Ruashi Mining dans l’œil de l’Asadho

La société minière, basée à Lubumbashi, profite des avantages offerts par le code minier du pays, notamment le régime des amortissements exceptionnels et dégressifs. Depuis des années elle exporte sa production en étant exemptée du paiement de l’impôt sur les bénéfices. Malgré cette exonération fiscale, la société paie plusieurs autres droits et taxes au gouvernement central et à la province du Katanga. Mais la population locale n’en profite pas, selon l’association.

Ruashi Mining, société minière implantée dans la commune de la Ruashi, à Lubumbashi, s’est fait épingler dans un rapport rendu public, fin juin, par l’Association africaine de défense des droits de l’homme (Asadho). La liste des griefs à charge énumère quelques impacts des activités de l’entreprise sur les habitants des quartiers Kawama, Kakulukulu et Luano, dans la commune de la Ruashi. Selon le rapport, les résidents contactés soutiennent « n’avoir reçu aucune information sur la dangerosité des activités de l’entreprise, de ses installations, des déchets et rejets résultant de ces activités de la part de Ruashi ». En clair, les activités de Ruashi Mining sont à la base de plusieurs atteintes au droit à l’environnement sain des membres des communautés établies à proximité de ses installations, avec des conséquences préjudiciables. Ruashi Mining est accusée d’avoir « pollué l’eau, l’air ainsi que le sol » qui sont « affectés par ces activités sans juste compensation ou réparation ». Les habitants affirment qu’avant l’arrivée de Ruashi Mining sur le site, «la population vivait dans la quiétude, avec une terre très fertile, disponible pour la culture maraîchère, avec de l’eau qui leur servait à la fois de boisson et pour l’arrosage de leurs cultures, pour la pêche et respirait l’air frais ». À ce jour, le constat sur terrain est alarmant en ce qui concerne la dégradation de l’environnement. Avec la pollution de la terre, de l’air et de l’eau à cause de produits acidifiés, il est difficile d’obtenir de bons résultats agricoles. La source d’eau n’est plus saine pour la consommation et des cas de toux ont été déclarés à la suite d’une fumée toxique que dégagent les cheminées de l’entreprise.

Le rapport de l’Asadho signale qu’avant l’installation et le début des activités minières, les quartiers concernés disposaient de deux pompes qui les alimentaient en eau potable et approvisionnaient aussi une bonne partie de Lubumbashi. L’une des deux pompes exploitait la nappe aquifère au niveau de la mine de la Ruashi, l’autre consistait en un puits assez profond situé à proximité de la mine. Pour les besoins liés à l’exploitation, l’entreprise a unilatéralement délocalisé ces deux pompes avant de forer des puits de faible capacité, créant ainsi une pénurie en eau potable dans cette partie de la ville. À la place, elle a « érigé un château d’eau et repeint l’ancien qui existait, mais ce dernier reste « un monument inutile ». L’un des deux reçoit l’eau des puits forés. Cette eau, non traitée, parfois boueuse, « est impropre à la consommation ».

Par ailleurs, l’entreprise n’a pas fourni d’emplois à la population de la commune, ce qui entraîne, entre autres conséquences, « le banditisme urbain, l’accroissement de la pauvreté, l’insécurité, la recrudescence du vol, la prostitution et la déscolarisation des enfants par l’abandon de l’école, suite au coût très élevé des études pour un grand nombre d’habitants. À ce sujet, il ressort des entretiens réalisés au sein des établissements scolaires que « plusieurs enfants abandonnent leurs études au cours de l’année pour cause de pauvreté des parents qui ne savent pas satisfaire aux exigences des frais scolaires ».

« Depuis l’année 2000, plusieurs écoles clôturent l’année scolaire avec des effectifs d’élèves réduits presque de moitié », indique le document. Le rapport relève néanmoins, à l’actif de Ruashi Mining, la réhabilitation du marché central de la Ruashi, désormais doté d’un hangar, d’un transformateur, de deux réservoirs d’eau ; le forage de 5 puits au quartier Luano et 17 au quartier Kalukuluku ; la construction du parquet de la Ruashi. Il dénonce néanmoins « l’utilisation de la police et du parquet par l’entreprise pour étouffer, réprimer et faire taire la population dans la revendication de ses droits ». La réhabilitation de l’Athénée de Katuba est également signalée, même si ce dernier est « situé dans une commune éloignée, à plus de 20 km de son site d’exploitation ».

Ruashi Mining sarl est une joint-venture née du partenariat entre la Générale des carrières et des mines (Gécamines), société d’Etat, et Cobalt Metal Company (CMC). Aux termes d’un contrat signé en 2002 entre les deux parties, la Gécamines, détentrice des titres miniers, s’était engagée à céder tous les droits et titres sur l’intégralité de la concession, toutes les données, informations, registres et rapports ayant trait à la concession, y compris les remblais et les rejets.

La CMC, pour sa part, devait financer l’étude de faisabilité, financer et équiper les usines de traitement. À la conclusion de l’accord, le capital social était fixé à 1 million de dollars, à raison de 45 % pour la Gécamines et 55 % pour la CMC. Ces parts sont passées actuellement de 25 % à 20 % pour la Gécamines, contre 80 % ou plus pour son partenaire.