Robinets souvent secs dans les ménages, inondations dévastatrices dans tout le pays

Un robinet
Un robinet

Une première série d’images de désolation : en ce premier trimestre de 2014, des pluies diluviennes se sont abattues au Bas-Fleuve ainsi qu’à Kinshasa et à Lubumbashi, provoquant de catastrophes dans différentes agglomérations. Le désastre a été certes relativisé mais des autorités locales ainsi que provinciales et nationales sont venues à la rescousse des populations sinistrées. Une fois les calamités passées, les mêmes centres urbains et ruraux ont repris aussitôt à faire face à une autre catastrophe, qui leur colle désormais à la peau : la carence d’eau potable à leurs robinets, ou encore au niveau des sources et autres puits. Ainsi, ces femmes, ces hommes et ces enfants, ployés il y a naguère sous le joug des pluies torrentielles, ne savent même pas, quelques temps après, étancher, de manière saine, leur soif ou encore préparer dignement leurs plats ….

En fait ce sont plus de 30 millions d’habitants de la RD-Congo, soit près de la moitié de ses habitants, qui sont chaque jour en quête de cette « denrée ». C’est une des conclusions des études menées par l’UNICEF et la commission congolaise chargée de l’aménagement du territoire contenues dans un rapport rendu public jeudi 20 mars 2014. Pourtant, les différents atouts sont, tous, réunis pour faciliter l’accès à l’eau à une population estimée à plus de 70 millions de femmes et d’hommes. Le pays a dans ses acquis un des réseaux hydrographiques les plus fournis dans le monde, une pluviosité importante à travers le territoire national (en moyenne, 1200 mm par an) et une recharge annuelle des nappes aquifères représentant des volumes dépassant largement les besoins locaux. La journée mondiale de l’eau, célébrée chaque année en date du 21 mars, a remis ces chiffres sur la table. Dans un pays où l’eau et l’électricité restent toujours un chantier, le thème réservé à l’année 2014 évoque largement cette problématique : « eau et énergie ». La cartographie du secteur, au niveau national, est loin d’être reluisante, alors que la constitution de la république, en son article 48, garantit bien ce droit d’accès à l’eau.

Deuxième série d’images et ces scènes sont devenues symptomatiques dans les villes et villages des onze provinces du pays : des femmes, des jeunes, portant des « bidons » de toutes les couleurs parcourent des distances plus ou moins importantes pour s’approvisionner en eau. En dépit d’un nombre de plus en plus significatif d’acteurs qui se bousculent dans le secteur, force est de constater que les investissements ne parviennent pas à répondre aux besoins réels, sans cesse grandissants en ressource eau. Même en étant un des cinq chantiers des la république, le défi revêt plutôt les contours d’un slogan. Les ménages ont depuis belle lurette appris à constituer des stocks, les mieux lotis se dotant même des véritables réservoirs de grande quantité. Paradoxalement, dans ce même paysage, quand il pleut, les eaux deviennent plutôt causes d’un lot de risques en termes, entre autres, de pertes en vies humaines, d’inondations, de destruction des domiciles, de glissement de terres (érosions)…

Regideso fort affaiblie

Plusieurs causes tendent à expliquer ce drame. Il y a d’abord cette question liée au fonctionnement de l’entreprise qui détenait un drôle de monopole au niveau du captage, traitement et distribution de l’eau, la Regideso. Au cours des assises de la troisième conférence des gouverneurs de province, tenues à Kananga (province du Kasaï Occidental) du 18 au 19 mars 2013, le ministre congolais en charge des hydrocarbures, Bruno Kapanji Kalala, a présenté aux participants le tableau ci-après :
Le parc de production est insignifiant ; 24 centres sur les 95 que comptent la Regideso sont à l’arrêt ;
Un faible taux de recouvrement des factures de consommation d’eau potable par cette entreprise;
Une très faible implication des opérateurs privés ;
Des difficultés d’approvisionnement en carburant et en pièces de rechange.
Sur papier et dans bien de programmes, il est indiqué que le pays a une feuille de route appropriée dans le secteur couvrant la période 2011-2020. Devant « améliorer la gouvernance de l’eau et rationaliser son utilisation», cet outil exige la mobilisation de 3,5 milliards USD afin de faciliter l’accès à l’eau potable à plus de 71 % de la population. Et, à mi-parcours, pour passer de 29 % des personnes desservies sur le territoire national à 56 %, il faut détenir 2,5 milliards USD.

Un certain nombre de réformes sont en cours dans le secteur et concernent la révision du cadre juridique, institutionnel et règlementaire ainsi que le développement de la desserte en milieux urbain et rural. A propos des contrées rurales, un programme-pilote de modernisation de 50 villages est en route. Il s’agit de montrer comment « apporter désormais aux villages congolais de l’énergie et tous les services énergétiques qui en dépendent afin d’y moderniser les activités et la vie».

Au niveau international, l’année 2014 veut créer des conditions de réaffirmer la relation entre les concepts « eau » et « énergie ». Pour l’UNESCO, « l’interdépendance entre les fournitures d’eau et d’énergie électrique » est évidente, même dans les pays riches en ressources hydrauliques comme la RD-Congo. Dans ce dernier pays, une relation ambigüe lie les deux entreprises publiques qui ne cessent de se rejeter la balle pour tenter de masquer leurs faiblesses internes criantes ; l’une et l’autre ne cessent de s’accuser de favoriser une faible rentabilité chez le voisin. En fait, l’état des lieux est fort désolant au niveau de la desserte en eau que concernant l’électricité .

Insolvabilité des autres instances publiques

Dans ces appels de détresse fréquents, les entreprises publiques, notamment la Regiseso et la Snel, ne ménagent nullement les autres services étatiques en raison de leur insolvabilité, ce qui cause un énorme manque à gagner à leurs actifs. C’est ainsi que, dans un passé récent, la Snel, pour ne pas la citer, avait carrément coupé la fourniture d’électricité à des instances étatiques à Kinshasa comme la GECAMIES, la CENI ou encore la RVA. Cette insolvabilité des structures étatiques et la faible satisfaction des besoins de la population avaient été même indexées par des organisations non gouvernementales de défense des droits humains, comme la VSV et le RENADHOC. Au dernier trimestre de 2013, le gouvernement avait pris en mains le dossier, par l’entremise des ministères des finances et du portefeuille. Une enveloppe de quelque trois milliards huit cents millions de francs congolais, soit plus de quatre millions USD, avait été payée à la Regideso et à la Snel.

Mais, il y a aussi une gouvernance peu acceptable au sein de ces deux entreprises. En novembre dernier, le ministre des finances, Patrick Kitebi, rappelait qu’«il y a quelques années, grâce au financement de la Banque Mondiale et de la Banque Africaine de Développement, un montant de plus de 43 millions USD a été payé à ces entreprises. Il se trouve malheureusement que l’utilisation de ces fonds n’a pas toujours répondu aux priorités parce qu’on a bien vu que, malheureusement, pendant cette même période-là, les entreprises ont continué à accumuler des arriérés de salaires».