Opportunités et contraintes

En dépit des crises de 2008 et 2015 des marchés des matières premières, les perspectives de développement du secteur minier sont considérables, comme l’illustrent des projections de développement de la production de cuivre, cobalt, or et diamants. 

 

Après la crise financière internationale, la production reprend le chemin de la croissance. Si la reprise s’annonce relativement faible dans les pays industriels, en particulier ceux dont le système bancaire est encore chargé d’actifs douteux, la croissance des nouveaux pays industriels semble rester vigoureuse, particulièrement en Asie du Sud et du Sud-Est. Celle-ci a le potentiel de tirer de nouveau vers le haut la demande et le prix des produits de base. On observe également que les niveaux de production prévus pour 2014 ont été plus du double de ceux de 2007, reflétant des projections optimistes concernant la demande mondiale à l’horizon 2040.

La production industrielle d’or a repris dans le bassin de Kilo-Moto, situé dans les districts Haut-Uélé et Ituri, au Nord de Kisangani, où des acteurs importants comme Randgold ou AngloGold Ashanti ont investi, souvent sous forme de partenariats commerciaux avec l’OKIMO. La production pourrait atteindre 30 à 35 tonnes d’or par an à l’horizon d’une décennie si les permis actuellement détenus sont mis en exploitation, avec des recettes d’exportation pouvant atteindre 1 milliard de dollars.

Dans le secteur minier comme dans les autres secteurs de l’économie, la capacité de l’État à fournir des biens publics est sévèrement limitée par des problèmes de gouvernance. Ainsi, par exemple, le CAMI a attribué douze, vingt-neuf et trente-deux millions de dollars de permis en 2006, 2007 et 2008.

Remise en question

Malgré un taux de recouvrement en baisse notable (66.8 %, 41.6 % et 31.4 % sur ces mêmes années), ces attributions devraient avoir généré respectivement neuf, douze et quatorze millions de dollars de recettes. En dépit de ces recettes nominales considérables, le CAMI s’est vu, par exemple, dans l’incapacité de payer ses employés en novembre et décembre 2008. Le ministère des Mines a pris le contrôle direct de l’attribution des permis. Cela a remis en cause la structure institutionnelle mise en place par le code minier de 2002, qui devait garantir l’indépendance du processus d’attribution des permis. Sur 5 359 permis émis par le CAMI jusqu’en juillet 2008, seuls 471 étaient des permis d’exploitation, et parmi ceux-ci seuls 166 étaient émis pour des entreprises privées non assujetties à des partenariats commerciaux avec des acteurs publics. Ce faible nombre reflète en partie l’attentisme d’investisseurs incertains de l’évolution de l’environnement des affaires, les permis d’exploration reflétant une forme de spéculation à la hausse sur le prix des actifs (comme l’achat d’options sur les marchés financiers).

En ce qui concerne le secteur minier artisanal, le vide juridique formel dans lequel opèrent les creuseurs artisanaux les soumet à des influences multiples de pouvoirs locaux, incluant les chefs de villages et les groupes armés dans les zones où ceux-ci sont actifs. Le fardeau fiscal pesant sur le secteur minier est de l’ordre de 56 % des revenus, à quoi s’ajoutent généralement entre 15 % et 25 % sous la forme de paiements informels. La combinaison des deux donne un taux de taxation total approchant les 80 %, ce qui est à peu près le double de la norme acceptée dans l’industrie.

Selon certaines estimations, la RDC se classerait dans le peloton de tête dans le monde en termes de niveau de taxation du secteur minier. Il est vraisemblable qu’un fardeau fiscal à un tel niveau agisse comme un puissant inhibiteur pour les investissements extérieurs, surtout lorsqu’il s’ajoute à l’incertitude réglementaire et aux troubles politico-militaires récurrents. Le poids de la taxation totale pesant sur le secteur semble être lié, entre autres, à la multiplication des agences gouvernementales intervenant avec des pouvoirs de taxation. Celles-ci incluent la Direction générale des recettes administratives, domaniales, judiciaires et des participations (DGRAD), la Direction générale des impôts (DGI), les entités administratives décentralisées, ainsi que des agences facturant des services largement redondants, comme le Centre d’évaluation, d’expertise et de certification des substances minérales précieuses et semi-précieuses (CEEC).

Le manque de coordination entre ces acteurs fiscaux et parafiscaux aggrave la pression fiscale, aucun des intervenants n’ayant une vision d’ensemble. Le modus operandi des acteurs fiscaux et parafiscaux consiste souvent à identifier un problème, supposé ou réel, dans les opérations de l’entreprise et d’imposer des pénalités fiscales simultanément avec un « bon à payer » couvrant jusqu’à 40 % des pénalités en question, mais payable immédiatement, soit en cash, soit sur un compte distinct. Le reste de la pénalité est alors négocié à la baisse.

Coût des dépenses légales

La RDC est membre à l’initiative ITIE (Extractive Industries Transparency Initiative ou Initiative de transparence dans les industries extractives). Le décret de mise en œuvre a été signé en juillet 2009. L’adoption de cette initiative est considérée par les investisseurs comme un signal positif. L’année 2010 a été cruciale pour la crédibilité de l’engagement. Le premier rapport ITIE a été publié en mars 2010, et en se basant sur ce progrès, 6 mois supplémentaires ont été accordés au pays afin de compléter le processus de validation.

Un élément révélateur de la difficulté de l’environnement des affaires en RDC est fourni par le montant des coûts légaux encourus par les entreprises du secteur minier. Celles-ci s’élèveraient selon certaines estimations fournies par des entreprises minières du Katanga à 5 millions de dollars par an. En comparaison, les dépenses légales sont de l’ordre de 400 000 à 500 000 dollars en Indonésie, et de l’ordre de 200 000 au Canada.

Par ailleurs, les conflits d’intérêt entre gouvernement (pouvoir central) et les exécutifs provinciaux donnent parfois lieu à des mesures dont les opérateurs privés sont otages. Ainsi, 3 000 tonnes d’exportations de cuivre de l’un des principaux opérateurs du Katanga se sont vues temporairement interdites, en août 2009, par les autorités provinciales, dans le but apparent de négocier un partage des recettes avec le pouvoir central.

Les coûts de main-d’œuvre sont paradoxalement élevés en RDC, qu’il s’agisse des expatriés ou des nationaux, en raison du niveau très élevé du coût de la vie. Un cadre expatrié peut coûter jusqu’à 250 000 dollars par an, bénéfices et charges compris (environ 50 % du total). Un employé local ayant des qualifications similaires à celles d’un expatrié sera payé à un niveau similaire, soit huit à dix fois plus cher qu’en Indonésie, par exemple. De plus, la main-d’œuvre congolaise est peu compétitive, selon les standards internationaux, même en ce qui concerne les ouvriers non qualifiés. La cause principale de la relative cherté de la main d’œuvre en RDC est le coût de la vie dû à la nécessité d’importer pratiquement toutes les fournitures, y compris les biens de base, en l’absence d’une production locale. Ainsi, plusieurs mines du Katanga importent même leur alimentation. Dans les années 1960-1970, la RDC s’est dotée d’excellentes écoles professionnelles. Ce capital intangible est une autre victime du déclin général du pays, et le secteur minier n’a plus accès à la main-d’œuvre qualifiée dont il a besoin. Les investisseurs mettent graduellement en place des programmes d’apprentissage et de formation, mais cet effort est largement inférieur aux besoins.