Notre cover sur la MIBA a un effet de coup de grisou

La manchette de Business & Finances « Miba, un enjeu électoral », édition n°175 du 20 au 27 mai, a-t-elle provoqué une onde de choc jusqu’à Mbuji-Mayi? En tout cas, le devenir de la Minière de Bakwanga fait à brûle-pourpoint le chou gras de la classe politique locale. 

 

Quelques heures après la distribution de la dernière livraison du « Journal des affaires » dans les grandes agglomérations congolaises, le directeur-général de la Minière de Bakwanga, Albert Mukina Kande Kande, a eu, le jeudi 23 mai, un entretien avec les membres du bureau de l’Assemblée provinciale du Kasaï-Oriental, sur la gestion de la MIBA, principale entreprise de l’espace kasaïen. Il s’est défendu de toute mégestion et a laissé entendre qu’il a hérité d’une situation chaotique savamment orchestrée par les propres agents et cadres de la Minière. 

Tous corrompus

Selon Albert Mukina Kande Kande, rapporte la presse officielle, la gestion ténébreuse de la Minière de Bakwanga a fait de vieux os et s’est ramifié à tous les niveaux de la hiérarchie notamment les directeurs généraux, directeurs chefs de service, cadres et travailleurs en complicité avec les grands diamantaires de cette province. Un puissant réseau maffieux opérerait au sein de la MIBA et aurait accès aux locaux saints des saints, où sont traitées et stockées les pierres précieuses. La nouvelle direction de la Minière a dû procéder à un véritable chambardement administratif dans l’espoir de juguler la fraude des pierres précieuses. Tous les services ou presque, notamment dans la laverie des diamants, ont connu des changements d’animateurs. Hélas, le mal se serait déjà bien incrusté dans la racine. Des gemmes seraient ainsi constamment volées, et par conséquent, les statistiques de la production affichent toujours une courbe descendante. 

Le site stratégique de Tshibwe

L’autre réseau de fossoyeurs de la Minière de Bakwanga a pour caïds des creuseurs clandestins qui s’adonnent à l’écrémage du gisement au polygone de la MIBA, avec le concours des éléments des FARDC et de la PNC commis pourtant à sa sécurisation, a déploré le DG Albert Mukina. Il sollicite le concours et la couverture du bureau de l’Assemblée provinciale pour sauver ce qui peut l’être encore de la MIBA et mettre l’entreprise à l’abri des influences politiques. Il y a encore quelques mois la minière n’avait plus que 3 000 dollars dans son compte et près de 200 carats de diamants Boart, le diamant noir.Et pourtant, la MIBA, a soutenu son directeur général, a encore l’opportunité d’accroître sa production à travers l’exploitation de la couche kimberlitique durant une période de 100 ans. Pour lui, la roche kimberlitique est de 45 km allant du polygone MIBA à la localité de Tshibwe en territoire de Miabi. Mais il se trouve que dans cette localité, en pleine concession de la MIBA, une entreprise sino-congolaise y opère depuis quelques années, la Société Anhuit Congo d’investissement minier (SACIM). Fruit d’un partenariat entre l’État, d’une part, et des privés congolais et chinois, d’autre part. La SACIM exploite le diamant à Tshibwe, avec une production moyenne de 300 000 carats le mois. 

Exonérée de toute obligation fiscale et douanière depuis 2015, la sino-congolaise SACIM devrait normalement commencer à payer, cette année, droits, redevances, taxes et impôts à l’État, selon le ministère du Portefeuille. Il sied de rappeler que le site minier de Tshibwe a été précédemment occupé, du temps du régime de l’AFDL-CPP, par la Sengamines, une joint-venture entre la MIBA et des particuliers de diverses nationalités. Selon la Commission de consolidation des statistiques minières 2017, la RDC a exporté, en 2016, quelque 15 559 447,19 carats de diamant, contre 15 753 487,33 carats en 2015. 

Et la part de la Minière n’excède guère les 10 %. Pourtant, selon Antwerp World Diamond Center (AWDC) ou le Centre mondial du diamant d’Anvers, le taux global de la production de diamants bruts augmentera cette année encore de 4,8 % l’an. L’année 2018 se distinguerait avec un pic de 169 millions de carats pour une valeur totale d’environ 19,6 milliards de dollars. 

Il y a un peu plus de 20 ans, la place diamantaire d’Anvers posait encore ses estimations sur la production de la MIBA et la production artisanale zaïroise. Hélas, la grande entreprise du Kasaï n’est plus que l’ombre de sa gloriole d’antan. Ce n’est que pour des raisons sociopolitiques que la MIBA échappe, voilà pratiquement 5 ans à un dépôt de bilan. Pourtant, 2018 est l’année des grands espoirs dans le secteur, selon Antwerp World Diamond Center. Les prix de diamants bruts se négocient de 10 à 15 % plus cher qu’en décembre 2017, alors que le Rapport, l’indice qui fixe les cours du diamant à New-York, les prix de diamants taillés (ronds entre 0.30 et 1.49 carats) atteindraient des pics inimaginables. La production artisanale du diamant, quant à elle, est estimée à une moyenne d’un peu moins de 12 millions de carats selon le Centre d’évaluation, d’expertise et de certification des matières précieuses et semi-précieuses (CEEC). 

Quand le Gouv s’emmêle 

Cependant, AWDC redoute qu’à l’année d’embellie succèdent des années des vaches maigres, de dégringolade des cours de diamants. Dès 2019, la production mondiale diminuerait de 1,9 % par an, et cinq ans après l’apogée, et se stabilisera à 153 millions de carats. Ce qui correspond à une valeur totale d’environ 18,4 milliards de dollars. Mais dans les milieux diamantaires congolais, l’on redoutait plutôt le trop plein de taxes et d’impôts, dont le taux de perception varie du jour au lendemain. Il sied également de rappeler que la Direction générale des impôts (DGI) a cédé nombre de ces faits générateurs de recettes aux administrations fiscales provinciales. 

Au Kasaï-Oriental, par exemple, le gouvernorat perçoit 2 % du prix de chaque colis de diamant vendu. Plus d’une fois, le Gouv’ Alphonse Ngoy Kasanji a fait le déplacement de la capitale afin de recouvrer les droits de sa province, avec le concours des services. Ngokas recourt à des pratiques dont il a été victime du temps de Mzee, déplore-t-on dans les milieux diamantaires de Mbuji-Mayi. L’an dernier, la tension est montée d’un cran dans la ville, quand le Gouv’ a mis les services sur les trousses d’un opérateur accusé, à tort, d’avoir sorti de la ville une grosse gemme alors qu’il avait plutôt mis en gage son immeuble auprès d’une banque pour relancer ses affaires. 

Par ailleurs, la presse locale accuse le Gouv’ d’être à la base des échecs répétés de plans de relance de la MIBA au profit de la Fédération congolaise des exploitants (artisanaux) d’or et du diamant (FECODI) dont il est membre. Des accusations qui correspondent à quelques exceptions près aux complaintes du DG de la MIBA. Business & Finances y reviendra.