Sans électricité, pas de mines

Le déficit énergétique est un manque à gagner pour l’industrie en général, et le secteur minier en particulier en RDC. Les miniers au Katanga ont besoin d’au moins 1 500 MW supplémentaires. Face aux difficultés, les exécutifs provinciaux encouragent les initiatives privées, en se fondant sur la loi de la libéralisation du secteur de l’électricité. 

TOUS SONT à peu près d’accord que l’énergie est un ingrédient de taille dans le développement de la République démocratique du Congo. Il faut donc investir dans ce secteur. Au cours des travaux de la 3è édition de la Conférence minière de la RDC, l’état de la situation sur le déficit énergétique a été à l’ordre du jour. L’apport des opérateurs liniers et les partenariats entre la Société nationale d’électricité et les sociétés minières ont été passés à l’analyse, en vue de dégager les perspectives d’avenir.

Dans tous les cas de figure, le gouvernement devra chercher par tous les moyens à combler le déficit énergétique qui pénalise l’industrie minière et l’empêche de vendre, notamment les minerais de cuivre et de cobalt au prix fort. Ce n’est pas le potentiel qui manque. Il est même immense en RDC. Mais il y a un paradoxe entre les ressources énergétiques naturelles et le trop faible taux d’accès à l’électricité, avec de grands écarts entre la campagne et le milieu urbain. 

La situation en chiffres

En 2015, le déficit énergétique était estimé à 858 MW pour les seules agglomérations des réseaux ouest, sud et est, sans compter les autres villes et provinces non encore desservies par les réseaux national, notamment consécutivement à la demande croissante des miniers. Pour passer de 9 % de desserte actuel à 32 % en 2030, il faudra mobiliser 32,5 milliards de dollars dès à présent, ce qui est un ambitieux objectif et un grand challenge.

La capacité énergétique installée de la RDC est d’environ 2 500 MW, dont 2 463 MW en hydroélectricité : 1 751 MW à Inga I et II et 75 MW à Zongo I ; 460 MW des centrales hydroélectriques publiques du Katanga. 

Le taux de disponibilité de la puissance installée est de 56 %. L’offre à l’horizon 2020 est projetée à 2 600 MW (après réhabilitation des centrales publiques d’Inga, de Zongo et du Katanga, en plus de la construction des centrales hydroélectriques de Kakobola, Grand Katende et de Zongo II, ainsi que de la centrale à gaz de Muanda et à charbon de Luena). Par contre, la demande globale à l’horizon 2020 est évaluée à 4 000 MW et à l’horizon 2030 à 6 000 MW.

Les causes principales du déficit sont l’immobilisation d’une bonne partie des machines du parc de production : 8 sur 19 à l’Ouest (Kongo-Central) et 7 sur 17 au Sud (Katanga) ; la réduction du productible des centrales hydroélectriques du Katanga et d’Inga suite à l’insuffisance des apports d’eau dans le fleuve Congo sur lequel sont érigées les plus 4 plus grandes centrales du pays : Inga I (351 MW), Inga II (1724 MW), Nzilo (108 MW) et Nseke (230 MW) ; l’immobilisation des machines et des compensateurs synchrones en cours de réhabilitation ; la limitation du transit de puissance électrique sur la liaison Inga-Kolwezi pour panne de convertisseur et d’isolateurs; et l’absence d’intégration du volet électricité dans le programme d’investissement des opérateurs miniers. 

Contraintes  majeures 

La situation est essentiellement le fait du manque de capitaux suffisants pour les gros investissements ; de l’inadaptation du cadre légal régissant le secteur de l’électricité à l’évolution du contexte économique ; de la mauvaise gouvernance des sociétés d’électricité existantes ; des tarifs administrés et non rémunérateurs ; de l’absence d’études bancables pour les projets identifiés. 

Une étude a identifié une centaine de sites où il est possible de construire des barrages hydroélectriques. Ceci permettrait de bâtir ainsi des petites centrales dans les provinces, respectueuses de l’environnement, et d’assurer une distribution plus équitable de l’électricité à travers le pays. L’alimentation en énergie à l’échelle du pays ne répond pas aux besoins des entreprises du secteur minier, ni ne permet la diversification de son économie. 

Le projet de construction du barrage Inga III a été conçu comme une partie de la solution pour combler le déficit énergétique. Ce barrage est le prolongement des deux centrales Inga 1 et Inga II à l’Ouest de la RDC (225 km de Kinshasa). Inga I et II fonctionnent bien en-dessous de leur capacité et sont en pleine phase de réhabilitation. 

Tous les espoirs ou presque sont fondés sur le méga-barrage Inga III en projet depuis des années. Les deux consortiums, l’un chinois (China Three Gorges Corporation et SinoHydro) et l’autre, espagnol (ACS et Eurofinsa), ont présenté leur rapport à Paris en juin dernier. Le projet a toujours l’appui de la Banque africaine de développement (BAD), après le retrait de la Banque mondiale qui a suspendu son financement de 73, millions de dollars pour des études de faisabilité, tout en affirmant être disposée à aider la RDC à fournir une énergie abordable et fiable à sa population. 

Il semble que la Banque mondiale n’a pas du tout apprécié la création de l’Agence pour le développement et la promotion d’Inga III (ADEPI) censée piloter l’ambitieux projet et directement rattachée à la présidence de la République. D’après certains experts, cela a une « incidence négative » sur le projet, qui nécessite des études complémentaires. Coût : environ 70 millions de dollars. La solution adoptée par les autorités congolaises consiste à demander aux consortiums ayant gagné le marché concessionnaire d’Inga III (demande de 30 ans) de préfinancer ces études. Toutefois, le financement des études d’impact social et environnemental est prévu dans le cadre de l’appui que la BAD octroie à la RDC pour la construction d’Inga III (35 millions de dollars). 

Grosso modo, le coût de la réalisation d’Inga III est évalué à 13.9 milliards de dollars pour produire une « énergie viable, sûre et la moins cher au monde », soit 2 à 3.5 cents le kw/h. Les 20 % de la production devraient aller aux sociétés locales en mode sous-traitance. La construction d’une centrale dure 5 à 7 ans, expliquent les mêmes experts. Or, dans le cas d’Inga III, les travaux peuvent durer jusqu’à 11 ans. À terme, Inga III permettra de passer du déficit à l’excédent. 

On sait que la RDC est sous la pression de l’accord qui la lie légalement à l’Afrique du Sud. Qui achèterait 3 000 MW des 4 800 MW que devrait produire Inga III à partir de 2021 parce que les zones rurales ne sont pas connectées. Ce contrat permettrait alors d’assurer une bonne partie de la rentabilité de l’investissement. Un financement qui reste encore à mobiliser. Si ce projet venait à être réalisé, le site d’Inga, composé de Inga I, II et III, auquel s’ajoutera plus tard une 4è phase baptisée « Le Grand Inga », pourrait fournir au final jusqu’à 40 000 MW, soit l’équivalent de 24 réacteurs nucléaires de troisième génération.