Transco : chronique d’une faillite annoncée ?

Des décaissements de fonds en violation de la sécurité bancaire, des octrois de marchés sans appel d’offre public, telles sont notamment des pratiques qui risquent de compromettre la bonne marche de cette compagnie de transport dont tout le monde avait salué la création.

Transco ne réalise toujours pas de bénéfices à la hauteur de ses dépenses.
Transco ne réalise toujours pas de bénéfices à la hauteur de ses dépenses.

Inaugurée avec pompe le 30 juin 2013, la Société de transport au Congo (Transco) est déjà en proie à quelques dysfonctionnements. Dans une note technique adressée aux autorités compétentes et relayée par une radio locale, son directeur général sortant, Dominique Maussion tire la sonnette d’alarme sur les risques de faillite de cette entreprise. Un an après son démarrage, l’entreprise manque de pièces de rechange pour l’entretien des bus. Sur les 500 véhicules dont dispose Transco, 350 sont exploités sur 13 lignes. Mais 16 sont déjà immobilisés faute de pièces de rechange, selon Dominique Maussion. Michel Kirumba, l’actuel directeur intérimaire, avoue que la société ne dispose pas de stock de sécurité de pièces de rechange. Et Dominique Maussion craint, pour sa part, que des lignes soient vite fermées, seulement par manque de pneus. Le malaise, l’ancien directeur général ne le situe pas seulement au niveau de la gestion du charroi automobile, mais également au sommet de l’entreprise. Il décrie notamment des décaissements de fonds en violation de la sécurité bancaire, des octrois de marchés sans appel d’offre public, ainsi que des écarts entre la consommation réelle de carburant et la somme versée à la station Cobil. A titre d’illustration, le montant alloué mensuellement par le gouvernement à l’entreprise Cobil était de 900 000 dollars, pour 2013, alors que la consommation de Transco n’était que de 300 000 dollars. Pour lui, cette mauvaise gestion risque de nuire à la pérennité de Transco qui est en service depuis seulement une année et quelques mois.

Pour garantir la sécurité bancaire, en son temps, indique Dominique Maussion, les sorties de fonds de Transco, via la Rawbank, n’étaient valables qu’avec au moins trois signatures. Mais le directeur intérimaire, Michel Kirumba, a ordonné à la même banque de ne tenir désormais compte que de sa seule signature. L’intérimaire a ainsi payé 15 000 dollars cash à une personne physique pour une facture alors qu’à Transco, le plafond pour un payement cash est de 300 dollars et qu’au-delà de ce montant, il faut soit faire un chèque, soit ordonner un virement bancaire. Le directeur intérimaire a aussi octroyé le marché du nettoyage des véhicules de Transco à l’ONG Initiative Plus, sans passer par un appel d’offres. Michel Kirumba reconnaît les faits et les justifie par des raisons « d’urgence et de souplesse administratives. »

Déficit de la subvention 

Le montant alloué mensuellement par le gouvernement à l’entreprise Cobil était de 900 000 dollars, pour 2013, alors que la consommation de Transco n’était que de 300 000 dollars. 

Dominique Maussion 

Dans la note technique, l’expert français en matière de transport public dénonce aussi des écarts entre la subvention allouée et les dépenses réelles de l’entreprise, malgré la modicité de ce subside. Mensuellement, la subvention du gouvernement en faveur de Transco couvre uniquement le carburant, et non le fonctionnement ni l’investissement et encore moins l’amortissement qui, selon lui, s’élève à 22 100 dollars par jour, pour l’ensemble des véhicules alors que le prix du titre de transport est fixé à 500 francs (0,5 dollars) par course. « Ce tarif ne peut pas supporter les charges ni permettre à Transco d’investir, d’où le besoin d’une meilleure subvention de l’État », a-t-il déclaré. De son côté, le ministère des Transports et voies de communication a expliqué qu’il attendait de la Régie autonome des transports parisiens-International (RATP-I), firme française qui aide actuellement à la gestion de Transco, un « Business plan » qui permettrait de corriger les failles. Ce « Business plan » n’aurait été transmis que le 13 octobre.

Un contrat coûteux  

Condamnée à payer ses cadres expatriés très cher dès le départ, l’entreprise ne réalise toujours pas de bénéfices à la hauteur de ses dépenses. Ce qui fait que le gouvernement continue de voler à son secours sur le plan financier. Pour payer les cadres, le gouvernement, à travers le ministère des Transports et Voies de communication ainsi que celui des Finances avait signé, en janvier, un contrat d’assistance technique de longue durée avec la RATP-I. Un engagement qui coûte des millions d’euros à l’état aujourd’hui. Le montant du contrat de base est de 1 177 620 euros. Le chiffre global avec toutes les options de prestation des consultants expatriés est fixé à 1 338 670 euros.  La présence de ces experts dans le secteur du transport public au pays devrait pourtant aider les Congolais à acquérir de l’expérience dans la gestion de la société Transco. « Les postes d’expatriés ont vocation à être repris par des nationaux, qu’il s’agisse de la direction générale, de la direction d’exploitation ou de la direction de la maintenance. Notre objectif premier est de transmettre notre savoir-faire », avait déclaré le directeur général sortant en 2013. Son départ ainsi que la mégestion qui est décriée laissent présager une faillite de l’entreprise, si le gouvernement n’y prend garde.


 Des salaires costauds pour les expatriés

Il n’est pas certain que la subvention du gouvernement continuera à boucher les trous dans le fonctionnement de Transco. Les factures salées liées au paiement des agents expatriés coûtent énormément cher à l’état. Dominique Maussion gagnait, à lui seul, 30 500 euros par mois, ce qui fait un total de 366 000 euros l’année. Le directeur de l’exploitation, Gérard Matou, touche 26 140 euros le mois, soit 313 680 euros par an et le directeur chargé de la maintenance 28 150 euros le mois, soit un salaire annuel de 337 800 euros. Globalement, ce personnel à longue durée fait dépenser à l’Etat 1 017 480 euros. Les salaires de ces experts ont un surcoût à cause de leur expatriation. L’ensemble des services qu’ils offrent à la RDC à partir de Paris ou à Kinshasa coûte au total 1 151 960 euros.