Toujours pas de nouveaux billets de franc

 Il y a plus de trois mois que la Banque centrale du Congo avait annoncé la mise en circulation des nouvelles coupures de 500, 1000 et 5 000 FC. Depuis août, l’Institut d’émission ne communique plus sur ce dossier. 

TOUTES les tentatives d’obtenir une explication sur la « mise en veilleuse » apparente de ce projet se sont heurtées au silence radio de la cellule de communication de la Banque centrale du Congo (BCC). Selon la ventilation  en millions de francs des émissions monétaires par coupure rendue publique par la BCC, il s’établit qu’en juillet, 3 072 268 millions de nos francs ont été produits dont 366 350 en billets de 5 000 FC, 640 370 en billets de 1 000 FC et 94 2781 en billets de 500 FC. 

Et quelque 387.150 en billets de 5.000 FC, 658.170 en billets de 1000 FC et 953 281 en billets de 500 FC ont été fabriqués par l’Institut d’émission, au mois d’août sur un stock de 3 153 568 en billets, dont 394 600 en billets de 20 000 FC et 400 100 en billets de 10 000 FC. 

Mais des analystes économiques redoutent que la mutation faciale des billets de banque ne soit à présent interprétée comme une opération de planche à billets pour financer la prochaine campagne de coalition au pouvoir qui s’est constitué en un mouvement politique, le Front commun pour le Congo (FCC). Des sources rapportent que cette hypothèse est prise très au sérieux à la Banque centrale.

Appel à la démonétisation?

Pour mémoire, le  début officiel de la campagne électorale pour la présidentielle et les législatives est annoncé pour mi-novembre et les scrutins, selon le chronogramme de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) sont  programmés pour le 23 décembre. L’opinion se souviendra de l’appel à peine voilé de l’homme d’affaires, (feu) Jeannot Bemba, au rejet des billets de 200 et 500 FC, avant le second tour de la présidentielle de 2006. « Moi, votre père, j’étais patron des patrons. Je vous assure que ces billets sont contrefaits », soutenait-il. 

Ces billets qui avaient une certaine coloration on ne peut plus différente d’autres  ont eu du mal à circuler dans les parties ouest et centre du pays où Jean-Pierre Bemba, le chairman du MLC, avait réalisé des bons scores. 

La  polémique sur l’autonomie réelle de la Banque centrale et son indépendance vis-à-vis du régime en place est repartie de plus belle dans les salons politiques. Comme dans les années 1990, quand Etienne Tshisekedi, alors 1ER Ministre, élu à la Conférence nationale souveraine (CNS), décrétant telle une fatwa la démonétisation des billets de 5 000 000 NZ (nouveaux zaïres), alors que Gabriel Kyungu, alors gouverneur du Shaba (Katanga), qui s’était rapproché de Mobutu, exhortait la population locale à consommer les nouveaux billets. 

Contrer les contrefacteurs 

Pourtant, la Banque centrale avait justifié l’injection de nouveaux billets par le souci d’améliorer la sécurité de la monnaie de la République démocratique du Congo. Et sa décision de procéder à la mutation de la présentation du Franc congolais remonte à mi-mars 2017, au temps fort de l’affaire de vrais faux billets de 5 000, 10 000 et 20 000 FC. 

Deogracias Mutombo Mwana Nyembo, le Gouv’ de la BCC, avait alors rassuré du changement de la présentation du franc et le renforcement de ses éléments de sécurité à partir de janvier 2018. Et que ce changement constituait « une stratégie pour éviter la contrefaçon » des billets de banque actuels dont l’impression date de 2005 et la mise en circulation entre 2009 et 2012. 

Dans un  autre communiqué, la BCC a dénoncé notamment « la multiplication des attaques des contrefacteurs contre la monnaie nationale ». Et que cette opération vise à « optimiser le niveau de sécurité des billets ». La mise en circulation du reste de la nouvelle série de billets interviendra dans le courant de l’année 2019. « Les billets de l’ancienne série ont cours légal sur l’ensemble du territoire national et circuleront concomitamment avec ceux de la nouvelle série jusqu’à leur remplacement intégral ».

Machines… à monnaies 

D’après le gouverneur de la Banque centrale, de nouvelles machines de production des billets ont été achetées pour remplacer les anciennes dont certaines sont en service depuis plus de 42 ans à l’Hôtel des monnaies. Voilà qui devrait permettre que toute la production de la monnaie se fasse à la machine. Le travail de finition  des billets de banque s’est longtemps effectué manuellement, renseigne-t-on à la BCC. 

La Banque centrale a également décidé de procéder au broyage des billets retirés de la circulation au lieu de les incinérer. Elle imprime depuis 2015 quelque 350 à 360 millions de billets de banque l’an, selon Deogracias Mutombo. Des sources autorisées, il a été rapporté que le stock de la fausse monnaie ne représenterait qu’entre 1.2 % et moins de 2 % de la masse monétaire en circulation. 

À la suite des investigations menées par une commission constituée de représentants de la BCC et des services de sécurité, deux personnes dont un directeur de la BCC, ont été démasquées. « Nous avons eu à arrêter une personne à l’extérieur [de la banque] et une personne à la banque. Des interrogatoires se poursuivent sur ces personnes. Nous avons même des informations que les faux monnayeurs opéreraient même à partir de certains pays. Nous avons estimé utile de travailler en synergie avec Interpol. Des contacts ont déjà été pris », avait déclaré, fin mars 2017, le Gouv de la BCC à la presse. 

Depuis, plus rien, les identités des présumés fossoyeurs de la monnaie n’ont jamais été dévoilées, alors qu’il était établi que l’injection de faux vrais billets sur le marché, a été actionnée depuis l’institut d’émission. 

Il s’en est plutôt suivi une onéreuse campagne de débusquement de faux billets menée par la Banque centrale. Au fil des jours, plus personne ne s’inquiète de vrais faux billets. 

Mais la crédibilité de la Banque centrale aura perdu de sa superbe. Selon ses propres statistiques, plus de 4 mille milliards de nos francs circulent hors circuit bancaire et échappent à tout contrôle. Et dans l’Est, après une tentative de démonétisation du billet de 500 FC marquant le cinquantenaire de l’indépendance de la RDC, une crise de confiance s’est installée entre les banques et l’opinion publique depuis la mise de la Mutuelle d’épargne et de crédit du Congo (MECRECO) et d’Imara sous gestion de la Banque centrale.