Suite aux mesures de Bussa, 300 mille dollars de moins

Dans la série d’arrêtés pris le 25 août, il interdit non seulement l’importation du ciment gris et du clinker, des barres de fer des pays limitrophes mais aussi l’exportation de la ferraille.   

Les mitrailles sont de principaux inputs des usines de fonderie qui fabriquent notamment les barres de fer, les cornières, les tubes carrés, bref l’essentiel des matériaux de construction métalliques. Cette industrie réalise de bons chiffres d’affaires du fait du boom immobilier que connaissent de grandes agglomérations de la République démocratique du Congo, notamment la capitale. Du temps du gouvernement Gizenga I, l’État avait déjà, par arrêté ministériel n°002/CAB/MINCE/2006 du 30 septembre 2006, interdit l’exportation et même le transit des mitrailles ferreuses et non ferreuses. La finalité était d’assurer aux fonderies locales un réservoir considérable des intrants.

Le gouvernement avait annoncé, à travers le Comité de pilotage de la réforme des entreprises publiques (COPIREP), la relance de la Société sidérurgique de Maluku, SOSIDER, dans la banlieue est de Kinshasa. Dans le quartier industriel de Kingabwa (Centre-Est de la capitale), la Fonderie du groupe Ledya, Fonderie Ledya Métal (FOLEMET) devrait aussi entrer en production avec une capacité minimale de 10 mille tonnes de barres d’acier par an, soit 30 % de la consommation nationale, estimée, à cette époque à 35 mille tonnes l’an.  Mais quelques années après, la RDC a repris avec les exportations des mitrailles. En 2015, selon les statistiques obtenues du ministère du Commerce extérieur, les exportations des mitrailles rapportent des recettes de 187,6 millions de francs alors que les assignations se chiffraient à moins de 85 millions. En 2016, les revenus des exportations des carcasses d’autos et de différents objets usés  en acier ont enregistré un taux de réalisation de 162,52 %, soit 158 188 392 FC collectées sur des attentes de 97,3 millions. Pour l’ensemble de l’exercice 2017, l’État escomptait gagner au bas mot 312 millions de francs, soit autour de 300 000 dollars sur les exportations des mitrailles.

Mais par souci de rendre compétitives les fonderies locales, le gouvernement a levé l’option d’interdire les exportations des mitrailles. Le ministre d’État au Commerce extérieur, Jean-Lucien Bussa, a, en effet, justifié ses récents arrêtés repris par la nécessité d encourager l’industrie locale qui contribue au budget de l’État par le paiement d’impôts, taxes et redevances ainsi qu’à la création de richesses. Ces décisions permettent aussi d’assainir et d’éradiquer l’entrée massive et frauduleuse des produits cités (fers à bêton) aux postes frontaliers. Le poste de Lufu à la lisière de la province du Kongo-Central et de la République d’Angola est singulièrement mis à l’index.

Toutefois, selon un document du ministère du Budget portant sur les crédits provisoires (janvier-mars 2017), l’État avait déjà encaissé plus de 12 millions de francs au premier trimestre 2017 des exportations des mitrailles. Et de l’avis des experts, la campagne d’évacuation des véhicules abandonnés sur la voie publique annoncée par la Police nationale congolaise (PNC) pour début septembre, aurait pour effet d’accroître les stocks des mitrailles, notamment dans la capitale.

Quand la police s’emmêle

Dans un communiqué publié le 24 août, la PNC a appelé les propriétaires de véhicules abandonnés à les retirer de la voie publique. « Dans le cadre de l’assainissement de la ville province de Kinshasa , lit-on, le commissaire général de la Police nationale congolaise demande à tous les propriétaires de véhicules abandonnés (en panne ou épaves) sur les différentes artères de la ville province de Kinshasa, de bien vouloir les retirer de la voie publique, endéans 7 jours francs, à dater de la diffusion du présent communiqué ». Et la police promet de procéder à la destruction des véhicules qui resteront sur la voie publique, après la période accordée pour leur retrait. Pendant ce temps, ramasseurs et acheteurs à la criée des mitrailles se font de plus en plus nombreux dans la capitale. Le marché rapporte gros, a-t-on appris.  Mi-juillet 2017, la Nouvelle dynamique de la Société civile, avait, dans une lettre ouverte adressée au chef de l’État, réclamé des sanctions exemplaires contre des agents de l’État qui cannibalisent les patrimoines publics pour en faire des mitrailles. « Nous avons appris que vous aviez vous-mêmes en personne déposé une plainte contre les responsables de la SNCC à Lubumbashi impliqués dans la destruction et la vente des mitrailles de nos chemins de fer », lit-on dans la lettre ouverte adressée au chef de l’État.

Selon nos sources, des foyers des Pakadjuma, ces sans domiciles fixes qui ont envahi  la voie ferrée de la SCTP, ex-ONATRA, partant du port de Baramoto à la XIIème Rue Limete,  auraient  déterré des pans des voies ferrées abandonnées et même volé des traverses et autres objets métalliques dans des dépôts isolés de l’ex-ONATRA pour les vendre aux fonderies de Kingabwa. Pour certains observateurs, la complicité de certains agents de la SCTP et des usines de fonte des mitrailles ne fait l’objet d’aucun doute dans ce marché qui se fait souvent aux profondes heures vespérales.  « Nous achetons les déchets à la tonne. Le prix se discute selon la spécificité de ce qu’on nous amène», soutient, bien au contraire, cet agent de la fonderie Kinshasa Stell Mills (KSM).

Quasiment, toutes les fonderies de Kingabwa  ont la même préférence: plus le métal est lourd, mieux il est vendu, de l’avis des ferrailleurs dont certains effectuent des voyages au Kongo-Central et dans les provinces de l’ex-Bandundu pour se ravitailler en mitrailles: tubes de transmission des véhicules, les tôles de la construction navale ou d’autres pièces en acier plein viennent de plus en plus de l’arrière-pays. Des camions sont abandonnés depuis des lustres dans des villages bordiers de la nationale n°1, des baleinières et autres embarcations échouées dans le fleuve et ses affluents sont en grand nombre, rapportent des « patrons » des mitrailles rencontrées à Kingabwa. Pour qui, l’industrie des mitrailles a encore de longs jours devant elle. .