Qui doit gérer l’aérogare modulaire de Ndjili ?

Plus d’un mois après son inauguration, le 25 juin, une certaine confusion règne sur la gestion de cette structure. Elle échapperait à la Régie des voies aériennes (RVA), au profit d’un comité de superviseurs mis en place depuis le 7 juillet par le ministère des Transports et Voies de communication

Aéroport International N’Djili. à Kinshasa.
Aéroport International N’Djili. à Kinshasa.

Kabeya Tshikuku, jusque-là conseiller principal en charge du collège Nouvelles technologies de l’information et de la communication à la primature, a été nommé superviseur de l’aérogare modulaire de Ndjili. Il est secondé par un superviseur adjoint, Kitenge Kasongo et un superviseur technique, Vincent Futa. Des sources au fait du dossier indiquent que l’aérogare aurait été construite sur la base d’un contrat BOT c’est-à-dire Build (construire), Operate (gérer), Transfer (transférer à l’État). Pourtant au  ministère des Transports, tout comme à la RVA, l’on ne parle d’un recours à des capitaux privés pour la construction de l’aérogare, exeption faite pour la Banque africaine de développement (BAD). Toutefois, la RVA affirme avoir  apporté quelque chose sur deux dizaines de millions de dollars qui ont permis la  construction de l’aérogare.

Certains observateurs, ont noté, lors de la cérémonie inaugurale, des contradictions dans les discours du ministre des Transports et Voies de communication, Justin Kalumba, et du directeur général de la Régie des voies aériennes, RVA, Abdallah Bilenge. Cela présageaient d’une certaine nébulosité sur la gestion de l’aérogare modulaire. «Infrastructure provisoire», «…à titre transitoire» pour Abdallah Bilenge ; «deuxième aérogare» pour Justin Kalumba, alors que le montage financier de la troisième a déjà été bouclé, avait indiqué le ministre des Transports. « Business et Finances» fait un plongeon dans les méandres pécuniaires d’une infrastructure qui  rappelle à certains l’IDEF, la taxe de go pass imposée par la RVA (50 dollars pour un voyage à l’étranger et 10 dollars pour les vols domestiques) dont la comptabilité, selon un rapport du Sénat, a été d’une nébulosité savamment orchestrée par ses gestionnaires.

Plutôt 22 millions de dollars.

La somme de 79,5 millions de dollars avancée par le ministre des Transports englobe, en effet, des travaux connexes exécutés par la firme chinoise Sino-Hydro. Il s’agit de la tour de contrôle, de la caserne anti-incendie, de la centrale électrique….  qui entrent dans le cadre du Projet prioritaire et sécuritaire de la navigation aérienne (PPSA), financé par la Banque africaine de développement, à hauteur de 159 millions de dollars. Cet argent a notamment servi à financer la construction ou la réhabilitation d’autres ouvrages sur d’autres sites aéroportuaires du pays, tels que Bangboka à Kisangani, Dibindi à Mbuji-Mayi, Goma ainsi que la Luano, à Lubumbashi, dont la nouvelle tour de contrôle a été inaugurée le 27 juillet par le chef de l’État.

Mais la construction de la nouvelle aérogare de Ndjili a, en réalité, coûté 18,6 millions d’euros (environ 22 millions de dollars) et pris plus de deux ans, alors que la durée initiale des travaux était juste de six mois… à dater du paiement de l’avance de 50% du coût global  du marché, soit 11 millions de dollars. Ce qui fut fait en juin 2013. Alors que pour le reste du paiement, une lettre de crédit a été ouverte auprès d’une banque européenne crédible, lit-on dans une correspondance du ministre des Transports, qui ne la cite pas nommément. L’inauguration de l’aérogare était programmée pour décembre 2013.

Le gouvernement avait, en fait, repris en 2012 la gestion du projet de construction de l’aérogare modulaire à la RVA. Pour l’État, il fallait à court terme offrir autant aux compagnies aériennes qu’aux passagers, de meilleures conditions de sécurité imposées par l’Organisation de l’aviation civile (OACI) et redorer, par ricochet, l’image de marque du pays. C’est pourquoi le gouvernement avait repris ce projet qui aurait dû être matérialisé avant le XIVe sommet de la Francophonie, organisé en octobre 2012 à Kinshasa. Montant initial des travaux : 14,274 millions d’euros. Il sera revu à la hausse, à  16,892 million d’euro à la suite de nouvelles orientations apportées au projet.

Plusieurs entreprises intéressées

L’entreprise française ALPHA Airport sera, pour ce faire, sélectionnée, en mai 2012, à la suite d’un appel d’offre international restreint. Pourtant, cinq entreprises spécialisées avaient déjà  été approchées par une commission instituée au sein de la Régie des voies aériennes…grâce au comité de pilotage de la réforme des entreprises publiques (COPIREP).

À la demande du gouvernement, le COPIREP a dû, en effet,  lancer en 2011 le dossier du projet relatif à l’aérogare passagers de l’aéroport de Ndjili. Cinq firmes présélectionnées s’étaient intéressées au dossier, à savoir SNC Lavalin, le groupement BMCE Capital-Orascom-Elmsewedy-Target-Pygma, Bouygues Bâtiments International, Goldharvest Investments-Mohammed Abdulmohsin Al Kharafi & Sons Company Mask Group-Alzuhair, ainsi que Arts & Associés-China Communication Construction Company (CCCC). Sur cette liste reprise par le COPIREP dans son rapport annuel 2011, il n’y a donc pas ALPHA Airport. Et le COPIREP dit même avoir initié des missions de consultation auprès de chaque firme pré-qualifiée  à Yaoundé, à Johannesburg, à Paris et à Kinshasa…non pas dans les installations de la RVA. C’était en juin 2011 et non pas en mai 2012 (version du gouvernement). Mais le gouvernement va changer d’option et contraindre le COPIREP à suspendre, le 17 juin 2011, le processus de sélection du constructeur de l’aérogare. Près de trois mois après, le COPIREP reprend le processus avec des nouvelles orientations du gouvernement. Le rapport du COPIREP ne dit pas lesquelles. Mais il ne restait plus que trois firmes intéressées par le projet : Bouygues et BMCE établies à Paris et SNC Lavalin à Kinshasa. ALPHA Airport n’est toujours pas de la partie quand le COPIREP transmet son rapport final au ministère du  Portefeuille. ALPHA Airport apparaît plutôt dans un marché de la RVA qui consiste en « la réalisation d’un terminal passager temporaire et aménagement du parking automobiles à l’aéroport de Kinshasa Ndjili». Cependant, la commission d’analyses des offres de la RVA  note noir sur blanc, au sujet d’ALPHA Airport, qu’«aucune référence sur des constructions modulaires provisoires n’a été mentionnée». Aussi, pour le COPIREP,  l’aérogare sera construite sur la base d’un contrat BOT. La durée de ce type de contrat est généralement de dix à quinze ans renouvelable, signale-t-on, à l’instar du contrat entre l’État-propriétaire et le groupe hôtelier Lonrho pour l’hôtel Karavia de Lubumbashi. Mais, ni à la RVA ni au ministère des Transports, l’on ne fait parler guère d’un tel contrat.


L’aérogare définitive va coûter 600 millions de dollars

Aérogare définitive, troisième aérogare, c’est selon qu’on se trouve soit à la RVA ou au ministère des Transports et Voies de communication. Le seul dénominateur commun c’est que le montage financier pour la construction de l’aérogare est bouclé: 600 millions de dollars. Le marché a été confié, derechef, aux Français, au groupement ADPI-SYSTRA. Adjudication récente ? pas du tout.   Le contrat portant sur l’étude de faisabilité de l’aérogare «définitive» a déjà été attribué, en février 2013, alors même que le projet de l’aérogare provisoire ou encore modulaire peinait de commencer.

Principale caractéristique de la future aérogare dite définitive ou troisième de la série, sa capacité d’accueil qui dépasserait les 10.000 passagers, soit  4.000.000 de voyageurs l’an,  alors que celle de l’aérogare modulaire ou seconde oscille entre 450 et 500 passagers. Tout naturellement, l’opinion pourrait se demander pourquoi le gouvernement n’a pas procédé directement à la construction de l’aérogare définitive au lieu de gaspiller et du temps et de l’argent avec une aérogare provisoire. En d’autres termes, 22 millions de dollars pour du provisoire ? Dans la logique du ministre des Transports et Voies de communication, Justin Kalumba, rien ne sera démonté à Ndjili. Bien au contraire, l’aéroport international de Kinshasa alignera trois aérogares: l’ancienne (qui remonte à 1956), la provisoire et la définitive.


Un nouvel aéroport à Kinshasa, un défi national selon Matata Ponyo

La modernisation de l’aéroport de Ndjili (pistes plus larges, nouvelles aérogares) fera-t-elle avorter le projet de construction d’un nouvel aéroport international à Kinshasa ?  Cet  ambitieux projet connaît du retard. Il avait pourtant été annoncé pour le premier trimestre 2013 dans le plan quinquennal du gouvernement présenté par le Premier ministre Matata Ponyo devant l’Assemblée nationale, mi-2012. « Kinshasa disposera », disait le Premier ministre « d’un nouvel aéroport répondant aux normes internationales et certifiées tel quel…C’est  un défi national que la RDC doit relever». Pour ce faire, malgré la confusion qui a marqué la gestion de la RVA par la firme française entre 2008 et 2010, le  gouvernement Matata Ponyo est cependant favorable à un nouvel engagement avec ADPI, gestionnaire des aéroports de Paris. De toute manière, c’est l’une des conditions imposées par la Banque mondiale pour la reprise du financement du Projet transport multimodal (PTM), soit plus de 225 millions de dollars. Déjà avalisé par la ministre du Portefeuille, Marie-Louise Munga, le nouveau contrat d’assistance technique entre l’État -encore propriétaire et actionnaire unique de la RVA SA- et ADPI s’est cependant heurté à un non ferme du bureau syndical de la Régie des voies aériennes. Par conséquent le directeur général Abdallah Bilenge qui aurait dû céder, depuis la mi-2014, son fauteuil à un expert, ADPI est toujours à son poste. Pourtant, l’une des missions essentielles de l’entreprise française, outre scission de la RVA en deux entités distinctes, sera de mûrir des études de construction d’un nouvel aéroport international à Kinshasa.  Et, en ce qui concerne le financement de ce projet, le gouvernement Matata a déjà levé l’option d’un contrat type BOT (Build, Operate and Transfer) c’est-à-dire que l’État cherche un développeur du projet qui devra, non seulement financer les travaux de construction du futur aéroport international, mais également l’exploiter pendant un temps sur lequel le développeur et le gouvernement devraient se mettre d’accord  avant de le restituer à l’État. Par ailleurs, le gouvernement n’a pas exclu de recruter un consultant pour mener les études du futur aéroport international de Kinshasa. Autre préalable, sans doute, le plus important, c’est le site où sera construit le futur aéroport. Selon nos sources, la RVA envisageait depuis des lustres de construire un nouvel aéroport vers Mikonga, mais d’autres affirment qu’il pourrait s’agir de Menkao.


Le marché Type K est un prolongement de la piste de Ndolo pour la RVA

La construction de l’avenue Bokassa, aujourd’hui Luambo Makiadi, vers la fin des années 1970 compte, à en croire les experts, parmi les grandes erreurs commises par les pouvoirs publics dans l’urbanisation de Kinshasa. Cette artère, qui relie le boulevard Sendwe (Est de Kinshasa) au boulevard du 30 juin (centre-ville) traverse, en effet, la piste de l’aérodrome de Ndolo dont le tracé remonte aux années 1920. Ndolo était alors exploitée par Air Brousse. La piste qui se terminait à la lisière des marécages vers le Pont-Cabu dit Ngabi, se retrouve donc coupée en deux, et peu à peu, des auto-écoles  puis un marché viendront occuper la partie de la piste qui donne sur le Pont «Ngabi». C’est le marché Simba Zigida, dit aussi Somba zikita ou encore Type K. Des maisons en étages se multiplient, ces dernières années, autour de ce marché qui a été fermé officieusement, ou plutôt déserté, à la suite  du crash d’un avion de type Antonov 32, qui avait couté la vie à plusieurs personnes le 8 janvier 1996.

Aujourd’hui, Marie Omanga, commandant aéroportuaire de la Régie des voies aériennes à l’aéroport de Ndolo, ne cesse de dénoncer la reprise progressive des activités commerciales et des constructions sur le site ayant abrité le marché Type K. Cet espace, insiste-t-elle, constitue une zone à laquelle la RVA peut recourir occasionnellement dans l’exploitation des pistes de l’aéroport de Ndolo, étant donné que ce site permet aux avions de freiner lorsqu’ils ratent leurs atterrissages ou leurs décollages.