Samantha Madia Kande : « Ma vocation ? Être créatrice »

Elle est jeune, artiste dans l’âme, pleine de rêves, mue par l’esprit d’entreprise. Dans sa vision du monde, rien ne semble pouvoir l’empêcher de réaliser ce qu’elle a de plus cher : la passion, l’ambition, l’audace.

Samantha Madia Kande, ambitieuse, le regard tourné vers l’avenir.
Samantha Madia Kande, ambitieuse, le regard tourné vers l’avenir. 

Lui coller une étiquette n’est pas une tâche aisée : ce serait réduire son champ d’action, l’enfermer dans une case. À vingt-cinq ans, Samantha Madia Kande a plus d’une corde à son arc. Arrivée au Canada à l’âge de treize ans, elle a étudié le design d’intérieur au Collège d’enseignement général et professionnel du Vieux Montréal. Elle poursuit des études d’administration des affaires à l’Université du Québec à Montréal. En même temps, elle est peintre, slameuse, photographe…

Samantha Madia Kande prend toutes ces activités au sérieux et n’a pas fini de nourrir d’autres ambitions. Sous ses airs d’adolescente, la jeune femme cache une farouche détermination : réussir. « Rien n’est impossible, il suffit de vouloir. J’ai toujours des projets et je ne peux pas ne pas en avoir ». Tel est son credo.

Son goût pour la décoration vient de loin. En fouillant dans ses souvenirs, elle remonte à son enfance pour trouver sa première source d’inspiration : son père, Alexandre Kanda Mupompa, l’actuel gouverneur du Kasaï Occidental. « Depuis que j’étais toute petite, j’avais remarqué que mon père avait le sens de la décoration intérieure. J’ai grandi dans cette atmosphère qui m’émerveillait jusqu’à devenir attentive à l’environnement, aux murs, à la décoration », se souvient Samantha Madia Kande.

Devenir architecte

Premier rêve : devenir architecte. Mais elle réalise que c’est beaucoup plus compliqué. D’où le choix du design d’intérieur. Là aussi, elle se rend compte que ce n’est pas un métier facile. Car il faut apprendre à se démarquer, à être original, à avoir une haute estime de soi. « La créativité en dépend, même si on rencontre des bien meilleurs que soi. J’ai découvert que c’est très important. L’environnement dans lequel nous évoluons a beaucoup d’influence, beaucoup d’impact sur notre vie quotidienne. C’est l’œuvre de l’homme et l’influence sur la psychologie est constante. En tant que chrétienne, je regarde l’œuvre de Dieu et je la compare à ce que nous sommes capables de créer en tant qu’humains », souligne la jeune femme.

Pour elle, l’architecture d’intérieur est à la fois de l’art et de la technique. Elle est fonctionnelle et esthétique. C’est de la technique parce qu’il faut penser, calculer, visualiser, anticiper les mouvements dans telle ou telle autre pièce. C’est de l’art car il faut avoir cet œil d’artiste afin d’adapter le milieu au design. « Il ne faut surtout pas rester figé dans la création et se fixer des limites », insiste Samantha Madia Kande.

Mais là où elle surprend, c’est lorsqu’elle affirme que l’architecture d’intérieur n’est pas du tout un métier féminin, que les designers hommes sont les meilleurs ! Ses arguments ? « La femme peut travailler avec une touche plus esthétique que l’homme. Quand l’homme a cette touche, il fait plus attention pour être au top. Il travaille plus et devient meilleur que la femme. Je ne peux pas hiérarchiser le talent des gens. Certains l’ont dès la naissance, d’autres à force de travail. Mais il faut toujours une base. » Pour elle, pas de doute : « C’est ce que je voulais faire, j’aime dessiner les meubles ! »

Une profession fermée

La profession d’architecte d’intérieur n’est pas de tout repos, loin de là. La jeune femme s’en est rendu compte en découvrant que c’est « une profession fermée, qui fonctionne sur la base des relations. » Mais dès qu’on a de bonnes références, « les portes s’ouvrent ». Il n’empêche, les mêmes relations peuvent faire échouer un bon projet.

L’architecte d’intérieur a aussi des contraintes : savoir gérer les gens, qu’ils soient clients, confrères ou fournisseurs… Et la réussite n’est jamais loin, elle peut arriver à tout moment si, par exemple, on travaille pour quelqu’un d’important. Il faut, cependant, se montrer professionnel en ayant beaucoup de rigueur et de maîtrise de soi, en respectant les délais…

En observant ce qui se passe dans son pays d’origine, la jeune femme a constaté que la décoration se limite à quelques hôtels et restaurants et que, chez les particuliers, le décor est triste « parce qu’ils se limitent à la fonctionnalité en ignorant l’esthétique ». C’est pour cette raison qu’elle rêve, une fois qu’elle se sera installée, de former des gens à partir de son expérience pour qu’il y ait « des références congolaises en matière de design d’intérieur, qui pensent à la fonctionnalité et à l’esthétique ». Bien entendu, cela nécessite la constitution d’une équipe.

La peinture est l’un des dadas de Samantha Madia Kande. Elle a appris à peindre en 2007-2008. « Tout est parti de mon identité de créatrice. La peinture est un élément qui fait partie de la décoration, mais c’est un moyen pour créer », dit-elle.

Une peinture à partir de fausses plumes

Admiratrice du peintre autrichien Gustav Klint (1862-1918) ou encore de l’Américain James Pollock (1912-1956), elle n’a pas encore trouvé le mot juste pour définir son travail, son style. Elle pense néanmoins que c’est de l’art abstrait. « Avant, je peignais un peu de tout. Maintenant c’est plus abstrait », reconnaît-elle. La jeune peintre compte à son actif une soixantaine de tableaux.

Samantha Madia Kande a exposé pour la première fois son œuvre en 2009, à Montréal. Trois ans plus tard, c’était autour du Grand Hôtel de Kinshasa d’accueillir 50 de ses tableaux, une semaine durant.  Sur les 50 tableaux, 80 % ont été achetés. Les acquéreurs étaient-ils des amis de son père, qui ont cherché à lui faire plaisir ou tout simplement des amateurs de peinture convaincus par son talent ? « Certains visiteurs ont compris rapidement les sentiments, les messages que je veux faire passer à travers mon art. D’autres n’ont pas manqué de me poser des questions pour saisir le sens de chaque tableau. Je ne pense pas qu’il y ait eu la moindre complaisance à mon égard », rétorque la jeune femme.

Ses œuvres se font remarquer par cet usage régulier de couleurs vives pour exprimer, dit-elle, la gaîté et la joie de vivre qui ne doivent pas nous quitter malgré l’adversité. C’est notamment le cas d’un tableau où elle évoque les épreuves que les habitants de l’Est du pays ont traversées depuis de nombreuses années.

Une autre peinture, plus déroutante, est réalisée à partir de fausses plumes en trois couleurs : le blanc, le beige doré et le marron. Remarquable aussi cette œuvre avec un texte en slam et sur lequel on peut lire les noms de plusieurs villes congolaises. Une façon, peut-être, de symboliser l’unité nationale. Sa prochaine exposition à Kinshasa est prévue en 2017. D’ici là, elle aura certainement beaucoup mûri.

Une photo censée nous parler

content__0000_31_01 - Société, Portrait, (légende, Éclats chauds, peinture abstraite de la jeune artiste.)De la peinture à la photographie, il n’y a qu’un pas. Madia Kande l’a vite franchi depuis l’année dernière. Dans sa vision, l’art photographique consiste à transporter quelque part en captant, c’est-à-dire savoir créer l’image parfaite en la capturant. « Une photo est censée nous parler, nous faire rêver, nous transporter. Je peux rester devant une photo pendant des heures, parce que certaines photos touchent ma psychologie, mon âme », soutient-elle. Ses thèmes favoris sont le paysage et les anomalies, les gens extraordinaires. « C’est une forme de symbolisme. Il m’arrive de photographier des gens marchant dans la rue en ne m’intéressant qu’à leurs pieds », ajoute-t-elle.

Autre passion, la musique. Toute petite, elle chantait déjà à l’église et rêvait de devenir une vraie chanteuse. Jusqu’à ce qu’elle se rende compte qu’elle chantait faux. Rien de mieux que de s’inscrire à un cours de chant. Et c’est ce que Samantha Madia Kande fait. Elle apprend également à jouer du piano. Aujourd’hui, la jeune femme chante de tout : gospel, jazz, rythm and blues, soul… Mais c’est le slam qu’elle affectionne. « Il est vrai que la musique touche beaucoup l’âme, les cœurs, la psychologie des mélomanes. Mais le slam est différent parce qu’on touche les autres avec les mots. J’ai le choix des mots et de ce que je veux transmettre quand je veux. Les gens me l’ont dit après m’avoir écoutée »,  confie-t-elle.

La passion du slam lui est venue un jour où elle devait donner une conférence. « Je ne savais pas comment aborder le thème. J’ai pensé au rap, avant de changer d’avis. Je me suis alors mise à écrire des rimes. Je n’ai plus arrêté », se souvient-elle. Ses modèles ? Les Français Grand Corps Malade et Diam’s. Elle en cherche d’autres qui puissent l’inspirer.

Il faut faire ce à quoi on est destiné

Mais la jeune femme semble infatigable. Car si elle a entrepris des études de gestion des entreprises, ce n’est pas pour perdre son temps. Comme une fixation, elle revient encore sur son enfance et son adolescence pour y puiser des souvenirs. Et là encore, il n’y a pas de hasard. C’est comme si tout était écrit dès le départ. « C’est une passion. En choisissant d’étudier l’administration des affaires, je n’avais pas de projet. Mais, dans la vie, il faut faire ce à quoi on est destiné. Je pense que c’est vraiment une partie de moi parce que j’ai toujours géré mon argent. Très jeune, j’ai eu à gérer l’argent de groupe. J’avais déjà cela en moi », soutient Samantha Madia Kande.

Le diplôme en administration des affaires va lui permettre, espère-t-elle, de s’occuper de marketing ou encore de devenir consultante. Aux futurs entrepreneurs, elle donne déjà quelques conseils… gratuits : « En affaires, il faut toujours avoir une stratégie et les yeux partout. On doit toujours avoir une longueur d’avance sur les autres, anticiper et, surtout, ne pas être naïf. »

La peintre, photographe, slameuse, designer d’intérieur, administratrice d’affaires ne compte pas s’arrêter là. Elle ambitionne aussi de devenir une vraie femme d’affaires. Rêve de trop ? Samantha Madia Kande se défend en disant qu’elle ne cherche pas à devenir riche, mais simplement faire ce qu’elle aime. « Quand on mise trop sur l’argent, on le perd. Je refuse d’entreprendre quoi que ce soit pour de l’argent. Avec ce que je sais faire, l’argent viendra à moi. De toute façon, je ne suis pas une femme qui sort pour faire des folies », insiste-t-elle.

Son vœu le plus cher est de finir sa vie en entendant les autres dire : « Elle nous a tout donné ». Altruisme et humanisme ? Elle répond simplement : « En quelque sorte ».  En attendant, d’autres rêves l’habitent : créer un cabinet d’architecte d’intérieur, une entreprise spécialisée dans le mobilier, une chaîne de restaurants… Ce n’est pas l’énergie qui lui manque !