Quid des activités des autres partis politiques entre 1958 et 1960?

La veille de l’indépendance sera marquée au Kivu par l’implantation des partis politiques en vogue dans la capitale où la course à la conquête des provinces, était déclarée !

LES ÉCHOS du succès de la tournée africaine de Patrice LUMUMBA faisaient des émules partout et les rivalités entre le Mouvement National Congolais (MNC) et les partis fédéralistes et autres associations socio-culturelles, gagnés à la cause du colonat européen comme l’Alliance des Bakongo (ABAKO), le Parti National du Peuple (PNP) ou la Confédération des Associations du Katanga (CONAKAT), étalait ses nasses jusqu’aux confins du lac Kivu !

De petits partis vont essayer de se positionner à la veille de l’organisation de la « Table ronde belgo-congolaise » prévue du 20 janvier au 20 février 1960. Il fallait se mettre en ordre utile en faisant du bruit autour des idéaux défendus par les grands leaders des partis en vogue dans la capitale Léopoldville et qui sillonnaient les coins et recoins du pays avant la tenue des élections législatives de décembre 1959 !

 De nombreux partis sont nés au Kivu dans cette atmosphère de propagande ! 

Le Regroupement des Congolais (RECO) se présentait plus comme un club d’amis que comme un vrai parti politique indépendantiste. 

Fondé par le Régent Abraham LWANWA de la chefferie Ngweshe dans le territoire de Kabare, ce parti regroupait quelques commis de l’État originaires de cette collectivité. Il était présidé par Edmond RUDAHINDWA secondé par Dieudonné BOJI.

Son programme plus sectariste que nationaliste, visait à assurer à l’élite « Bashi » de Ngweshe, des places de choix dans les structures politico-administratives que les différentes négociations avec le pouvoir colonial apporteraient au Kivu !

C’est même en opposition au discours très nationaliste du MNC/LUMUMBA et du CEREA, des partis regroupant en majorité, des Bashi de la chefferie de Kabare, que le RECO parrainé au départ par le clergé catholique de Bukavu (les Pères Blancs) et dont le programme d’action politique reposait essentiellement sur le principe du « MULANGANE » (allusion à la politique divisionniste d’entraide et de protection qui devait guider toutes les actions des membres), va se morfondre dans cette attente du gâteau que les politiciens congolais devaient se partager à Bruxelles !

Ratisser large

La classe politique du Kivu était très divisée en 1959 et le cas du RECO est très illustratif à ce sujet. Ce parti n’a pu recruter au-delà de la chefferie de Ngweshe, que dans le territoire d’Uvira où Simon-Pierre MALAGO, ami à Dieudonné BOJI, a été approché et élevé au rang de vice-président du parti pour montrer aux yeux de l’opinion provinciale, que le RECO était ouvert à toutes les tribus ! Quelques partis nationalistes vont se lancer à partir de 1959 à la conquête des membres au Kivu. Le Parti National du Peuple (PNP) va essayer de ratisser large surtout avec le qualificatif de « Parti des Nègres Payés » (par la colonisation) qui lui était collé dans la capitale, en recrutant un homme de terrain, Jean-Marie KITITWA, journaliste à la gazette swahili « HODI » depuis 1957, parrainée par les Pères Blancs de Bukavu. 

C’était le pion majeur qui pouvait faire passer les échos du PNP dans le Kivu gagné aux idées nationalistes. C’était l’homme qu’il fallait pour battre campagne dans le Maniema et le Sud-Kivu essentiellement, où se trouvait le gros des membres de son ethnie, les WAREGA, déjà réunis dans une association politico-tribale, « l’Union des Warega » (UNERGA) dont il était président. Cette association va se rallier officiellement en janvier 1960 dans le Kivu, au PNP en formant la coalition politique « PNP-UNERGA » !

Le MNC/LUMUMBA va renforcer sa position surtout avec l’adhésion du Mwami des Bashi, Alexandre KABARE RUGEMANINZI, relégué depuis 1936 à Léopoldville et proche déjà en 1958, des lumumbistes dans la capitale. C’est lui qui va appeler les Bashi à soutenir ce parti indépendantiste dont les principaux animateurs au Sud-Kivu, seront des Bashi de la chefferie de KABARE comme Casimir MBAGIRA, Jean SALIBOKO MULIRI et Ferdinand MUGARUKA !

Beaucoup de Babemba du territoire de Fizi vont se joindre à cette équipe avec l’entrée au comité provincial de Samuel MATABISHI et de Jérôme MUCHUNGA. Le Maniema, fief du « Lumumbisme » au Kivu, était représenté au comité par Isaac BINTODI, Dénis KATIMBA, Maurice LOUVAIN et Gabriel MUMIMA.

Le Nord-Kivu n’avait pas beaucoup de membres car seul, le territoire de Walikale plus proche du Maniema et de la province Orientale, battait au rythme du nationalisme congolais animé par Alexandre MAHAMBA, ami à Patrice E. LUMUMBA et proche de ses beaux-frères Bashi du comité provincial !

Querelles mesquines

Le MNC/LUMUMBA était cependant confronté à des difficultés énormes d’implantation dans le territoire de Fizi où seuls, les Babembe avaient rejoint les rangs des nationalistes. Toutes les autres tribus minoritaires voulaient s’émanciper de la tutelle des Babembe en créant des associations et regroupements politico-tribaux qui pouvaient leur permettre de faire entendre leur voix et de se retrouver dans les structures administratives de la province. 

C’est ainsi par exemple, que naîtra en janvier 1960, l’Union des Bazembo de Fizi (UNEBAFI) dont le leader, Albert KINGOMA, va sensibiliser les minorités Babwari, Banjoba et Bazembo à faire bloc ensemble pour barrer la route aux Babembe et autres grandes tribus de la province, mobilisés et déterminés à les absorber! Telle a été la situation politique dans le Kivu à la veille de l’indépendance. 

Ce sont les leaders de ces partis politiques qui vont entrer sur scène après le 30 juin 1960, pour diriger la province qui portera jusqu’à nos jours encore, les traces de leurs querelles mesquines et autres fourberies politiciennes qui n’ont fait qu’éloigner davantage, les politiciens du Kivu-Maniema des populations qu’ils sont pourtant, appelés à protéger !