Rencontre avec Louis Watum Kabamba

Ceux qui le connaissent disent que c’est l’une des têtes pensantes dans le secteur des mines en RDC. Lui, c’est le gérant, Kamoa et directeur général des opérations en RDC. Entretien. 

 

BUSINESS ET FINANCES : Comment se présente à ce jour le projet  Kamoa ou Ivanhoé Mines ?

LOUIS WATUM : Aujourd’hui, nous avons fait énormément des progrès. Nous avons fini avec le développement de 3 milliards d’énergie souterraine qui entraîne la minéralisation à 4 % de teneur de cobalt ou sorte de cuivre. Nous sommes maintenant en train de faire  la deuxième série d’énergie souterraine qui d’ici peu, le dernier trimestre, va atteindre la roche minéralisée à 7 % de teneur de cuivre. Un teneur très élevée qui a un très bel avenir pour ce projet. Le projet continue à avancer, nous venons d’engager environ 600 millions de dollars dans certaines transactions qui ont été faite. C’est encore une preuve que nous avons  foi en l’avenir de ce pays, peu importe la zone des turbulences dans laquelle nous nous trouvons.

BEF : À quand le premier lingot de cuivre et aussi de zinc ?

L. W. : Les deux dans un horizon d’environ une période de deux ans, c’est-à-dire fin 2020 ou début 2021.

BEF : Depuis qu’il y a tiraillement  autour du code minier, vous avez évoqué qu’il y a un problème d’échange entre le gouvernement et les miniers. Ivanhoé prend-elle l’initiative de commencer le processus ?  

L. W. : Nous avons eu la table ronde des PDG à laquelle nous avions participé avec le directeur de cabinet du ministre des Mines et le  ministre provincial des Mines de Lualaba et d’autres acteurs. Je peux vous assurer que nous ferons de notre mieux pour que ce dialogue puisse réellement enlever toutes ces incompréhensions qu’il y a. C’est important parce que le fond du problème c’est un fossé d’incompréhension. Beaucoup plus parce que l’un ne comprend pas la nature de l’autre. D’un côté, c’est le pays qui a des attentes tout à fait légitimes de la population qui veut des retombées de l’industrie minière à court et moyen termes, et cela est tout à fait légitime. De l’autre côté, il y a l’investisseur qui apporte des capitaux lourds et qui doivent être payés en termes de stabilité, d’assurance qui pourra rester dans un cadre fiscal stabilisé.

Ces sont ces deux bouts qu’il faut joindre. Je crois que si nous faisons un programme d’échange où certains acteurs du service public de l’État viennent passer un temps assez long dans les mines, des semaines et des mois pour qu’ils comprennent la nature des investissements miniers, à partir de la levée des fonds jusqu’à la production, et certains miniers peuvent aller passer un moment dans les ministères pour comprendre la fiscalité : comment elle est administrée et pourquoi elle est ce qu’elle est ; je crois que nous pouvons réduire ce fossé d’incompréhension. Lorsqu’on se mettra autour d’une table, on pourra peut-être mieux comprendre.

BEF : Pensez-vous que la RDC va se développer avec les mines ? 

L. W. : J’ai plus de 28 ans d’expérience dans les mines et je crois que l’agriculture est le moyen le plus efficient de lutter contre  la pauvreté. Lorsque  vous faîtes un programme  ou vous donnez les semences à un paysan pour acheter sa récolte régulièrement, vous lui donnez la dignité. On ne peut pas tous miser sur les mines. Le pays doit avoir certaines priorités. Les mines ne font que  partie d’un grand ensemble. Il y a l’agriculture. Quand il y a 80 000 hectares de terres arables, il faut en tirer bénéfice, il faut en tirer profit. Je crois qu’il faut diversifier l’économie et il faut aussi que les mesures d’accompagnement suivent pour cela.

BEF : Kamoa a fait mariage avec les Chinois. Cela ne va pas impacter sur la maison mère et sur la production ?

L. W. : Je ne veux pas personnaliser le débat entre la RDC et la Chine mais je veux personnellement vous dire une chose. La Chine est devenue aujourd’hui incontournable. Et elle nous a appris une leçon. En 30 ans, on peut changer le sort de tout un peuple ou de toute une nation. La Chine a réussi ; cela veut dire que si on se met au travail, on peut y arriver. Il nous faut respecter la Chine pour cela. 

Maintenant nous recevons des rapports sur les standards de travail qui ne sont  pas  acceptables. Cela n’est pas acceptable de notre point de vue. Nous avons la direction  de cette opération ; nous avons les standards que nous voulons  appliquer et sur lesquels il n’y a pas à transiger. Aujourd’hui, Kamoa que j’ai l’honneur de diriger, vient d’accomplir 10 millions d’heures de travail, sans accidents, ni perte de travail ou de poste. Ça n’est pas une mince affaire. Pour créer la richesse, il faut commencer par faire une chose. 

BEF : Parlez-nous en chiffres du deal avec les Chinois, si ce n’est pas un secret… 

Ivanhoé la maison mère qui développe des projets non seulement en RDC mais aussi en Afrique du Sud  a cédé 19,9 % de ses parts à une structure chinoise qui, en retour, a mis 600 millions de dollars. Ces fonds seront répartis sur les 3 projets parce que nous développons un projet de platine en Afrique du Sud. Et puis nous développons à Kipushi un autre projet , puis un autre a Kamoa . 

Cet argent servira à débloquer ces 3 milieux. Nous sommes allés vers ce partenaire parce que c’est un partenaire qui a suffisamment des nerfs solides. Et c’est un partenaire  avec qui  nous avons une même vision et nous pensons que nous pouvons cheminer ensemble.

BEF : Selon vous, quelles sont les stratégies qui peuvent être mises en ligne ?

L. W. : Avant de parler de clauses du code minier,  il faut savoir  ce qu’on veut. Les Chinois disent que si vous voulez atteindre la fortune ou la richesse, il faut commencer par faire une chose, se construire une route. 

Cela veut dire qu’il faut d’abord que le gouvernement ou l’État définisse une vision en termes d’infrastructures, d’éducation, de tout ce qui fait partie de la vie d’une population. Il faut qu’on définisse ensemble cette vision-là, qu’on se mette ensemble aujourd’hui. Il y a un déficit d’infrastructures, un énorme déficit  énergétique. La bonne gouvernance aussi fait défaut.

Si ces trois ingrédients ne sont pas mis ensemble, nous pouvons continuer d’un cobalt d’un prix fort et d’un cuivre qui se comporte bien sur le marché mais les retombées ne seront que maigres dans notre pays. La création de richesses consiste à faire une chose, à prendre des ressources d’autrui, à les transformer, à créer des biens et services et à les vendre à d’autres, et d’être payé de manière répétée. C’est ainsi que les pays de l’axe du Dragon et la Chine créent un millionnaire chaque semaine. 

Ces gens n’ont ni mines de cuivre ni mines d’or ni mines de cobalt, ni mines de coltan. Mais ils ont appris la création de richesses. C’est vers ce débat que nous devons aller. C’est pourquoi j’insiste sur l’éducation pour créer un type de Congolais créateur de richesses et non consommateur d’emploi.