Ruzizi III : une lueur d’espoir pointe à l’horizon

Ça y est ! SN Power et Industrial Promotion Services ont été sélectionnés pour la construction de la centrale hydroélectrique. Un protocole d’accord a été signé à cet effet par le Burundi, la RDC et le Rwanda qui auront en partage la production énergétique.

SELON Galeb Gulam, le directeur exécutif d’Industrial Promotion Services (IPS), la branche industrielle du Fonds Aga Khan pour le développement économique (AKFED), le barrage de Ruzizi III est un « projet réellement révolutionnaire ». Il s’agit, précise-t-il, d’un premier projet financé par des fonds privés en Afrique subsaharienne, qui utilisera une ressource régionale commune pour générer une énergie partagée de manière égale entre trois pays. Techniquement, Ruzizi III va alimenter en électricité 30 millions de personnes, dont 70 % vivent en dessous du seuil de pauvreté dans un espace géographique où le taux d’électrification est en moyenne de 6 %, au coût de 11 à 13 cents le kilowatt/heure. 

D’après ses développeurs, l’énergéticien norvégien SN Power et IPS, la centrale hydroélectrique aura une capacité de 147 MW. Coût de réalisation du projet : entre 650 et 700 millions de dollars. Ils espèrent obtenir des prêts concessionnels auprès d’institutions financières comme la Banque africaine de développement (BAD), la Banque européenne d’investissement (BEI), la Banque mondiale, la Banque allemande de développement KfW, mais aussi de l’Union européenne (UE) et l’Agence française de développement (AFD). 

La centrale hydroélectrique de Ruzizi III étant un projet transfrontalier (République démocratique du Congo, Rwanda et Burundi), chacun de ces trois États devra également apporter sa contrepartie au projet. 

En ce qui concerne la RDC, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, a instruit ses conseillers au collège chargé de questions  d’énergie de suivre avec la grande attention ce projet régional, qui est, en fait, celui de la Communauté économique des pays de Grands lacs (CEPGL), regroupant la RDC, le Rwanda et le Burundi, au même titre d’ailleurs que les centrales Ruzizi I et II. 

Les obstacles structurels

Trente-sept ans après la mise en service de la centrale hydroélectrique de Mobayi-Mbongo dans la région de l’Équateur, il n’y a pas eu de nouvelles infrastructures hydroélectriques construites au pays. 

Cinq obstacles majeurs plombent le développement du secteur : manque d’études bancables, faible capacité du pays à mobiliser des fonds importants dont a besoin ce secteur si stratégique pour le développement du pays, retard dans l’application effective de la loi 14/011 du 17 juin 2014 à travers les mesures et les textes pourtant déjà élaborés, faibles investissements et retard dans la planification. 

La Société nationale d’électricité (SNEL), opérateur majeur, se trouve également plombée par la réforme structurelle et d’énormes problèmes de gestion qui l’empêchent de jouer effectivement et pleinement son rôle de « bras armé » du gouvernement. En vérité, c’est une société qui ne devrait plus exister depuis longtemps, de l’avis de la majorité des Congolais. La décentralisation territoriale, la croissance démographique et la forte de la demande de miniers ont accentué le déficit, obligeant le gouvernement à importer de l’électricité de la Zambie et bientôt de la République du Congo voisine. Lesquelles, ironie du sort, furent pendant de nombreuses années importatrices d’électricité de la RDC.

Tous ces obstacles structurels et anachroniques, mis ensemble, rendent difficile la relance du secteur afin de lui faire jouer son rôle de moteur de développement, de relance économique. Dans tous les cas, le succès dépendra de l’engagement de chaque acteur à assumer sa part de responsabilité. Il y a donc nécessité d’une politique énergétique « conséquente et volontariste » par rapport à l’objectif 2030.

Cela, en vue d’identifier les solutions concrètes pour la relance du secteur et les opportunités d’investissement ; mettre en relation des partenaires potentiels et élaborer une feuille de route avec des actions précises pour assurer la croissance du taux de desserte en électricité et satisfaire les besoins de tous les acteurs sociaux et économiques. Et enfin, pour jeter les bases solides pour un nouveau départ. Il ne faudra pas que le gouvernement s’arrête à Ruzizi III.

Par exemple, les travaux de construction de la centrale hydroélectrique de Katende dans le Kasaï-Central sont à l’arrêt. Des ONG de la province s’en inquiètent, faute de contrepartie du gouvernement qui se fait attendre. Ce barrage doit électrifier les provinces issues du démembrement de deux Kasaï. Katende est un projet du gouvernement en partenariat avec la coopération indienne. Pareil pour le projet Kakobola dans la région de Bandundu.

Manque de volonté politique

Ce qui repose la problématique de l’amélioration de l’accès de la population à l’électricité et à l’eau potable en milieux urbain et rural. La vision est là : développer les unités de production d’énergie électrique, les  réseaux de transport et de distribution, favoriser la construction et/ou la modernisation des micros et mini-barrages hydro-électriques et développer les programmes spécifiques aux énergies renouvelables en  vue de l’intensification de la desserte en énergie électrique. 

Cependant, il manque de volonté politique réelle, au regard des moyens budgétaires mis à la disposition de ce secteur. La société civile, toujours elle, continue de faire pression pour que l’Agence nationale de service d’électrification rurale (ANSER), une structure censée suppléer la SNEL dans l’arrière-pays, et l’Autorité de régulation de l’électricité (ARE) soient opérationnelles. Pour rappel, l’ARE a été créée en 2016, deux ans après l’ANSER en 2014.

« Sans Inga, toutes les solutions intermédiaires ne résoudront pas le problème », déclare Bruno Kapandji, le chargé de mission à l’Agence pour le développement et la promotion du projet Grand Inga (ADPI). D’après lui, le souhait était de lancer les travaux en 2018. La construction va durer entre 5 et 11 ans. Les deux consortiums espagnol et chinois se sont mis d’accord pour créer un consortium unique pour ériger un barrage de 11 000 MW. Un contrat de collaboration exclusive était en préparation pour attirer les financements. 

Il est prévu également la mise en place de la société du projet constituée de capitaux privés et publics. Un minier du Katanga ironise : « Le Grand Inga risque d’arriver au moment où les mines ne seront plus là (parce qu’épuisables, ndlr). »