Quand la LUCHA accuse les services de l’État de laxisme

Le mouvement citoyen pointe du doigt l’Office congolais de contrôle, le ministère du Commerce extérieur, la douane, etc. S’ils ne sont pas complaisants, alors ils seraient complices, selon cette association, dans l’importation et la commercialisation de bières à forte teneur d’alcool dans le Nord-Kivu.

L’ÉTAT ferait-il l’apologie de l’abrutissement et de la délinquance juvénile ? En tout cas, le mouvement citoyen LUCHA (Lutte pour le changement) répondrait par l’affirmative. Pour cette association, le grand banditisme ainsi que les tueries  cycliques qui sévissent dans la région de Beni ont notamment pour cause les bières à taux d’alcool élevé importés ou produits localement. Le ministère des Finances envisageait, pourtant, de lancer des missions de contrôle mixte Direction générale des impôts (DGI)-Direction générale des douanes et accises (DGDA) sur l’origine des produits vendus sur le territoire national ainsi que le renforcement de contrôle de destination de mise en œuvre des marchandises exonérées, dont les bières à forte dose d’alcool.

Hélas, rien n’est venu. Pour autant, certaines bières dont la Cuca importée d’Angola via le marché frontalier de Lufu ne sont plus vendues sur la place publique comme par le passé. Conséquence, sans doute, d’un arrêté de Jean-Lucien Bussa Tongba, le ministre du Commerce extérieur. D’ailleurs, les prévisions de recettes parafiscales du Commerce extérieur, pour l’exercice 2019, accusent, en effet, une régression de 35 % par rapport à celles de 2018. Les assignations du Commerce extérieur ne sont que de 13 770 555,56 dollars. 

L’État envisageait d’aider les importateurs d’alcool à se reconvertir dans d’autres produits. Avant même la tenue du Forum national sur la réforme fiscale, le ministère du Commerce extérieur avait sollicité du gouvernement la révision à la baisse du taux des arrêtés interministériels en vue d’améliorer le climat des affaires et de gagner plus.

Service d’assiette, le ministère du Commerce extérieur comptait réaliser au moins 36 milliards de nos francs à fin 2018. En 2017, ses recettes qui sont recouvrées par la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations (DGRAD), avaient été de 25 561 997 122 FC. Lors de l’évaluation des réalisations à fin décembre 2017 du Commerce extérieur en collaboration avec les experts de la DGRAD, il a été noté que « les interférences politiques et multiplicité des exonérations », ont notamment empêché ce service d’assiette d’atteindre ses assignations.

Entreprises « difficiles »

Parmi les stratégies levées pour l’exercice 2018, les experts du Commerce extérieur tablent non seulement sur l’organisation de missions d’encadrement et de suivi de la mobilisation de recettes du secteur en intelligence avec la DGRAD. Mais surtout la sensibilisation des opérateurs économiques catégorisés « difficiles » suite aux ingérences politiques. De tous les services d’assiette, le Commerce extérieur a la particularité de concentrer l’essentiel de ses recettes dans les amendes transactionnelles pour infraction à la législation sur le commerce. Pour l’exercice 2018, le Commerce extérieur escompte capter plus de 36 milliards de FC (36 863 430 950 FC). En 2015, les amendes transactionnelles avaient rapporté plus de 17 milliards de FC (17 131 049 488 FC), contre des prévisions de plus de 9 milliards de FC (9 471 728 000 FC), soit un taux de réalisation de plus de 180 %. Au cours de l’exercice 2016, le taux de perception des amendes pour violation de la réglementation dans le commerce extérieur a été de plus de 82 %, soit des prévisions de 17,4 milliards de FC (17 400 360 845 FC) pour des recettes de 14,4 milliards de FC (14 420 928 234 FC).

Ainsi de l’avis des analystes, le ministère du Commerce extérieur devrait gagner plus dans l’interdiction d’importation ou d’exportations de divers articles précités car la contrebande à grande échelle s’organiserait à court terme, et les amendes pour fraude s’alourdiraient davantage, singulièrement pour ce qui est des importations de bières alcooliques.

Exonérations

Mais hélas, il pleut dans le commerce  extérieur congolais des exonérations obtenues par des méandres politiques. Même Deo Rugwiza, le directeur général de la DGDA, l’a déploré, particulièrement dans les postes frontaliers de l’Est (Mahagi, Kasindi…) où, bien souvent, selon ses dires, sortent et entrent des camions remplis de diverses marchandises sous escorte des éléments lourdement armés des forces de l’ordre. 

L’autre grande source de revenus du service de commerce extérieur relève du droit administratif. Il s’agit de la taxe (non douanière) sur les opérations d’importation. Curieusement, aucune assignation, comme il est d’usage, n’est collée à cette taxe depuis au moins 2015. Année au cours de laquelle la taxe non douanière sur les opérations d’importation avait rapporté plus de 5 milliards de francs (5 210 530 884 FC). Et en 2017, plus de 4.3 milliards de FC (4 386 228 175 FC). 

Cependant, pour l’exercice 2018, le gouvernement a levé l’option  d’attribuer des assignations à ladite taxe, soit environ 8 milliards de FC (7 983 399 820 FC). Autres actes générateurs de recettes, la taxe sur le numéro import/export (personne physique/personne morale). Les assignations pour l’exercice 2018 sont de l’ordre de 396 millions de FC (396 670 905 FC). Au cours de deux précédents exercices, le Commerce extérieur a tablé sur des prévisions de plus de 2 milliards de FC mais les réalisations n’ont jamais dépassé les 10 % des assignations. 

En 2015, des attentes ont été de 2 009 158 980 FC pour des revenus de 258 895 464 FC et en 2016, les prévisions étaient de l’ordre de 2 063 088 225 FC, et les réalisations de 217 938 365 FC. Par contre, les ventes résiduelles des établissements non marchands dont la vente du bulletin Mercuriale des prix à l’exportation ou encore de la revue de commerce ne sont plus d’aucun apport financier pour le Commerce extérieur. En tout cas, selon un rapport de la DGRAD, ces actes générateurs de recettes n’ont plus rien apporté depuis des années. 

Il sied de rappeler que la Chine est devenue, depuis une quinzaine d’années, le premier partenaire commercial de la RDC, surclassant la Belgique et la France. Mais les statistiques des volumes de change ne sont guère fiables, de l’avis des experts. Il convient de rappeler que les principaux produits d’exportations de la RDC demeurent les mines, les hydrocarbures et les bois. Le Fonds monétaire international (FMI) a fait part de bonnes perspectives dans le secteur des industries extractives pour 2017. Les recettes d’exportation des produits miniers, au second trimestre 2017, se sont chiffrées à 161 millions de dollars (161 405 779,85 dollars). Les pétroliers producteurs ont versé à la DGI, la DGRAD et la DGDA, plus de 100 millions de dollars, plus précisément 100 549 820,19 dollars durant le premier semestre 2017. Les recettes des ressources forestières (grumes, bois sciés, etc.), au second trimestre 2017, se chiffrent à plus de 500 000 dollars (505 065,76 USD).  

Cependant, les experts du secteur redoutent que la décision prise par le gouvernement d’interdire l’importation du bois grume ne ralentisse encore la reprise dans ce secteur comme en 2016. Côté import, la RDC importe tout, de la bière aux appareils électroménagers même des made in Luanda ou Nigeria, du ciment et des vestimentaires chinois, etc. 

Pour autant, ces cinq dernières années, le commerce extérieur n’a jamais rapporté, au terme d’un exercice budgétaire, 20 milliards de FC au Trésor public. Trop d’exonérations sous la couverture des politiques. Ce que la LUCHA ne devrait guère apprécier.