Poutine n’a pas peur de la concurrence des autres puissances en Afrique

Dans son entretien à TASS nous parvenu, Vladimir Poutine insiste que ce n’est pas par hasard que l’Afrique devient de plus en plus un continent d’opportunités. Elle dispose d’énormes ressources et d’un potentiel d’attractivité économique très grand.

SELON nos confrères de TASS, l’agence d’information publique russe, le monde moderne se distingue actuellement par une concurrence particulièrement féroce. Question au président Poutine : la Russie est-elle prête à une compétition rude en Afrique, par exemple, avec la Chine ou les États-Unis?  Réponse de Vladimir Poutine : « Oui, effectivement ! Ce ne sont pas seulement les pays de l’Europe occidentale, les États-Unis et la République populaire de Chine qui sont intéressés par le développement des relations avec les pays d’Afrique. Mais aussi l’Inde, la Turquie, les États du Golfe, le Japon, la République de Corée, Israël, le Brésil… » 

Précision de taille : « Et ce n’est pas par hasard. L’Afrique devient de plus en plus un continent d’opportunités. Elle dispose d’énormes ressources et d’une potentielle attractivité économique. Ses besoins d’infrastructure augmentent, la population s’accroît rapidement et les demandes de cette dernière augmentent aussi. Donc, le marché intérieur et la consommation s’élargissent. 

Autre question : Voyez-vous des risques de protectionnisme, de conflits commerciaux ou de concurrence malhonnête envers la Russie? Réponse du président Poutine : « Là où il y a des perspectives considérables pour les investissements, pour le profit, il y a aussi la concurrence qui, malheureusement, dépasse parfois les bornes de la décence. Nous voyons de nombreux États occidentaux recourir à la pression, à l’intimidation et au chantage des gouvernements des pays souverains africains. » 

Et de poursuivre : « Par de telles pratiques, ils essaient de récupérer l’influence et les positions dominantes perdues dans les anciennes colonies et, déjà sous un ‘nouvel emballage’, de pomper des surprofits, d’exploiter le continent sans tenir compte ni des gens qui y habitent, ni des risques environnementaux ou autres. Et, peut-être, afin que personne ne s’oppose à cette politique, ils entravent l’établissement des relations plus étroites entre la Russie et l’Afrique. »

Autre question encore : Quelles sont les méthodes de lutte? 

À ce propos, le président russe se veut rassurant : « Bien sûr, nous tenons compte de ces réalités et nous en tirons des conclusions appropriées. Nous sommes prêts, non à une répartition des richesses du continent (africain), mais à une concurrence pour la coopération avec l’Afrique. L’essentiel est qu’elle soit civilisée et se développe dans un cadre légal. Nous avons bien quelque chose à offrir à nos amis africains. » C’est de cela, entre autres, qu’il a été question lors du Sommet de Sotchi, a fait savoir Vladimir Poutine.

Pas d’agenda caché

Qui souligne : « Bien sûr, nous visons avec nos partenaires africains à défendre les intérêts économiques communs, à les protéger des sanctions unilatérales, y compris par la diminution de la part du dollar et le passage aux autres monnaies dans les règlements mutuels. Je suis persuadé que les Africains ne sont pas intéressés par l’escalade de la confrontation des grandes puissances sur le continent. Au contraire, ils préféreraient que la rivalité se replace par la coopération dans la lutte contre les défis tellement importants pour l’Afrique comme le terrorisme, la criminalité, le trafic des stupéfiants, la migration incontrôlée, la pauvreté, les maladies transmissibles dangereuses. Je le répète, c’est à ce travail que la Russie est prête. »

À la question de TASS de savoir si cette compétition féroce ne nuira pas aux partenaires africains, le président russe martèle : « Notre agenda africain a un caractère positif, orienté vers l’avenir. Nous ne nous faisons pas des amis contre qui que ce soit, et rejetons résolument les jeux géopolitiques quelconques autour de l’Afrique. » Quand on lui demande si le modèle soviétique de coopération avec les pays d’Afrique fondé souvent sur l’octroi des crédits était justifié, sa réponse est aussi prompte : « Sans aucun doute ! Le modèle soviétique, avec ses avantages et ses inconvénients, s’est avéré suffisamment efficace à l’étape de l’établissement des États africains. Aujourd’hui, nous continuons à prêter une aide financière aux États d’Afrique. Cependant, si, avant, ces décisions étaient prises surtout pour des raisons politiques, aujourd’hui, c’est fait dans le cadre d’assistance humanitaire. »

Est ce que la Russie prévoit de poursuivre cette pratique d’octroi des crédits aux pays africains? Réponse du président russe : « Quant à l’octroi des crédits, aujourd’hui, ils portent un caractère de marché. Par exemple, la décision est prise sur l’octroi à l’Égypte d’un crédit de 25 milliards de dollars pour la construction de quatre exemplaires de la centrale nucléaire à El-Dabaa. Il s’agit justement d’un crédit de marché. Je veux également noter qu’à l’époque post-soviétique, à la fin du XXe siècle, la Russie a annulé les dettes soviétiques des pays africains d’un montant de 20 milliards de dollars. » 

Aide au développement

Pour Vladimir Poutine, « c’était non seulement un acte de générosité, mais aussi un geste pragmatique, car beaucoup d’États africains étaient incapables de régler les intérêts pour ces crédits ». C’est pourquoi, souligne-t-il, il est nécessaire pour tous de « prendre un nouveau départ pour la coopération ». Comment ? « Aujourd’hui, d’autres schémas s’appliquent à une partie de la dette restante. Par exemple, des accords intergouvernementaux sont réalisés selon le programme ‘dette en échange du développement’ avec Madagascar, le Mozambique et la Tanzanie. Dans le même élan, nous prévoyons de régler le reste de la dette de l’Éthiopie (163,6 millions de dollars). Le projet d’un accord en ce sens est en train d’être coordonné ».

Pour rappel, la Russie apporte également sa contribution aux programmes internationaux de l’assistance à l’Afrique dans le cadre du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), du Programme alimentaire mondial (PAM), de l’Organisation internationale de protection civile. Parfois, l’aide est accordée en nature. Par exemple, depuis 2011, la Russie a fourni au PAM en Afrique 258 camions Kamaz. Une autre partie de 75 camions vient d’être expédiée sur le continent.

« Le recours aux nouveaux mécanismes financiers ne signifie aucunement que nous renonçons aux crédits. Au contraire, il élargit et enrichit la palette des instruments pour l’aide au développement. Il favorise l’établissement de la coopération mutuellement avantageuse entre la Russie et les pays d’Afrique », a fait remarquer Vladimir Poutine. Qui a estimé que tous ces problèmes devraient être examinés par les participants au forum économique de Sotchi.