Situation secteur par secteur

L’évaluation des transports en Afrique a permis de constater la vétusté et l’insuffisance des infrastructures et des services associées, ainsi que les coûts élevés du transport influant sur le développement du commerce et les secteurs prioritaires pour l’atteinte des ODD à l’horizon 2030.  

Le secteur de transport routier est caractérisé par une infrastructure insuffisante et délabrée. Le réseau continental compte environ 2 millions de km de routes. Sa densité est de 7 km/100 km² contre 170 km/100 km² pour l’Europe. La densité actuelle du réseau routier africain est inférieure à celle de l’Inde en 1960. La distribution du réseau routier africain est de 2,71 km pour 10 000 km. L’Afrique subsaharienne, qui abrite 34 PMA (pays moins avancés), compte seulement 5 km de route par km² contre 20 km en Asie et en Amérique latine. Presque la moitié des routes africaines sont en mauvais état. La valeur de remplacement du réseau est estimée à 150 milliards de dollars, tandis que les besoins en réhabilitation sont estimés à 50 milliards de dollars.

L’infrastructure héritée de la colonisation a été conçue pour exploiter les matières premières. Les coûts de transport sont élevés. Par exemple, transporter 1 tonne d’engrais sur 1 000 km coûte 15 dollars aux États-Unis, 30 dollars en Inde et 100 dollars en Afrique subsaharienne, le double si le camion revient à vide (selon une étude de Columbia University). Transporter 1 tonne de maïs coûte 50 dollars de l’Iowa à Mombasa (13 600 km), 100 dollars de Mombasa à Kampala (900 km), selon une étude de la Banque mondiale… La proportion du coût de transport dans le prix de détail du manioc en Afrique centrale est de 60 % (selon le FIDA). Le coût de transfert (transport et assurance) en Afrique reste très élevé comparé aux pays en développement en Asie et en Amérique.

Dans le secteur ferroviaire, le réseau continental est composé de 80 000 km de rail, en dehors de la voie ferrée que le Kenya vient de construire. Sa densité est de 2,7 km/100 km² contre 400 km/100 km² pour l’Europe. Une vingtaine de pays africains ne disposent pas de réseau ferroviaire. Le système de gestion des entreprises de chemin de fer n’est pas compatible avec les objectifs de rentabilité.

Dans le secteur de transport aérien, la sécurité aérienne est déficiente. Par exemple, moins de 6 sur les 23 pays dans les zones CEMAC et CEDEAO dispose de DNAC (direction nationale de l’aéronautique civile) aptes à assurer convenablement les missions dans le cadre de la Décision de Yamoussoukro. Trente fois plus d’accidents d’avion dans les zones CEMAC et CEDEAO (75 pour 1 million de départs) qu’aux États-Unis (2 pour 1 million de départs).

Dans le secteur de transport maritime, les infrastructures des ports sont vétustes à cause du retard dans la maintenance et les contraintes du budget. Les services sont limités, notamment par manque d’interconnexion modale. Les ports ne sont pas entièrement modernisés pour servir les grands bateaux à containers, et ils sont chers du fait des surcoûts appliqués (congestion, faible productivité, etc.). Les armements nationaux sont inexistants. On observe une tentative de modernisation de certains ports et une spirale inflationniste des taux de fret (taux de fret élevé, trafic faible et exportations faibles).

Dans ce secteur, les défis à relever sont les suivantes : moderniser les infrastructures portuaires, les docks et l’équipement de manutention, augmenter dans l’optique des politiques de réforme la commercialisation et la privatisation des ports, nécessité de remise à niveau des standards de sécurité en recherche et en secours, mise en œuvre des politiques de maîtrise des coûts portuaires, et relèvement du niveau des exportations.

« Relier l’Afrique »

Dès 2002, l’Union africaine a fait le constat que l’Afrique souffre cruellement de l’absence d’infrastructures de transport et de services associés. C’est ainsi que dans son plan stratégique (2003-2007), la commission a défini un axe prioritaire dénommé « Relier l’Afrique » dans lequel s’inscrit le développement des transports. « Relier l’Afrique » consiste à développer des liaisons physiques et à améliorer les services associés, afin d’avoir « une Afrique disposant de systèmes intégrés d’infrastructures de transport fiables, efficaces et abordables, capables de promouvoir l’intégration et d’assurer la participation du continent à la mondialisation », souligne Amadou Kane Diallo.

Les projets de réformes envisagés sont notamment la nouvelle Charte africaine des transports maritimes et fluvio-lacustres, la Position africaine extérieure commune de négociation des accords de services aériens avec les États membres de l’Union européenne, le Plan directeur continental intégré des infrastructures de transport en Afrique, comme expression de la vision africaine de développement des transports et outils essentiel de planification. La réponse du NEPAD, qui est une initiative africaine, consiste à procéder d’une logique de partenariat dont les acteurs ne sont pas seulement les États, réhabiliter et renforcer l’intégration régionale pour améliorer la compétitivité des économies africaines dans des marchés élargis, chercher à combler le déficit d’infrastructures  identifié comme composante majeure de la promotion de l’intégration régionale. Mais aussi à inscrire le domaine des infrastructures parmi les volets prioritaires du NEPAD, déterminer les objectifs généraux pour le secteur des infrastructures de transport, d’un plan d’action à court terme, un plan stratégique à moyen et long termes, mener des études et réaliser de grands projets d’infrastructures de premières priorités en Afrique.

La vision du NEPAD est une réponse au constat de marginalisation de l’Afrique où plus de 500 millions de personnes vivent actuellement avec moins d’un dollar par jour. Les axes stratégiques fondamentaux du NEPAD sont la bonne gouvernance politique et économique, le rôle central du secteur privé, la région comme espace de conception, de programmation et de mise en œuvre des projets. Les infrastructures sont une des dix priorités du NEPAD, secteurs sur lesquels devraient être concentrés les efforts de développement. Ce sont la bonne gouvernance publique, la bonne gouvernance économique privée, les infrastructures (routes, chemins de fer, ports et aéroports, transports sont des éléments des coûts de production pesant sur la compétitivité des produits africains appelés à être vendus à l’étranger. Les infrastructures sont aussi créatrices d’activités économiques), l’éducation, la santé, les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), l’agriculture, l’environnement, l’énergie et l’accès aux marchés des pays développés.

Les faiblesses du programme

Sur les124 projets retenus en 2003 quand le NEPAD a été lancé pour être réalisés à court terme, 12 seulement ont été financés. Le niveau de préparation des dossiers a été jugé faible, seulement 30 % de financements ont été mobilisés, peu d’études de faisabilité ont été réalisés. On a noté une faiblesse institutionnelle en ce qui concerne les organes de mise en œuvre, l’absence d’organe de suivi des projets et d’instrument de financement adéquat… Quant aux objectifs généraux pour le transport, le NEPAD a défini certains objectifs stratégiques liés à la promotion de l’intégration régionale en Afrique, à la réduction et l’effacement du gap en matière d’infrastructures, au soutien des secteurs de l’économie régionale, au développement des États et au commerce régional et international.

Les objectifs généraux pour le transport ferroviaire portent sur les services compétitifs et continus. Il s’agit d’arrêter le déclin du chemin de fer (cas de la RDC) en imitant les exemples du partenariat public-privé, atteindre l’objectif de services compétitifs et continus. Le programme consiste à engager les réformes institutionnelles et d’investissements (concessions et privatisations), développer l’intégration des services de chemins de fer et des chaînes logistiques multimodales, développer les programmes d’interconnexion des réseaux de chemin de fer.

À propos des objectifs généraux pour le transport maritime, il faut dire que l’économie mondiale est de plus en plus tributaire de l’efficacité des transports maritimes et des ports. Par exemple, 90 % des échanges internationaux de l’Afrique centrale s’effectuent par voie maritime.

Le taux de croissance du trafic conteneurisé est de plus en plus élevé ; la mise en service de navires de très grande capacité (8 000 à 10 000 boites), les besoins d’installations portuaires de plus en plus efficaces… Ainsi, les transports maritimes sont devenus une industrie à plus forte intensité de capital, plus exigeants du point de vue technique et soumis à d’importantes réformes de la réglementation internationale. Pour avoir des ports efficaces et sûrs et des mers sûres, les experts sont d’accord que l’objectif est de réduire le temps de dédouanement des conteneurs, assurer la sécurité et la sûreté des opérations portuaires, protéger le littoral africain des risques de pollution marine, assurer la sûreté des ports africains.

Mais comment ? Par la simplification et l’harmonisation des procédures administratives et de transit portuaires, la création de Guichets uniques pour le traitement des trafics en transit, la promotion des systèmes de gestion portuaires basés sur le traitement à l’avance des informations, l’interconnexion des systèmes informatiques portuaires et douaniers pour accélérer les procédures et lutter contre la fraude, le renforcement des réformes institutionnelles et des infrastructures portuaires. Les pistes de solutions proposées pour le développement du transport maritime sont la libéralisation, l’attraction des investisseurs et la consolidation des marchés. Ce qu’il faut faire, c’est encourager la participation du secteur privé à l’investissement dans des nouvelles installations et nouveaux équipements, la libéralisation du pré et post acheminement jusqu’à présent monopole des grands armements étrangers. L’attraction des investisseurs suppose la mise en concession de terminaux à conteneurs, la réforme de la main-d’œuvre et des institutions, la modernisation de la gestion des ports, de l’infrastructure et des institutions portuaires. Enfin, pour consolider les marchés, il convient d’améliorer l’accès au port afin de promouvoir le transport multimodal, l’intégration régional favorisant une meilleure liaison entre les ports et l’arrière-pays en vue de l’augmentation du trafic ; faciliter le transport dans les principaux corridors d’échange entre les ports et les pays sans littoral ; promouvoir le partage des connaissances et la collaboration entre les pays sur les réformes portuaires.