Pas d’avancées significatives

Deux ans après la mise en œuvre de ces mesures, la situation économique dans le pays ne s’est guère améliorée davantage. Dans presque tous les secteurs, il y a nécessité d’accélérer sur certains paramètres de transformation économique. 

 

Depuis 2016, le gouvernement revoit à la baisse les prévisions de croissance du pays, les réserves officielles de change. Par contre, il revoit à la hausse les estimations de plusieurs indicateurs du cadre macroéconomique, tels que l’inflation, le taux de change, le taux directeur de la Banque centrale du Congo (BCC), le taux de coefficient des réserves obligatoires des banques commerciales… Depuis 2016, on observe la dépréciation de la monnaie locale après une relative stabilité. Cette situation contribue à accélérer le rythme de la formation des prix dans un contexte de forte tension politique et des perspectives économiques floues. Par conséquent, les risques d’instabilité sont particulièrement élevés.

Le franc continue de se déprécier, malgré les efforts de la Banque centrale pour répondre à la demande des devises étrangères. Le taux de change est actuellement à 1 630 francs pour 1 dollar sur le marché parallèle. Dans le budget pour l’exercice 2018, le gouvernement a projeté le taux de change à 1 800 FC le dollar. Afin de réduire cette pression sur la monnaie locale, la BCC poursuit ses interventions d’injection mensuelle des devises étrangères sur le marché de change. Cet effort financier de l’Institut d’émission vise à atténuer les effets des cours de change, à rendre disponible les devises sur le marché de change et à réduire ainsi la forte demande exercée par le secteur des importations et pour d’autres besoins de transaction.

Jusqu’où va aller la dépréciation ?

Ces interventions restent insuffisantes pour combler les besoins réels du marché exprimés par les banques commerciales qui sont estimés à plus de 100 millions de dollars. Pendant que les tensions sur le marché des changes s’accentuent, les réserves de change continuent de baisser. Les réserves officielles de change ont chuté en dessous de 1 milliard de dollars depuis octobre 2016. C’est pour la première fois depuis 2008. Actuellement, le niveau de réserves oscille autour de 500 millions de dollars. En conséquence, la Banque centrale relève son principal taux d’intérêt (20 %) et le taux de coefficient des réserves obligatoires qui est passé de 9 à 12 % pour les comptes à vue, de 10 à 13 % pour les dépôts à terme. L’objectif est d’amener les banques à ne pas transformer, à tout moment, des dépôts en francs en devises étrangères.

L’espace budgétaire ne cesse de diminuer avec la baisse des revenus et des pressions continues pour maintenir ou accroître les dépenses. Le solde budgétaire s’est tourné vers un déficit autour de 500 millions de dollars en 2016 contre 14 millions un an plus tôt. La reddition de comptes pour l’exercice 2017 se fait attendre. Selon le tableau des opérations financières du ministère du Budget, le taux d’exécution des dépenses de fonctionnement des institutions politiques (présidence, Parlement et la primature) pourrait dépasser 90 % de l’allocation du budget 2017.

Dans ce contexte de basse conjoncture, les entreprises du secteur privé sont poussées, soit à la suspension, soit à la fermeture des activités de certaines d’entre elles avec risque de survenance des tensions sociales. En plus de ce ralentissement des activités économiques, les entreprises sont confrontées aussi bien au niveau central que provincial, à la création sans fondement des droits, taxes et redevances ainsi qu’à l’augmentation de leurs taux, à de nombreux contrôles de services d’assiette et des régies financières ainsi que d’autres services publics tels que les institutions judiciaires et l’Inspection générale des finances (IGF)…

La feuille de route du secteur privé

Ainsi, afin de restaurer la confiance des opérateurs économiques, les représentants du secteur privé ont formulé comme mesures urgentes: le recours aux financements extérieurs et aux dons afin de contenir le taux de change et stabiliser les prix intérieurs ; la réduction davantage le train de vie de l’État par la suppression des dépenses non indispensables ; la suppression de la TVA dans les secteurs miniers et pétroliers, sur les produits de première nécessité ;  rassurer davantage le petit nombre d’entreprises opérant encore dans le formel en leur accordant un moratoire (de trois mois) sur le contrôle fiscal, douanier, des recettes non fiscales et économique ; la révision

à la baisse du barème de l’IPR (impôt professionnel sur les revenus) afin de sauvegarder tant soit peu le pouvoir d’achat des gagne petits.

Comme mesures structurelles : la création à la BCC d’un guichet de financement en franc du secteur de l’agriculture et la mise en place d’un fonds de garantie pour faciliter aux PME d’accès aux financements ; la promotion de la production intérieure pour réduire la dépendance du pays des importations ; l’accroissement quantitativement et qualitativement de l’offre de l’énergie en facilitant de nouveaux investissements dans ce secteur ; la mise en place des mécanismes facilitant aux PME l’accès aux marchés de sous-traitance et la création d’une classe moyenne congolaise ; la revisitation des arrêtés ministériels ayant créé de nouveaux droits, taxes et redevances ainsi que la majoration de leurs taux.

Réaction timide et comment croire le gouvernement

Le secteur privé propose aussi l’accélération de l’adoption et la promulgation du projet de loi sur les prix et la concurrence en vue de mettre fin à la situation de monopole et de représentation exclusive des produits importés ; l’amendement de la loi sur les principes fondamentaux de l’agriculture pour sécuriser les investisseurs ; et la mise en place de l’Autorité de régulation des assurances. À l’issue de la concertation entre le gouvernement et le secteur privé représenté par les conseils d’administration de la FEC, la FENAPEC et la COPEMECO, le ministre des Finances, Henri Yav Mulang, a instruit les responsables des régies financières de convoquer la commission tarifaire afin de statuer sur l’opportunité de suspendre tant à l’importation qu’en régime intérieur la perception de la TVA sur tous les produits de première nécessité. Il s’en est suivi que la commission a recommandé la suspension pour une durée de trois mois des perceptions de la TVA ; la suspension des contrôles fiscaux et douaniers afin de bannir tous les contrôles improvisés à caractère tracassier.

Mais comment croire le gouvernement ? Le 1ER Ministre n’a apparemment rien investi sur les « questions brûlantes » d’économie. Du coup, le président de la République a, subtilement et utilement, repris la main et fixé les lignes directrices de l’action à mener par le gouvernement Tshibala. C’est ainsi que Joseph Kabila a mis en place le comité stratégique ou de pilotage, genre cellule de crise, chargé de l’application des mesures économiques urgentes décidées par lui-même.

Ces mesures visent grosso modo l’amélioration du niveau de collecte des recettes publiques et la lutte contre la fraude douanière et fiscale. Pour rappel, les membres du comité stratégique ont visité notamment les provinces du Haut-Katanga et du Kongo-Central, à l’effet d’améliorer le niveau de collecte des recettes publiques. Le rapport de mission met en relief non seulement « la porosité constante »…

…des neuf frontières de la RDC, ce qui favorise la contrebande, mais aussi « le non respect » du décret présidentiel de 2002 fixant à quatre le nombre des services habilités à œuvrer aux frontières. Le même rapport fait état de « trop nombreux cas de fraude et de trafic d’influence » qui contribuent à une multiplication illégale des taxes et des services percepteurs, à la délocalisation des unités de production vers des pays voisins et à la criminalisation du commerce frontalier.

Mesures de riposte

C’est ainsi que le gouvernement a pris cinq décisions. Premièrement, la restauration effective de l’autorité de l’État et l’assainissement de l’environnement douanier à travers la suppression de toutes les taxes et frais administratifs illégaux aux frontières, la stricte observance du décret limitant à quatre le nombre des services publics aux frontières et des heures d’ouverture et de fermeture des postes frontaliers ainsi que de la suppression des barrières irrégulières.

Deuxièmement, l’instauration des mesures de transparence et de lutte contre toute forme de tracasseries et la corruption à travers l’imposition d’un taux unique des taxes à répartir entre différentes structures prestataires des services, l’ouverture d’un numéro téléphonique vert d’alerte sur les tentatives de corruption et de violation des mesures, l’affichage obligatoire des frais de douane et taxes légaux et réglementaires aux frontières et l’inclusion de tous les services étatiques concernés dans le guichet unique.

Une liste des agents de l’État indélicats et des personnes physiques ou morales qui violent ces dispositions au niveau de tous les postes frontaliers du pays est en élaboration et les sanctions leur devaient être infligées dans les vingt-quatre heures, car il s’agit manifestement de « criminels économiques récidivistes », selon le porte-parole du gouvernement, le ministre des Médias et de la Communication, Lambert Mende Omalanga.

Troisièmement, en vue de lutter contre la dépréciation monétaire, le gouvernement a, en outre, décidé un encadrement rigoureux des dépenses publiques et d’appuyer l’encadrement du processus de rapatriement des 40 % des recettes d’exportation des produits miniers et leur injection réelle dans l’économie nationale ainsi que l’encadrement efficace des changeurs de monnaie à travers leur regroupement au sein d’associations ou coopératives d’intérêt économique.

Quatrièmement, au plan structurel, pour éradiquer la fraude et la contrebande, le gouvernement a décidé d’ériger systématiquement des plateformes logistiques dans tous les postes frontaliers, d’informatiser et interconnecter l’ensemble de services, d’encourager le secteur bancaire à étendre le réseau financier et bancaires aux postes frontaliers, de conclure rapidement des accords bilatéraux et régionaux d’actualisation de la nature et du contenu du commerce transfrontalier, notamment avec l’Angola sur l’importation du carburant. Et cinquièmement, dans le but de relancer la production et de diversifier l’économie, le gouvernement a décidé l’octroi des crédits aux structures publiques de production agricole comme le DAIPN et Bukanga-Lonzo et l’octroi des crédits aux structures agro-pastorales privées développant des projets rentables.

L’opinion est comme chat échaudé

Selon le Congolais lambda, il n’est plus question aujourd’hui d’afficher avec pompe des décisions qui ne seront pas de mise, mais d’agir énergiquement car le mal est si profond. La population, dont l’adhésion est essentielle dans ce domaine, se réfugie dans l’attentisme, étant donné que Bruno Tshibala est déjà très affaibli politiquement. Sérieusement, le climat général n’est ni à la démagogie ni à la diversion au moment où tous les regards sont rivés aux élections.

Comment ne pas céder à la méfiance, quand on observe les cafouillages des ministres au sein même du gouvernement ? Le délai de 48 heures pour la publication de la liste des « criminels économiques récidivistes » à sanctionner est largement dépassé.

C’est le statu quo ante, notamment aux frontières et aux ports. Certains, à Kinshasa, se montrent très sceptiques car le gouvernement n’est pas encore capable de lutter contre la corruption. Le pari est donc difficile mais peut-être jouable, si l’exemple vient d’en haut. Sinon il est cependant loin d’être gagné d’avance dans un pays où l’opinion est d’humeur maussade et très sévère sur l’autisme du gouvernement face aux problèmes rencontrés par les citoyens, en raison du ralentissement économique, et où la défiance de la population à l’égard des élites au pouvoir est criante.