Sakombi Molendo veut d’abord recycler son administration

Le tout nouveau ministre UNC/CASH négocie un partenariat avec l’Académie canadienne de leadership et développement du capital humain pour le renforcement des capacités des agents de son ministère.

SAKOMBI Molendo veut « initier un exercice de profilage pour permettre de créer les conditions de la formation de différentes catégories des collaborateurs du ministère des Affaires foncières ». Richard Martin, le PDG de CANLEAD, a rassuré le ministre des Affaires foncières, lors de l’audience lui accordée le 23 septembre, de la formation en immersion stratégique que sa structure pourrait apporter aux agents des Affaires foncières. Mais lecture d’analystes, il va falloir plus d’actes forts, de sanctions pour que « Mol » comme le ministre se fait appeler par les siens, apporte du renouveau dans un secteur où même ce qui est formel, légal a plutôt l’air faux. Parmi les actes générateurs de recettes des Affaires foncières, il y a, par exemple, la taxe dite de « Journée perte de temps »,  « Journée indivisible », « PV d’audition en cas de conflit ». Des ennemis, des présomptions des conflits d’intérêt, il est certain que le nouveau ministre des Affaires foncières y sera confronté. 

Mol, d’après un ancien journaliste du Soft, a du caractère, une certaine intrépidité. Mais comme ce petit poisson de la Fontaine, Sakombi ne saurait mener à bien sa mission que si Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo,  le chef de l’État, et Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre, lui servaient de bouclier et de cuirasse.

Enjeux multisectoriels 

D’ailleurs, dans un communiqué, le ministère des Affaires foncières indique que les enjeux sur la question de terres sont plutôt multisectoriels. En d’autres termes, la gestion des terres pourrait aller au-delà de son ministère. Actuellement, Vice-1ER Ministre, ministre du Budget, le député UNC Baudouin Mayo a été à la tête d’une commission d’enquête censée faire la lumière sur la vente d’un site maraîcher à Kingabwa (Est de Kinshasa), voilà 5 ans jour après jour. Mayo conclura son rapport en ces termes : « les maffieux utilisent les moyens de l’État pour combattre l’État ». 

Ici, on sait faire feu de tout bois : imitation des signatures, vrais faux ordonnances, décrets, arrêtés, testaments, des sceaux datant, à première vue, du temps du Zaïre, mais en réalité fraîchement fabriqués pour le besoin de la cause, de la sale besogne, des vrais faux titres de propriété. La RDC a été classée au 161è rang du classement 2018 de Transparency International sur la perception de la corruption, notamment à cause de la « gestion étrange », pour reprendre les termes de Nicolas Sarkozy, sur les mines et sur les conflits fonciers. Dans ce secteur, la justice, les affaires foncières, la police et même l’armée sont instrumentalisées pour tourner l’État en bourrique, a laissé entendre Me Mayo. Un député, Léon Mulumba, a été « ramassé » par des services comme un vulgaire desperado, en dépit de son immunité et de son appartenance à la majorité, l’alors MP, sur ukase d’un géomètre très redouté à Limete. Ledit  géomètre, comme pour s’assurer d’une protection certaine contre toute poursuite, avait saucissonné le site maraîcher en plusieurs morceaux qu’il a revendus aux épaules galonnées de l’armée et de la police, voire aux députés et sénateurs. 

Preuve du chaos hérité par Aimé Sakombi Molendo de son prédécesseur Lumeya-Dhu-Maleghi, interdit d’engager l’État à quelque titre que ce soit. Avant lui, ce fut Bolengetenge qui, en 2015, tenta une révolution dans l’espoir d’endiguer le recours au faux et usage de faux. Le ministre avait cru bon de nommer dans chacune des 24 communes de la capitale un conservateur de titres immobiliers. Le gouvernement aurait finalement jugé la réforme trop coûteuse et a rejeté le  projet de Bolengetenge. 

Victime d’une tentative de spoliation de son lopin de terre à Mimosas, faubourg ouest de la capitale, Mme Nana estime que Sakombi Molendo ne doit pas mettre du vin nouveau dans des vielles outres. « Il faut dépoussiérer les Affaires foncières, fonce-t-elle. Conservateurs de titres immobiliers, géomètres, bref,  toute la vieille garde accusée de détournements de deniers publics et d’être à la base de la foultitude de conflits fonciers devant les cours et tribunaux doit partir… Il faut officiellement recadrer les prérogatives des chefs coutumiers dans les affaires foncières. » Il est en effet des agents des Affaires foncières qui ne reculent devant rien. Même la famille du chef de l’État sortant a été entrainée dans une guéguerre des terres dans l’Est. Mais Mme Olive Kabila a, de bonne foi, cédé quelque 9 ha de son domaine latifundiaire aux paysans pour ramener la paix. 

Certificat d’enregistrement

Par ailleurs, la numérisation du certificat d’enregistrement présenté par l’État comme un remède efficace contre des conflits fonciers a produit des effets contraires. Créée en 2015, la société Congo Check a gagné le marché de numérisation des certificats d’enregistrement à Kinshasa. L’attribution de ce marché à une si jeune entreprise a soulevé un tollé, car caricaturée comme n’ayant pas d’expertise avérée. Jimmy Chovu, le directeur général de Congo Check, a expliqué que son entreprise, une PME, fait partie du groupe Africa Integrated,  implanté dans plusieurs pays africains et dans différents domaines, dont le pétrole, la technologie et la pharmacie. 

D’après lui, Congo Check a déjà fait ses preuves en Angola et au Bénin. Mais en RDC, son contrat porte sur les affaires foncières, qui sont un domaine fort complexe où même l’État est pris au dépourvu. Ironie du sort. Gustave Boloko, alors ministre des Affaires foncières, qui a attribué le marché de sécurisation des titres fonciers à Congo Check, a été suspendu pour avoir avalisé la vente de la concession de l’ambassade de la République tchèque sur boulevard Tshatshi. Les Affaires foncières, dit ce fonctionnaire, c’est comme un foyer de la peste, même les bonnes consciences finissent par être contaminées. Attendons voir.