Une bouée de sauvetage pour l’enseignant et sa famille

Se soigner a été longtemps un sujet de revendications pour les professeurs et instituteurs du secteur public. Aujourd’hui, ils ont une mutuelle qui ne leur coûte que 4,5 dollars par mois.

Un des véhicules 4x4 servant d’ambulance à la Mutuelle des enseignants de Kinshasa.
Un des véhicules 4×4 servant d’ambulance à la Mutuelle des enseignants de Kinshasa.

Chaque jour ouvrable, au siège de la Mutuelle de santé des enseignants de l’Enseignement primaire, secondaire et professionnel (MESP), dans l’enceinte de l’Institut de la Gombe, il y a foule. Ici et là, on trouve des hommes et des femmes assis dans l’attente de quelque chose. Ce sont généralement des enseignants. Certains viennent avec leurs enfants pour se faire identifier et d’autres pour le transfert dans d’autres formations médicales. Ambroise Muleba, enseignant dans une école de Masina, est lui pour une adhésion. La mutuelle de santé est aujourd’hui une réalité et une bouée de sauvetage pour les enseignants du secteur public. Grâce une retenue mensuelle de 4,5 dollars  sur leurs salaires depuis octobre 2012, ils peuvent désormais se soigner ainsi que leurs familles. Née le jour le 20 février 2010 lors d’une assemblée constituante, la MESP a commencé médicalement à prendre en charge ses affiliés le 11 novembre 2011. Elle est subventionnée par l’Etat depuis avril 2011 à hauteur de plus de 300 000 dollars par mois et jouit de l’accompagnement de Maker Mwangu Famba, ministre de l’Enseignement primaire, secondaire et de l’Initiation à la nouvelle citoyenneté et de son homologue de la Santé publique, Félix Kabange Numbi. La mutuelle de santé regroupe uniquement tous les enseignants de l’EPSP, reconnus au Service de contrôle de la paie des enseignants (SECOPE).

À Kinshasa, où il y a quelques 40 000 enseignants,  environ 21 000  se sont affiliés à la MESP en 2014. « Actuellement à Kinshasa nous avons 39 500 enseignants. Lubumbashi en compte 4 000 enseignants », indique Guy Mafuta,  président du Conseil d’administration de la MESP. La mutuelle, explique-t-il, prend en charge une moyenne de 200 000 épisodes maladie par an et 39 000 familles d’enseignants dans la ville de Kinshasa bénéficient de soins. Selon lui, le défi de la mutuelle aujourd’hui est celui de la pérennisation de cette prise en charge.

La carte biométrique 

Pour éviter la fraude, la mutuelle délivre depuis début mai des cartes biométriques à se membres pour la meilleure prise en charge médicale. Guy Mafuta explique que cette opération permet de mettre fin au trafic de cartes et de  pérenniser la prise en charge médicale des enseignants et de leurs dépendants. Pour lui, l’ancienne carte, non biométrique, n’était pas sécurisée. « Il y a quelques enseignants véreux qui préfèrent céder, contre rémunération,  leurs cartes à des tiers qui ne sont pas enseignants et qui se présentent pour des examens médicaux», dénonce  Hubert Museng,  membre du Syndicat national des enseignants des écoles catholiques (Synecat). Selon Patrick Asama, chef de service à l’Enseignement primaire et secondaire, le cryptage utilisé sur la carte biométrique est propre à la MESP et ne permet pas à une autre structure d’en fabriquer.

Extension dans les provinces

À Kinshasa, le siège national de la mutuelle, qui est en même temps le siège provincial, se trouve dans l’enceinte de l’Institut de la Gombe. Dans ce bâtiment réhabilité à 80 % et équipé, qui compte une grande salle de réunions, une réception et 33 pièces, travaillent plusieurs services. « Tout se passe bien mais ils doivent décentraliser les services. Il n’y a qu’ici à l’Institut de la Gombe que tout le monde vient », regrette Ambroise Muleba.

Après Kinshasa, la MESP a déjà ouvert ses portes au Katanga où à peu près quatre mille enseignants se sont affiliés. Prochainement, ce sera le tour de Mbandaka et de Kisangani. C’est dans ce cadre que Guy Mafuta s’est récemment rendu à Mbandaka. « En 2014 nous avons continué l’extension au-delà de Lubumbashi. Nous sommes allés à Kipushi et à Kafubu. Et nous avons fait une mission de récolte de données à Kisangani et à Mbandaka pour un lancement imminent », explique-t-il.

Identification des bénéficiaires

Les enseignants qui veulent adhérer font la déclaration sur l’honneur de respecter les 11 articles de la charte des affiliés. Les bénéficiaires de la prise en charge sont de deux types : le titulaire et les personnes à charge (époux ou épouse ainsi que trois enfants légitimes).

Quiconque veut adhérer à la MESP doit se présenter physiquement et présenter sa carte de service. À Kinshasa, l’identification se fait uniquement au siège provincial, à la Gombe. Sur place, les services de la MESP suivent une certaine procédure : la vérification de l’identité dans la base de données fournie par la SECOPE, le remplissage du formulaire, la création d’un dossier électronique, la prise de la photo et l’impression de la carte. Aux personnes à charge, l’association exige la présence physique et vérifie la filiation au titulaire avant d’imprimer la carte de membre. Le document qui atteste le lien du mariage pour les mariés et l’acte de mariage. Pour les enfants, les parents doivent présenter leurs actes de naissance ou le jugement supplétif au cas où il s’agit d’enfants adoptés.   Dans la charte, les droits et les devoirs des affiliés sont définis. Par exemple, l’enseignant et ses dépendants doivent bénéficier du suivi du traitement reçu par un médecin conseil de la MESP. Parmi les devoirs, les affiliés ont l’obligation de veiller à l’usage correct de la carte de membre.

Le respect du circuit des soins

Les membres de la mutuelle bénéficient de soins uniquement dans les formations sanitaires agréées avec lesquelles la MESP a signé des conventions. La charte détermine trois lignes de soins. Premièrement, le centre de santé prend en charge la consultation prénatale (CPN), la consultation préscolaire (CPS), la consultation curative, la petite chirurgie, les accouchements simples (eutocique) ainsi que les examens de laboratoire de routine et les médicaments essentiels. La deuxième ligne prévoit que l’hôpital général de référence prend en charge les cas de chirurgie moyenne et majeure, la césarienne et tous les cas que les centres de santé ne peuvent pas prendre en charge. Pour la troisième ligne, c’est la formation sanitaire spécialisée qui prend en charge les soins qui ne peuvent pas être pris en charge au niveau de la deuxième ligne compte tenu de leur complexité ou gravité.

Toutefois, personne n’est autorisé à passer d’un niveau de prise en charge à un autre s’il n’y a pas un billet de transfert délivré par la formation sanitaire qui l’a reçu. « Ce billet de transfert doit être avalisé par un médecin conseil de la MESP avant la prise en charge par le niveau de transfert », informe la charte des affiliés. Si ce n’est pas pour un cas de transfert, chaque bénéficiaire est tenu de se rendre au centre de santé auprès duquel sa famille est affectée car la MESP interdit le « vagabondage médical ».

Personne n’a le droit de sortir du cadre prévu par la mutuelle de santé. « Sauf cas d’urgence avérée, tout affilié qui contrevient au respect de ce circuit des soins prend à sa propre charge les frais qu’il expose et que la MESP-Asbl ne rembourse pas. La MESP-Asbl ne couvre pas les transferts sanitaires à l’étranger et ne prend pas en charge les frais exposés par ses affiliés lors d’un séjour médical à l’étranger », avertit la charte.  En cas d’urgence médicale avérée, la mutuelle recommande au membre malade de se rendre dans une formation sanitaire la plus proche et d’avertir lui-même ou un membre de sa famille un médecin conseil de la MESP. Il y a d’autres cas que l’association ne prend pas en charge. Entre autres, il y a le check up réalisé sur l’initiative propre de l’affilié, la chirurgie et les soins esthétiques, les conséquences avérées de l’ivresse, de l’alcoolisme, de la prise de la drogue, l’avortement illicite et ses conséquences.

Médicaments essentiels et génériques  

Les produits prescrits aux malades sont pour la plupart des médicaments essentiels et génériques.  Selon Justin Baruti, médecin conseil de la MESP, ce sont des médicaments pour lesquels il existe des données sûres et suffisantes sur l’efficacité par rapport à un problème de santé. « Nous sommes une mutuelle. Une mutuelle de santé vient en réponse à des difficultés d’accès aux soins de santé à un groupe de gens. Si la mutuelle est venue pour aider ceux qui ne peuvent pas se prendre eux-mêmes en charge, elle ne doit pas aller au-delà de ce principe qui demande de donner les médicaments essentiels et génériques de qualité à moindre coût pour répondre aux besoins d’un grand groupe. Le gouvernement impose cela comme moyen d’accéder aux soins de santé de qualité dans notre pays ».

Guy Mafuta rassure que la MESP supporte le traitement dès la phase de consultation jusqu’au rétablissement complet du bénéficiaire malade.  « L’enseignant doit être en bonne santé pour pouvoir donner le meilleur de lui-même dans la formation des élèves», indique-t-il.