REGIDESO, l’arbre qui cache la forêt

La société publique de distribution d’eau compte parmi celles qui bénéficient de l’attention particulière des partenaires du développement. Pour son redressement financier et social, l’État a recouru à une assistance technique des firmes étrangères en vue d’une gestion efficiente. Cinq ans après, ce qui s’y passe est tout le contraire des résultats attendus.

Début février, le journal « Africa News » a révélé le pot aux roses. Selon le confrère, il y a « un gros malaise » à la REGIDESO. Cadres et agents nationaux rechignent et accusent l’assistance technique chargée d’exécuter le contrat de service, en l’occurrence ERANOVE/SDE (Sénégalaise des eaux), de « dilapider » les ressources de cette entreprise publique transformée en société commerciale en 2009. Selon ce qui était convenu dans ce contrat de service, en vue de l’amélioration de la gouvernance et du renforcement des capacités, conformément au contrat de performance conclu, le 27 février 2012, par l’État actionnaire et la REGIDESO, cet opérateur privé professionnel a pour mission globale de « rétablir une situation financière solide » pour cette entreprise publique et « améliorer de manière significative ses opérations commerciales. » Dans ce cadre, un contrat d’audit des contrats de performance et de service a été signé, le 2 juillet 2012, entre le Comité de pilotage de la réforme des entreprises publiques (COPIREP) et le groupement Lahmeyer International GMBH & Uni conseils en association avec N Consulting. Le contrat de service entre le COPIREP et ERANOVE/SDE, quant à lui, a été signé, le 27 décembre 2012.

Rapport couperet

Mais voilà que, plus de quatre ans après la mise en application de ce contrat, l’équilibre financier et l’amélioration des opérations commerciales ne sont pas perceptibles à la REGIDESO. Selon un rapport d’audit interne à la société, par exemple, les recettes mensuelles ont baissé de 7 millions de dollars (en 2012) à 4 millions (en 2016). La conséquence est que les plans d’action stratégiques pour l’exploitation ont du mal à être exécutés. Le personnel national reproche notamment aux partenaires de la REGIDESO de « s’emparer de toutes les directions stratégiques » et de « s’octroyer de très gros salaires » au détriment de rémunérations du personnel… qui ne sont plus régulièrement payés. D’après ce rapport qui fuité, les salaires des quatre cadres sénégalais et les frais de missions des experts venus dans les bagages de l’assistance techniques coûtent à la REGIDESO une bagatelle somme de 10 millions de dollars, sans compter le volet renforcement des capacités, 13 millions de dollars, selon le même rapport.

Pourtant, la REGIDESO a des défis majeurs à relever, notamment accroître de manière durable l’accès à l’eau potable à travers le pays et son efficacité opérationnelle et financière.

C’est dans ce cadre que la Banque mondiale finance le Projet d’alimentation en eau potable en milieu urbain (PEMU) approuvé en décembre 2008. Ce projet qui devra en principe se clôturer, le 31 décembre 2018, cible quatre villes (Kinshasa, Lubumbashi, Matadi et Kindu) pour un financement de l’ordre de 356 millions de dollars (à ce jour). Le PEMU est exécuté par la Cellule d’exécution des projets-eau de la REGIDESO (CEP-O/REGIDESO).

Le rapport d’audit interne met également en relief un détournement de 100 millions de dollars, l’acquisition en urgence des produits chimiques de traitement des eaux de boisson et les dettes de l’État vis-à-vis de la REGIDESO pour factures non payées évaluées à 130 millions de dollars (à ce jour). Alors que les comptes de la société se trouvent dans un trou, les partenaires techniques, eux, envisagent de prendre le contrôle des directions provinciales de Kinshasa, Matadi et Lubumbashi, bénéficiaires du PEMU, en plus de directions stratégiques qu’ils contrôlent déjà. D’où le malaise au sein de la REGIDESO.

Quid du PEMU ? 

Dans son volet technique, le PEMU vise l’amélioration et l’extension des services en eau dans les quatre villes ciblées, moyennant la mise en œuvre des programmes d’investissement et de réhabilitation spécifiques à chaque centre d’exploitation. Kinshasa, Lubumbashi et Matadi représentent à elles seules 72 % du chiffre d’affaires de la REGIDESO, 79 % des clients actifs, pour seulement 38 % de la longueur totale de son réseau de distribution. Le programme d’investissement vise l’accroissement de manière durable de l’accès à l’eau potable dans ces villes et la restauration de la capacité financière de la REGIDESO. Les principales activités à entreprendre dans le cadre de ce programme sont, entre autres, des travaux de réhabilitation, de construction et de renouvellement d’équipements en vue de garantir la pérennité des infrastructures.

Pour la ville de Kinshasa, il s’agit de réhabiliter quatre stations de pompage, les réservoirs de Makala, le réseau de distribution secondaire et tertiaire (378 km) et les branchements correspondants, ainsi que l’atelier des compteurs. Il est ensuite question de renforcer le réseau primaire (18,563 km) entre l’usine de traitement de N’Djili et l’aéroport qui porte le même nom, remplacer et installer 250 000 nouveaux compteurs. Il s’agit aussi de poser 25 000 nouveaux branchements sociaux, 265 km de conduites, y compris des branchements particuliers, mais aussi de fournir et installer 25 000 branchements sociaux et 135 400 compteurs. Et il est prévu enfin de construire 200 bornes fontaines, un complexe industriel de traitement d’eau potable à Binza-Ozone (110 000 m3/jour) et d’alimentation électrique.

En ce qui concerne la ville de Lubumbashi dans la province du Haut-Katanga, le financement porte sur la réhabilitation (et/ou le renforcement et l’extension, selon les cas) des captages des sources et des forages, des stations de pompage (Kimololo I et II), des réseaux de distribution (180 km), de 10 000 raccordements domestiques, des réseaux primaires, secondaires et tertiaires (425 km). Le programme d’investissement prévoit également la construction de nouveaux réservoirs et de 100 bornes fontaines, le report de 6 500 branchements particuliers, ainsi que la fourniture et l’installation de 15 000 branchements sociaux.

Quant à la ville de Matadi, le financement de la Banque mondiale concerne la réhabilitation (et/ou le renforcement et l’extension, selon les cas) des installations de production, de l’usine de traitement du fleuve Congo (décanteurs, filtres et bâtiments d’exploitation), y compris de la conduite de refoulement et du captage d’eau brute, des stations de pompage, de 5 000 raccordements sociaux et des réseaux secondaires et tertiaires (45 km). Il porte aussi sur la construction d’une nouvelle usine de traitement d’eau de Mpozo d’une capacité installée de 17 800 m3/jour et de 100 bornes fontaines, la pose de 91 km de canalisations, l’installation de 10 000 nouveaux compteurs, ainsi que le report de 1 500 branchements particuliers et la fourniture et l’extension de 5 000 branchements sociaux.

Enfin, pour la ville de Kindu, le PEMU prévoit dans le cadre de son financement additionnel, de construire un nouveau captage d’eau brute sur le fleuve Congo, un réservoir d’eau traitée (250 m3) et une station de pompage. Il prévoit également de fournir et installer une unité compacte de traitement d’eau (500 m3/heure) et deux groupes électrogènes (300 KVA). L’impact du PEMU est déjà perceptible : environ 1.8 million de personnes additionnelles ont accès à l’eau potable au lieu de 1.205 initialement prévues. La desserte en eau potable a été améliorée dans plusieurs quartiers dans les villes ciblées. La production a été renforcée de  24 000 m3/jour à Matadi et de 40 000 m3 à Lubumbashi.