Trump se vante des 250 milliards de dollars fantômes ramenés de Chine

Donald Trump s’est félicité d’avoir obtenu pour 250 milliards de dollars de contrats commerciaux lors de son déplacement en Chine. En réalité, Pékin ne s’engage sur rien de neuf ou presque.

 

Le chiffre a de quoi impressionner : selon l’administration américaine, la visite en Chine de Donald Trump, les 8 et 9 novembre, aurait permis de signer pour 250 milliards de dollars de contrats. Une pluie d’accords – quinze au total – qui permettent au président américain de claironner qu’il fait tout pour redresser la balance commerciale entre les deux pays, jusqu’à présent très favorable à Pékin. Boeing, Alaska Gasline Development, General Electric, Qualcomm ou encore Ford : autant de groupes américains qui auraient profité de l’entregent commercial de l’ex-homme d’affaires milliardaire devenu président des États-Unis.

Beaucoup de bruit pour rien

Sauf que « ces annonces ne vont pas avoir d’incidence réelle sur la balance commerciale américaine », assure Jean-François Dufour, expert de l’économie chinoise pour le cabinet de conseil Montsalvy consulting, contacté par France 24. Il y a, en effet, beaucoup de bruit pour pas grand-chose autour des 250 milliards de dollars annoncés. La plupart des contrats n’ont rien de neuf : la vente d’avion Boeing, les exportations de puces électroniques de Qualcomm ou encore les pièces détachées commandées par la Chine à General Electric et Ford étaient toutes déjà dans les tuyaux. « C’est une méthode bien rodée en Chine : annoncer à l’occasion d’une visite d’État des contrats qui étaient déjà prêts à être signés », explique le spécialiste français. En clair, Donald Trump n’a décroché aucun pactole avec ces contrats, qui correspondent à des importations traditionnelles chinoises.

Tout n’est cependant pas que du réchauffé. Un vaste projet d’exploitation de gaz liquéfié en Alaska qui pourrait permettre à Exxon et ConocoPhilipps de faire de juteuses affaires, a été dévoilé. Mais l’affaire est encore loin d’être dans le sac : il s’agit tout juste d’un protocole d’accord, qui n’engage pas la Chine à mettre la main au portefeuille. Mais Pékin voit aussi dans ce projet un moyen de faire pression sur la Russie. « La Chine, qui négocie actuellement les détails d’un accord de livraison de gaz par Gazprom signé en 2014, peut dorénavant menacer d’avoir recours au gaz américain si la Russie ne fait pas des efforts sur le prix », explique Jean-François Dufour.

Paroles, paroles, paroles

Donald Trump s’est aussi félicité d’un important projet d’investissement chinois en Virginie portant sur des gisements de gaz de schiste. « Le montant annoncé, 84 milliards de dollars, est vraiment impressionnant, mais là encore il s’agit d’un protocole d’accord sur plus de 20 ans et dont les détails sont loin d’être connus et fixés », précise Jean-François Dufour. Même si ce protocole d’accord se concrétise un jour, la Virginie pourrait bien ne pas voir la couleur de l’argent avant longtemps. Pékin s’est aussi bien gardé de faire des concessions sur des sujets qui importent particulièrement aux milieux économiques américains, comme une plus grande ouverture du marché chinois à leurs produits ou la possibilité de faire des affaires en Chine sans avoir à s’associer à des groupes locaux.

Paroles, paroles, paroles : Donald Trump n’est pas le premier chef d’État à devoir se contenter ainsi de promesses d’un avenir commercial plus radieux. « C’est une habitude diplomatique chinoise », confirme Jean-François Dufour. La France en sait quelque chose : lors d’un déplacement en Chine en 2007, Nicolas Sarkozy s’était réjoui d’avoir signé pour plus de 20 milliards d’euros de contrats … dont la plupart n’étaient que des protocoles d’accord. Multiplier ainsi les promesses permet aux hôtes de Pékin de jongler avec des milliards pour impressionner leurs opinions publiques, tandis que la Chine s’assure que le statu quo commercial, qui l’arrange souvent, n’est pas bouleversé.

La visite de Donald Trump a aussi rassuré le régime chinois sur un autre point. Le grand show commercial auquel le président américain et son homologue chinois Xi Jinping se sont adonnés a servi, avant tout, à consolider les relations commerciales existantes… ce qui écarte durablement la menace souvent brandie par Donald Trump de partir en guerre commerciale contre la Chine.