Sans les routes, les pôles de croissance ne valent pas un franc

Tant que le marché intérieur ne sera pas connecté, le développement marchand de l’économie congolaise ne se réalisera pas. Même s’il existe des projets en cours d’exécution, il reste beaucoup à faire.

Travaux sur la route transfrontalière RDC-Rwanda.

Lors de la rentrée parlementaire de septembre, le député Muhindo Nzangi ironisait : « En RDC, même les routes sont fin mandat ! ». Cette boutade illustre bien l’état d’esprit des relations entre les parlementaires et le gouvernement, lorsqu’il est question d’aborder la question de l’état des routes à travers le pays. Le tableau est peu reluisant : sur les 58 000 km des routes d’intérêt général que compte le pays, 4 000 km seulement sont asphaltés. C’est  vraiment insuffisant pour un pays qui a la taille de l’Europe de l’Ouest. À l’Office des Routes (OR), qui a la charge de la gestion des routes nationales et de desserte agricole, les données statistiques et la comptabilité posent malheureusement problème. La Banque mondiale qui est un partenaire de taille dans ce secteur, a souvent décrié le dysfonctionnement de l’OR, comme en témoigne sa publication de septembre 2015 sur la gestion des dépenses publiques et la responsabilité financière de l’État.

Il n’empêche, quelque 9 000 km des routes devraient être réhabilités pour un montant de 1 milliard de dollars sur la période de 2012 à 2016, explique le D-g de l’OR, Herman Mutima Sakrimi. À quelques jours de la fin de 2016, le bilan est mitigé. De l’avis des experts de la Banque mondiale, le gouvernement devrait changer de méthodologie dans sa politique en vue de rendre praticables sur 10 ans 40 600 km du réseau routier d’intérêt général.

Mauvaise presse

Par exemple, la Fédération des entreprises du Congo (FEC) dans la province de l’Ituri s’était opposée à l’attribution du marché de réhabilitation de la RN 27 par l’OR. Cette Route nationale ouvre Bunia, le chef-lieu de cette province à la grande bourgade de Mahagi vers la frontière ougandaise. Herman Mutima Sakrimi a fait le  déplacement de Bunia pour convaincre la FEC du savoir-faire de son entreprise. Le doute n’était pas pour autant dissipé, même si quelque 850 000 dollars ont été mis à la disposition de l’OR par le Fonds national d’entretien routier (FONER) pour la réhabilitation de la RN 27. La FEC/Ituri avait jugé ce montant dérisoire pour un travail de qualité. Aussitôt réhabilité, l’axe Bunia-Mahagi de la RN 27 s’était, en effet, détérioré, quelques mois seulement après. La construction et l’entretien des routes exigent beaucoup d’argent. En 2012, le gouvernement avait fondé ses objectifs sur le contrat sino-congolais. La Sino-congolaise des mines (SICOMINES) qui garantit le financement des infrastructures contre les ressources naturelles, n’a produit sa première tonne de cuivre qu’en octobre 2015, alors que le secteur minier était dans une conjoncture basse. Fridolin Kashweshi, le ministre sortant des Infrastructures, des Travaux publics et de la Reconstruction (ITPR) déclarait ceci : « Il se trouve que le volet minier ayant connu des difficultés de terrain dans sa concrétisation, le rythme des décaissements des financements pour la réalisation du volet infrastructures ne pouvait plus être soutenu comme initialement prévu ».

Après un premier décaissement de 350 millions de dollars pour la réalisation des projets, tels que l’avenue du Tourisme, la route Lutendele ainsi que les RN 4 (Beni-Luna sur 60 km au Nord-Kivu) et RN 5 (Lubumbashi-Kasomeno sur 137 km au Haut-Katanga), un second décaissement de 400 millions de dollars – dont 48 millions pour la voirie de la capitale – attendus des partenaires chinois n’est jamais arrivé.

Par ailleurs, la gestion des ressources internes disponibles souffre d’une opacité criante, selon la FEC qui tient à y avoir un droit de regard. Établissement public à caractère administratif et financier, le FONER, fonctionne comme une banque d’investissement. Il collecte des fonds générés par le péage et finance des projets préalablement sélectionnés par des agences routières, telles que l’OR,  l’Office des voiries et drainage (OVD) et la Direction des voies de desserte agricole (DVDA). Mais les décaissements posent problème, comme l’ont montré les différentes interpellations du ministre des ITPR au Parlement sur la clé de répartition des recettes du FONER.

Dans la loi portant reddition des comptes, exercice 2015, il est mentionné que  quelque 780 km des routes en terre ont été réhabilités. Certes, l’état des routes qui constituent le ring national s’améliore, selon la Banque mondiale. Mais il demeure encore en deçà de la moyenne africaine qui est de 70 % des routes primaires et secondaires des voies praticables. L’OR n’a même pas été capable d’entretenir 7 000 km des routes par an. Plus de 630 millions de dollars ont été affectés à la réfection des routes à caractère national, entre 2008 et 2012. La Banque mondiale qui a contribué à plus 50 %, soit 331 206 080 dollars, n’est pas du tout satisfaite des réalisations de l’OR. Le gouvernement a également débloqué 300 044 272 dollars au cours de la même période.

RRR pour relier la République par route  

Sous Matata, le gouvernement a monté le projet RRR (Relier la République par Routes). Un ambitieux projet qui a tourné court alors même que les 15 000 km des routes nationales classées ultra-prioritaires piétinent dans leur réhabilitation. Les chefs-lieux des provinces ne sont pas reliées entre eux, s’ils ne le sont pas difficilement. Relier tout le pays par route peut relever d’un pari osé. Actuellement, les seuls projets routiers qui tiennent encore sont ceux qui sont financés par les bailleurs de fonds. C’est notamment les cas de Pro-Routes,  PIRAM et PARAU.