Quand les morts font le bonheur des pompes funèbres

Kinshasa foisonne de pompes funèbres. Beaucoup fonctionnent de façon informelle. C’est pourquoi la Compagnie des travaux de Kinshasa (COTRAKIN) interpelle l’État sur cette prolifération incontrôlée. Un responsable de cette société se plaint qu’on n’ait plus le sens du respect dû aux morts dans la capitale. D’après lui, on ne devrait pas avoir autant de pompes funèbres comme c’est le cas actuellement à Kinshasa. Il est convaincu que ce secteur doit rester une affaire de professionnels. Le commerce non contrôlé des articles funéraires rend difficile la tenue des statistiques sur la mortalité à Kinshasa. En situation normale, ce sont les pompes funèbres officiellement reconnues qui fournissent à l’État les données sur la mortalité.

L’avènement des pompes funèbres en République démocratique du Congo remonte aux années 1930. À l’époque, l’État assurait lui-même le service funéraire par l’entremise de l’Institut national de sécurité sociale (INSS). Il  était le seul garant des funérailles dans tout le pays. Plus tard, un Grec prénommé « Basile » créa une société des pompes funèbres dont les installations jouxtaient l’hôpital général de Kinshasa.

Activité non rentable

C’est vers les années 1970 et 1980 que d’autres services des pompes funèbres ont vu le jour : entre autres COTRAKIN et Ebeyo. La concurrence était loyale et l’ordre régnait. L’État, par l’entremise des ministères de l’Économie, de l’Environnement, de la Culture et des Arts, ainsi que de l’hôtel de ville, pouvait obtenir régulièrement des données statistiques sur la mortalité. Les trois entreprises se concertaient régulièrement avant de transmettre les données statistiques aux services de l’État. Aujourd’hui, l’État laisse faire dans ce secteur dont l’activité n’est pas économiquement rentable. D’où la dérive observée depuis quelques années.

La plupart des opérateurs non professionnels travaillent dans l’illégalité. D’aucuns en appellent à la réorganisation du secteur des pompes funèbres en tenant compte du caractère sacré de la chaîne funéraire. Autrement dit, la prise en charge d’un mort de la morgue jusqu’à son enterrement en toute dignité. Ils estiment que l’État doit aussi faire respecter les normes, notamment celles relatives à la fabrication des cercueils, surtout sur le choix des bois à utiliser. Et, également, uniformiser leurs prix sur toute l’étendue du pays afin d’éviter les dérapages et la spéculation. Enfin, ils pensent que les nouvelles pompes funèbres devraient être soumises au respect des règles strictes de la morale, du civisme et du respect dû aux morts. À ce jour, on ne connaît pas le nombre exact des pompes funèbres qui fonctionnent à travers la ville. Le lucre l’emporte sur le bon sens.