Quand les habitudes d’achat changent sous l’effet du Covid-19

Ceux qui perçoivent le risque de coronavirus comme « très élevé » ont 4 fois plus de chances que les autres de modifier durablement leurs manières. Ces consommateurs les plus craintifs sont aussi ceux qui jusqu’ici ont été les plus résistants face à l’acte d’achat en ligne.

UNE nouvelle étude d’Alvarez & Marsal (A&M), en partenariat avec Retail Economics, estime que près de 21 millions de consommateurs français prévoient de modifier durablement leur habitude d’achat face aux risques que représente pour eux le passage en magasin. Leurs dépenses sont réorientées vers le commerce en ligne… Les consommateurs qui perçoivent le risque de Covid-19 comme étant toujours « très élevé » ont 4 fois plus de chances que les autres de modifier durablement leurs habitudes d’achat. Ces consommateurs les plus craintifs face à la pandémie sont aussi ceux qui jusqu’ici avaient été les plus résistants face à l’acte d’achat en ligne. Désormais rodés à l’exercice après la crise du Covid-19, ils n’ont étonnement plus l’intention de revenir en arrière…

Faire revenir et faire rester les consommateurs dans les magasins physiques, les mettre en confiance, est donc le principal défi des enseignes aujourd’hui. 32 % des consommateurs français se disent aujourd’hui prêts à réduire la fréquence de leurs visites en magasin tandis que 26 % d’entre eux sont prêts à augmenter la fréquence de leurs achats en ligne.

Base de coûts

Les dépenses des consommateurs étant déplacées du physique sur le digital, les commerçants vont devoir revoir leurs bases de coûts. Les magasins redondants pourraient être reconvertis pour le traitement des commandes en ligne ; ceux des centres-villes pour les livraisons et les points de collecte ou les lieux de dépôt pour les retours. En tout cas, il sera essentiel pour eux de s’attaquer au lourd fardeau des loyers commerciaux s’ils veulent bâtir des modèles durables.

L’étude a été menée sur 6 000 consommateurs dans 6 pays en Europe entre le 18 et le 29 mai 2020. Quatre grands profils ont émergé chez les consommateurs partout en Europe. Les « prudents » : réduction de certaines dépenses en attendant un retour à la normale ; les « constants » : niveaux de dépenses identiques à avant la crise ; les « hibernants » : arrêt des dépenses non-essentielles pendant la crise ; les « optimistes » : augmentation du niveau des dépenses pendant la crise. En Europe, 41 % des consommateurs se sont placés dans la catégorie « prudents », illustrant ainsi l’instinct naturel des consommateurs qui préfèrent remettre certaines dépenses à plus tard en période de crise. Le secteur de la vente de détail a souffert partout en Europe. Près des 2/3 des consommateurs ont déclaré dépenser moins (hors catégories alimentaires) et ont vu leur confiance ébranlée. Bien que des différences apparaissent en fonction des pays et des régions, les consommateurs européens sont tous préoccupés par la baisse de la valeur de leurs actifs, les risques qui pèsent sur la sécurité de l’emploi et sur le niveau d’endettement de leurs ménages. La confiance des consommateurs dans la politique de leur gouvernement et dans leur réponse face à la crise a un impact sur le comportement d’achat des consommateurs. Pour les consommateurs, une mauvaise gestion de la crise par les gouvernements entraîne à la fois la peur de voir le virus continuer à se propager et celle de retourner dans les magasins. En France, 76 % des consommateurs ont estimé que la réponse du gouvernement n’a pas été satisfaisante et 72 % envisagent de modifier durablement leurs habitudes d’achat. Au Royaume-Uni, ils sont 69 % à être insatisfaits de la gestion de la crise par leur gouvernement et 76 % à vouloir modifier leur façon d’acheter… 

Les consommateurs ont logiquement donné la priorité aux dépenses de première nécessité comme l’alimentation et la santé. En Europe, 61 % des consommateurs en moyenne reconnaissent avoir donné la priorité à ces dépenses depuis le début de l’épidémie de coronavirus. En France, ce chiffre atteint un montant record de 75 %, ex aequo avec l’Espagne. 

L’habillement (vêtements et chaussures) a été le secteur le plus touché tandis que les dépenses pour la nourriture et les boissons ont augmenté. Les catégories non-alimentaires qui se sont maintenues sont celles en lien avec les activités et loisirs à domicile. En France, les dépenses relatives à l’habillement ont baissé de 63 %, celles consacrées aux équipements électriques de 46 % et celles réservées aux produits de beauté et de santé de 44 %. Les dépenses de nourriture et de boisson ont, elles, augmenté de 5 %.