Quand le 1ER Ministre est en manque d’autorité, qu’est-ce qui arrive ?

Les lettres du chef du gouvernement, adressées à certains de ses ministres continuent de défrayer la chronique. Elles témoignent, sinon, de son impuissance, du moins, de son inefficacité. Du coup, il se pose, de nouveau, la problématique du « sens de l’honneur » chez le politique congolais.

 

« Le style est l’homme même », disait le naturaliste français Buffon. Un style qui, chez les hommes politiques, ne se révèle vraiment qu’à l’épreuve de l’exercice du pouvoir. S’appuyant sur cette vérité, des Congolais qui ont l’habitude de soupeser des yeux « leurs » dirigeants n’ont pas hésité à mettre une nouvelle fois Tshibala à la une de leurs conversations de salon. Dans certains milieux, on pense que les différentes lettres de « blâme » ou de « rappel à l’ordre » ou de je ne sais quoi encore qu’il a adressées à quelques ministres, dont celui de l’Enseignement primaire, secondaire et professionnel (EPSP), Gaston Musemena Bongola, et celui des Affaires foncières, Lumeya Dhu-Maleghi, donnent une idée assez précise de ce qu’aura été sa primature d’une transition politique bien agitée. 

Absence criante de solidarité 

Pour rappel, Bruno Tshibala Nzenzhe vient de franchir le cap d’une année au pouvoir, comme 1ER Ministre de la République démocratique du Congo. Il n’y a pas de doute, Tshibala n’a pas tenu ses promesses et ne les tiendra pas, parie-t-on ici et là. D’après ce que l’on entend, toujours ici et là, il n’a pas de bilan, point barre. D’ailleurs, selon des indiscrétions qui bruissent de certains cabinets ministériels, la solidarité gouvernementale fait le plus défaut à ce cabinet. Une fine analyse d’un membre du gouvernement Tshibala démonte un à un les ressorts de sa gouvernance, qui laisse perplexe. D’après ce ministre qui a requis l’anonymat, « l’incurie » du 1ER Ministre « infecte tout le gouvernement » et finit par « dresser la table pour les démagogues ». Ils s’agitent déjà, leur sourire carnassier tourné vers les échéances électorales prochaines. D’après lui, il y a des ministres qui boudent les cérémonies présidées par le 1ER, qui n’hésitent pas à le critiquer, même en public. On se souvient de ce qui est arrivé entre son ancien directeur de cabinet et son gendre de conseiller ou de chargé de mission. Ce ne sont pas les potins dont raffolent les Kinois qui manquent… Passons.

Comparaison n’est pas raison. Soit ! Nelson Mandela eut l’extrême intelligence de comprendre que l’Histoire ne lui pardonnerait pas de gaspiller les générosités du destin. Après la fin de l’apartheid, il usa de son immense crédit à persuader les siens qu’il fallait façonner l’avenir, et non de demander des comptes au passé. Malheureusement, son successeur, Thabo Mbeki, ne possédait que les qualités d’intendant. Ajoutez à cela sa nature, vous comprendrez l’origine des tristes événements dont les Sud-Africains vivent encore les effets aujourd’hui.

Depuis que le gouvernement Tshibala est en place, nombre de Congolais ont la certitude que « la maison n’est pas tenue et chaque ministre en fait à sa tête ». 

Un prix de l’excellence !

C’est Léon Kengo wa Dondo, le même, qui avait dit : « Un chef ne se plaint jamais, il agit ». Combien de chefs du gouvernement qui se sont succédé dans ce pays ont eu réellement de l’autorité, au point parfois de faire ombrage au chef de l’État ? Suivez plutôt mon regard ! « Quand un 1ER Ministre n’a pas d’autorité, surtout sur les membres de son équipe, les conséquences sont immenses et désastreuses », souligne ce même membre du gouvernement, très critique de son chef. Un peu de dignité dans ce monde de brutes. Quand même ! S’il n’existe pas encore, il faudra vraiment le créer. Un prix de l’excellence. Un prix qu’on attribuera à tout membre du gouvernement qui se sera distingué dans l’exercice de ses fonctions, qui aura fait honneur au titre d’Excellence qu’il porte et surtout qui aura fait montre d’un comportement de probité morale irréprochable. Ce prix porterait, par exemple, le nom de Paul Mushiete Mahamwe, homme d’État congolais, ancien ministre des Finances mais aussi des PTT, de la Culture et des Arts.

Il a fait partie du contingent de rares étudiants congolais des universités de Louvain et de Bruxelles, notamment avec Jonas Mukamba, Mario Cardoso, Charles Bokanga, Albert Bolela, Marcel Lihau, Thomas Kanza… auxquels Joseph Désiré Mobutu va faire appel pour former le Collège des Commissaires généraux, aux côtés des étudiants de l’Université Lovanium (Henri Takizala, Étienne Tshisekedi, Justin Marie Bomboko…). Paul Mushiete Mahamwe avait acquis 8 000 ha de terres au Plateau des Bateke dont il est originaire et sur lesquelles il a des droits coutumiers dont jouissent encore sa succession. Son fils Olivier Mushiete y développe un important projet des puits de carbone, appelé projet Ibi-Bateke.

Pourquoi un prix à son nom ? On raconte que cet homme cultivé était d’une probité politique irréprochable. Pour l’anecdote : lorsque Mobutu l’envoya en Europe négocier l’achat des locomotives, alors ministre des Finances, Paul Mushiete renonça à la « commission de 30 % » sur le prix de la vente que les fournisseurs lui proposaient. « Donnez ça aux œuvres de charité », avait-il tranché dans le vif. Clair et net. Quel ministre aujourd’hui est capable d’un tel acte ? Paul Mushiete Mahamwe est mort comme il a vécu : un intellectuel, un homme civilisé qui a tenu tête à Mobutu.

On pense ici à un tel prix, tant la fonction de ministre est galvaudée, démonétisée dans ce pays. On bombe le torse avec le titre d’Excellence mais c’est trop d’efforts pour « Monsieur le Ministre » qui ne s’empêche pas de se montrer farfelu. ça fait de la peine. La seule chose qui chagrine, c’est quand on ne pense qu’à son enrichissement personnel, quand on récupère des personnes sans compétence éprouvée pour s’occuper des affaires de l’État. Honte à nous, Congolais ! Ce pays qui dénonce à longueur de journée les interférences occidentales sur la conduite de la politique nationale alors que des dirigeants ne sont pas dignes d’honneur envers leurs propres concitoyens.

La RDC n’est qu’un cas de plus des pays subsahariens victimes d’une démocratie « mal comprise » qu’on appelle « démon-cratie ». Dans un pays où plus de la moitié de la population connaît la faim, il est consternant de voir que, dès qu’un citoyen accède au pouvoir, des groupes de gens se présentent, se mettent aussitôt en branle pour faire de lui un démiurge, impatients qu’ils sont d’accéder aux caisses de l’État et de se servir à leur tour. « Le Congo n’a plus besoin d’un groupe d’imposteurs qui vont s’installer au gouvernement et qui vont briller par le gaspillage et l’arrogance. Ce dont le Congo a besoin, c’est une alternative plus crédible pour son développement. Ce dont le Congo a encore besoin, c’est le travail et de la discipline. Et, pour cela, il faut un 1ER Ministre clairvoyant, ayant l’autorité et le sens de l’honneur », estime un aviseur sur la politique en RDC.