Total a des dents longues sur le Graben Albertine

La RDC a renouvelé le 20 mars 2018, pour la troisième fois de suite, le permis d’exploration du groupe pétrolier français Total dans l’espoir d’obtenir cette fois-ci du groupe français un programme détaillé de forage sur le bloc on shore III dans le Graben Albertine. 

 

C’est en 2011 que le ministère des Hydrocarbures a accordé la licence d’exploration à Total pour cinq ans. Expirée en janvier 2016, cette licence a été renouvelée pour une période de deux ans. Hélas, les recherches de la firme française n’ont guère été concluantes, voilà pourquoi le gouvernement, par le truchement du ministère des Hydrocarbures, a consenti, le 20 mars, une nouvelle rallonge jusqu’au 26 janvier 2019. Mais c’est une rallonge assortie de conditions.

Les exigences de Kinshasa

Selon les médias officiels congolais, citant le ministère des Hydrocarbures, « la nouvelle  prolongation de licence à Total donnera lieu à l’élaboration d’un programme de forage à soumettre à Kinshasa (gouvernement), avant son arrivée à terme et la production d’un plan d’exploitation et de la production pétrolières via un oléoduc qui reliera  les permis congolais et les champs pétrolifères de l’Ouest de l’Ouganda, au port tanzanien de Tanga ».

Sur le terrain, Total est en partenariat avec les opérateurs chinois CNOOC et  britannique Tullow Oil. Alors que les travaux d’exploration piétinent, du côté de la République démocratique du Congo, de l’autre côté du lac Albert, en Ouganda, Total est déjà en pleine exploitation. Le groupe français contrôle une zone où quelque 1,7 milliard de barils, au bas mot, peuvent être récupérés, selon les projections du gouvernement de Kampala. D’emblée, des observateurs s’interrogent comment Total peut-il servir deux maîtres, en fait deux États, sans que l’un d’eux soit trompé.

Les relations entre Kinshasa et Kampala sont restés en dents de scie après les deux guerres d’invasion successives que l’ancien Zaïre a subies de la part de ses voisins de l’Est, dont l’Ouganda et le Rwanda, à travers des mouvements rebelles montés de bric et de broc en 1996 et en 1998.

En violation des accords économiques convenus dans le cadre de la Conférence internationale sur la région des Grands lacs (CIRGL), des Accords de Ngurdotto, l’Ouganda s’est dotée d’une raffinerie d’or alors qu’il revenait à Kinshasa de la construire dans sa partie orientale. Des multinationales sont bien souvent accusées de favoriser l’instabilité de l’Est de la RDC afin de tirer profit des matières premières à vil prix.

Oil of Congo/Fleurette 

Fin janvier 2018, le magazine Lettre Afrique Énergies de Paris, soutenait dans ses colonnes que la firme française Total avec ses partenaires, non plus CNOOC et Tullow, mais sud-africains, Efora Energy et Dig Oil, ont négocié avec succès avec la présidence congolaise le renouvellement de leur permis d’exploration sur le bloc 3 dans le Graben Albertine, à la frontière ougandaise. La validité du permis devant expirer le 26 janvier 2018. Mais Total et ses partenaires veulent plus. Le cartel Total, Efora Energy et Dig Oil convoite, en effet, les blocs I et II du graben déjà confiés à la société Oil of DRC, filiale du groupe Fleurette, appartenant à l’homme d’affaires israélien, Dan Getler. Ce dernier est sous les sanctions du Département du Trésor américain depuis décembre 2017, selon Lettre Afrique Énergies.

L’entreprise pétrolière Oil of DRC soutient avoir investi 80 millions de dollars et compte exploiter les blocs I et II du lac Albert. Les études sismiques ont déjà été réalisées mais les activités n’ont pas encore démarré. L’un des responsables de cette société indiquait, en 2015, que l’étape de forage était imminente. Oil of DRC dit disposer d’une réserve de 3 milliards de barils de pétrole. Une réserve qui pourrait être de même ampleur du côté ougandais du lac Albert, où, grâce à Total, l’exportation de brut devrait commencer à moyen terme après la construction d’un pipe-line débouchant sur l’océan Indien.

Côté RDC, le résultat des tests sismiques, qui ont coûté « plus de 20 millions de dollars », selon Oil of DRC, « montrent des ressources potentielles considérables qui peuvent augmenter fondamentalement (…) le PIB de la RDC si elles sont extraites et exportées de façon sûre et économique », se félicitait-on à Oil of DRC. Ce n’est qu’un secret de polichinelle, le groupe Fleurette vend régulièrement ses actifs depuis qu’il opère en RDC. Finirait-il par céder les blocs I et II à Total. Wait and see.