Une banque par et pour la diaspora congolaise

usque là, le ministère des Congolais de l’étranger avait des contours flous. L’actuel ministre délégué s’emploie désormais à lui donner un contenu réel. Trois « gros projets » sont dans le pipeline.

La particularité du ministère délégué des Congolais de l’étranger est de « porter secours… en cas de besoin », expliquait, sur les antennes de Top Congo FM, Emmanuel Ilunga Ngoie Kasongo. Par « en cas de besoin », selon le ministre délégué chargé des Congolais de l’étranger, il faut entendre les problèmes et les difficultés qu’éprouvent les compatriotes vivant à l’étranger. Ce sont principalement les problèmes et les difficultés liés à l’obtention ou le renouvellement du passeport, l’obtention du visa pour les Congolais qui ont renoncé à la nationalité congolaise, ou des facilités pour investir au pays…

Mais la vision d’Emmanuel Ilunga ne se limite pas seulement à « porter secours ». Il s’agit de faire bien plus.

Actuellement, le ministre délégué chargé des Congolais de l’étranger travaille sur trois projets d’envergure. Le premier concerne la mise à la disposition des compatriotes de la diaspora ayant choisi d’adopter la nationalité du pays d’accueil ou d’un autre pays d’une carte de séjour en République démocratique du Congo. Cette carte dénommée « Okapi » n’est pas une trouvaille congolaise. Bien des pays comme l’Inde l’ont déjà expérimenté. Actuellement, ils sont soumis à l’obtention d’un visa pour rentrer au pays et cela relève du parcours du combattant. Sauf imprévu, a indiqué Emmanuel Ilunga, la carte Okapi entrera en vigueur à partir de septembre prochain, sans fournir d’autres détails.

Le deuxième projet porte sur la possibilité de faire payer la pension de retraite des Congolais travaillant à l’étranger en RDC. Le ministre délégué chargé des Congolais de l’étranger a indiqué que des experts de son cabinet et de l’Institut national de sécurité sociale (INSS) travaillent déjà avec ceux des organismes de sécurité sociale des grands pays sur ce projet.

Une banque en gestation

Et le troisième projet, sans doute le plus important, concerne la création de la Banque internationale des Congolais de l’étranger ou de l’extérieur (BICE). Le processus en dix phases est à sa huitième étape, celle de la recherche des actionnaires de référence, comme la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD) ou les grandes banques. Le concept, a précisé Emmanuel Ilunga, est de « rapprocher les Congolais de l’extérieur du pays ». Dans sa configuration envisagée, la BICE aura des agences dans les principales capitales occidentales à travers lesquelles les Congolais de la diaspora vont être appelés à faire des transferts d’argent à destination du pays, au lieu d’emprunter d’autres canaux, pour soutenir les familles restées au pays. Ce qui permettra aussi au Trésor public d’en tirer profit grâce aux frais de gestion.

En contrepartie, derrière la BICE, a souligné Emmanuel Ilunga, il y a d’autres projets. Il s’agit notamment du projet Terre neuve, en partenariat avec des Australiens, déclare-t-il. Concrètement, le projet Terre neuve consiste en la construction des logements sociaux sur un lotissement accordé par l’État derrière l’Université de Kinshasa (UNIKIN). Les villas seront attribuées à crédit, uniquement aux Congolais de la diaspora, clients de la BICE. Question de les aider à « préparer leur retraite au pays ».

Aujourd’hui, il n’y a presque plus de doute que la diaspora est une force incontournable. Vu de l’Occident et de l’Afrique. Les Congolais de l’étranger forment actuellement une communauté de quelque 8 millions de personnes à travers le monde, soit le 1/10 de la population de la RDC. L’argent qu’ils envoient au pays est estimé à ce jour à quelque 14 milliards de dollars par an, selon l’économiste Noël Tchani. Soit quatre fois plus que l’aide publique au développement. Seulement voilà, toute cette masse d’argent est en grande partie destinée aux besoins de consommation des familles (soins médicaux, scolarité, mariages, première communion, obsèques, achat maison et produits alimentaires…). Très peu est utilisé pour les investissements.

Depuis quelques années, en Occident, le débat porte sur la meilleure manière de canaliser cette manne financière pour qu’elle soit utile non seulement aux familles des migrants mais aussi à l’économie du pays. Bien des spécialistes économiques estiment que le ministre délégué chargé des Congolais de l’étranger fait preuve d’ambition « démesurée » en parlant de banque internationale. Étant donné que celle-ci n’est pas facile à mettre en place. Ce n’est pas d’avoir une banque internationale qu’on va utilement canaliser l’argent de la diaspora, fait remarquer Noël Tchani. Ce qui importe, pense cet économiste, c’est d’avoir au pays « un système financier solide et diversifié, qui a en son sein des Congolais comme actionnaires dans les banques ». Ce n’est pas normal, aujourd’hui, que tout le capital dans le système bancaire soit totalement aux mains des étrangers ou des familles politiques, tranche-t-il dans le vif.

Des études ont montré que les fonds des migrants ont permis de soutenir des micros projets de développement et d’améliorer les conditions sociales des familles restées au pays. En 2012, la France avait décidé de revoir sa vision de l’aide publique, après avoir lancé justement un grand débat international sur l’avenir de l’aide au développement en Afrique. En effet, il a été constaté que l’aide accordée n’arrivait pas directement vers les populations. Les pays de l’Afrique centrale devraient fournir beaucoup d’efforts en vue d’améliorer le climat des affaires afin d’attirer plus d’investissements.