le visa, cette fois-ci pour une durée de un mois. 

Soit au total 233 dollars déboursés. Alors qu’un autre ressortissant de ce pays qui a fait sa demande de visa à l’ambassade de RDC en Allemagne n’a payé que 109 euros. Questions : pourquoi ne pas faire payer le visa court séjour une seule fois pour une durée de un mois ? Pourquoi le même visa doit coûter moins cher à l’étranger qu’à l’entrée au pays ?

Il y a quelques années, d’autres touristes kenyans s’étaient plaints de la procédure à leur arrivée dans notre pays, alors que le Kenya n’exigeait pas de visa d’entrée aux ressortissants de la RDC. Au retour dans leur pays, ils ont remonté le désappointement de l’autorité d’immigration de la RDC jusqu’au ministère des Affaires étrangères de leur pays. L’affaire arriva au Parlement kenyan où il y eut un débat houleux à ce propos. Et depuis, le Kenya a instauré le visa pour les ressortissants de la RDC. 

Pour de nombreux étrangers interrogés, il y a là un vrai problème de respect de protocoles, voire de conventions internationales. Tenez : récemment encore, la DGM a imposé, à partir du 15 août, un visa de séjour aux travailleurs rwandais, identifiés comme petits commerçants, maçons, hommes et femmes de ménage, ouvriers, etc., à la place du jeton qui était délivré gratuitement auparavant. Le visa de séjour coûte entre 20 dollars (petits travailleurs) et 300 dollars (fonctionnaires). 

On explique à Goma, le chef-lieu de la province du Nord-Kivu, qu’il s’agit d’une mesure de réciprocité, parce que le Rwanda a imposé un visa aux Congolais vivant au Rwanda et à ceux qui se rendent chaque jour à Rubavu (ex-Gisenyi), ville voisine à Goma. Même les Congolais étudiant au Rwanda doivent désormais avoir un visa d’études pour traverser la frontière. Sans doute, la fièvre d’Ebola est passée par là (Goma) pour que les autorités rwandaises décident de faire fi des accords passées dans le cadre de la Communauté économique des pays des Grands lacs (CEPGL) qui regroupe le Burundi, la RDC et le Rwanda. En effet, il existe un protocole sous-régional sur le mouvement des personnes et des biens, qui exempte du visa d’entrée. 

Pour beaucoup d’étrangers, la RDC se trouve dans la catégorie des pays où le visa coûte cher. En principe, les prix des visas en RDC sont fixés par un arrêté interministériel (Finances, Budget et Intérieur). Pour un mois : 85 euros (une entrée) et 115 euros (plusieurs entrées). Pour deux mois : 125 euros (une entrée) et 160 euros (plusieurs entrées). Pour trois mois : 175 euros (une entrée) et 200 euros (plusieurs entrées). Pour six mois : 240 euros (une entrée) et 310 euros (plusieurs entrées). 

Uniformisation

D’après des observateurs, un visa cher n’incite pas à visiter le pays. Au contraire, il devient un moyen de pression pour restreindre la liberté de mouvement pour les migrants. 

En RDC, le coût cher du visa est souvent justifié par la préoccupation budgétaire de maximisation des recettes nationales. Si tel est cas, combien de visas sont-ils délivrés chaque année par les services diplomatiques, et consulaires à l’étranger ainsi que par l’autorité d’immigration ? C’est le flou artistique : le ministère des Affaires étrangères ne dispose d’aucun mécanisme de contrôle. Et la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations (DGRAD) n’a pas compétence de vérifier les recettes provenant de l’étranger, faute de vignettes uniformes. La RDC compte près d’une soixantaine de représentations diplomatiques et consulaires, ainsi qu’une centaine de postes frontières et frontaliers. 

Pour le budget 2018, la contribution minimale attendue des Affaires étrangères était d’environ 2,4 millions de dollars (au taux de 1 813,4 FC le dollar), au titre de taxes inhérentes aux visas. Officiellement, les représentations diplomatiques et consulaires délivrent les visas de voyage ou de transit : aller simple ou aller-retour, d’un mois, de deux mois, de trois mois et de six mois, avec une ou plusieurs entrées. 

Parallèlement à la Direction générale de migration qui émet aussi des visas bien distincts. Selon les projections de la DGRAD, la DGM devrait apporter au Trésor public un peu plus de 8.7 millions de dollars en 2018. Est-ce que ces assignations ont été atteintes ? Toutefois, l’autorité policière d’immigration devra entamer sa mue : passer du cachet humide et des laissez-passer individuels au système de visas biométriques. 

Par ailleurs, le gouvernement devra s’appliquer à uniformiser et harmoniser la politique de délivrance des visas avec les Affaires étrangères et la DGM, qui déplore par ailleurs l’insuffisance des moyens matériels et financiers mis à sa disposition pour le contrôle aux frontières.