Quand le Covid-19 impose des mesures durables et des réformes nécessaires

C’est la plus grave récession qu’ait jamais connue le monde depuis des décennies ! Alors que personne ne sait, pour le moment, prédire le bilan final des effets néfastes de la pandémie, la Banque mondiale anticipe. Quel avenir pour les marchés émergents et les économies en développement ?

DANS son dernier rapport Perspectives économiques de juin 2020, la Banque mondiale souligne que les priorités immédiates des pouvoirs publics consistent à atténuer les coûts humains ainsi que les pertes économiques à court terme. « Après la crise, il s’agira de réaffirmer de manière crédible la volonté de prendre des mesures durables et de procéder aux réformes nécessaires pour renforcer les perspectives à long terme. La coordination et la coopération internationales seront essentielles », peut-on lire dans ce rapport.

Selon les auteurs de ce rapport, le Covid-19 a produit une violente onde de choc à travers le monde, plongeant de nombreux pays dans une profonde récession. « Dans le scénario de base,  le PIB mondial diminuera de 5,2 % en 2020, ce qui représente la plus grave récession planétaire depuis des décennies. Le revenu par habitant diminuera cette année dans la plupart des marchés émergents et des économies en développement. 

La pandémie souligne l’urgente nécessité de prendre des mesures pour amortir le choc, protéger les populations vulnérables et améliorer la capacité des pays de faire face à d’éventuelles crises similaires à l’avenir », souligne le rapport. Et de poursuivre : « Il est également essentiel de relever les défis que posent le caractère informel de l’économie et le manque de filets de protection sociale, et d’engager des réformes qui permettent d’assurer une croissance vigoureuse et durable. 

L’explosion des cas de Covid-19 et le large éventail de mesures prises pour enrayer la propagation du virus ont brutalement ralenti l’activité économique dans de nombreux marchés émergents et économies en développement. » 

Il est important de savoir que les prévisions de croissance pour toutes les régions ont été fortement revues à la baisse. « De nombreux pays ont limité les dégâts grâce à un vaste programme de soutien budgétaire et monétaire. Malgré ces mesures, le revenu par habitant devrait diminuer dans toutes les régions émergentes ou en développement en 2020, ce qui replongera sans doute des millions de personnes dans la pauvreté. »

Afrique subsaharienne

Selon le même rapport, l’activité économique en Afrique subsaharienne devrait se contracter de 2,8 % en 2020, accusant une récession sans précédent. En effet, la région est ravagée par la pandémie de Covid-19 et l’activité économique s’est effondrée au premier semestre de cette année. Selon ce rapport, le Covid-19 a détruit de nombreuses vies humaines et causé une crise économique sans précédent dans la région. Celle-ci a subi le contrecoup de la pandémie chez ses principaux partenaires commerciaux, de la perturbation des voyages internationaux et des chaînes d’approvisionnement, et de l’effondrement des prix des produits de base, notamment le pétrole et les métaux industriels. 

Ces chocs ont exacerbé l’aversion des investisseurs pour le risque et entraîné des sorties de capitaux sans précédent. Par exemple, au Nigéria et en Afrique du Sud, qui sont considérés comme les grandes puissances économiques en Afrique, l’activité économique s’est effondrée au premier semestre de l’année. Plusieurs pays exportateurs de matières premières industrielles, comme l’Angola, la République démocratique du Congo et le Ghana, ont dû faire face à un fléchissement de la demande extérieure et une baisse des prix du pétrole et des métaux, parallèlement à des perturbations internes. 

Les pays exportateurs de produits agricoles, comme la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie et le Kenya, quant à eux, ont été touchés par l’effondrement de la demande et la perturbation des chaînes d’approvisionnement. La réduction des voyages internationaux entraînée par la pandémie a porté un dur coup aux pays fortement tributaires des voyages et du tourisme, comme Cabo Verde, l’Éthiopie, Maurice et les Seychelles. Par ailleurs, la dépréciation des monnaies nationales et la perturbation des chaînes d’approvisionnement ont poussé l’inflation à la hausse dans la région. De nombreux pays ont ainsi annoncé des mesures de soutien budgétaire, mais dans bien des cas elles consistent à remanier les budgets existants pour faire face aux nouvelles contraintes. De leur côté, les institutions internationales ont demandé aux créanciers bilatéraux de suspendre le remboursement de certaines dettes. 

Les auteurs du rapport estiment que « l’activité économique de la région devrait se contracter de 2,8 % en 2020, repli le plus fort jamais enregistré ». Et faire remarquer : « On s’attend à une baisse encore plus importante du PIB par habitant, ce qui risque de faire retomber des millions de personnes dans l’extrême pauvreté. La croissance pourrait reprendre en 2021 et atteindre 3,1 % si la pandémie recule au deuxième semestre de cette année, si les foyers d’infection suivent la même tendance au niveau des pays et si la croissance reprend dans les grands partenaires commerciaux. » 

Obstacles

D’après eux, l’Afrique subsaharienne a d’énormes obstacles à surmonter pour maîtriser la pandémie compte tenu de la faible capacité des services de santé, du manque d’accès aux installations sanitaires de base et de la prévalence des activités économiques informelles dans une grande partie de la région. D’après eux, l’économie nigériane devrait se contracter de 3,2 % cette année en raison de l’effondrement des prix du pétrole, qui représente 80 % des exportations du pays, environ un tiers du crédit bancaire et la moitié des recettes publiques. 

D’après eux, la production de l’Afrique du Sud devrait accuser une baisse de 7,1 % cette année – contraction la plus forte depuis un siècle – du fait que les rigoureuses mais nécessaires mesures de confinement mises en place ont réduit l’activité économique. D’après eux, l’activité économique des pays importateurs de produits de base devrait ralentir cette année malgré la baisse des prix du pétrole, le nombre de touristes étant limité par les restrictions imposées aux voyages internationaux. 

D’après eux, le PIB des pays exportateurs de matières premières industrielles devrait également diminuer en 2020 du fait que les perturbations intérieures sont exacerbées par la faiblesse des prix du pétrole et des métaux. D’après eux, les pays exportateurs de produits agricoles verront également leur activité économique s’effondrer cette année bien qu’ils soient relativement protégés contre la baisse des prix des produits de base parce que les investissements étrangers directs et le resserrement des conditions financières retardent l’investissement.

Dans un tel contexte, soulignent-ils, les risques restent fortement orientés à la baisse : « Si la pandémie se poursuit et s’aggrave, la région tombera dans une récession encore plus profonde, avec des effets dévastateurs sur la santé et le bien-être de ses habitants. Les incidences de la pandémie vont sensiblement accroître la vulnérabilité de la région au surendettement, et ces pressions seront exacerbées par la nécessité d’emprunter pour financer des déficits budgétaires plus importants. » 

Et, par ailleurs, « le grave manque de ressources publiques pourrait entraîner une réduction des services publics essentiels pendant la pandémie et réduire encore l’activité économique ». En fait, il y a à craindre de plus en plus que la pandémie ne fragilise la sécurité alimentaire dans la région, la fermeture des frontières et les restrictions commerciales ayant perturbé le commerce des produits alimentaires et agricoles. « Le grand nombre de personnes déplacées dans la région pourrait compliquer les mesures prises pour enrayer la propagation du coronavirus. En outre, les efforts de maintien de la paix passent au second plan derrière la lutte contre la pandémie, ce qui accroît le risque de troubles sociaux. La montée du chômage, la baisse des revenus et d’éventuelles pénuries de produits essentiels pourraient être une source d’instabilité et peser sur l’activité économique longtemps après la fin de la pandémie », concluent les auteurs de ce rapport.