Une notion de droit international

 L’Accord multilatéral sur les marchés publics n’a pas un caractère contraignant quant à l’adhésion des États. Cependant, compte tenu de leur importance dans le PIB, il est indispensable d’assurer l’égalité de toutes les entreprises face à la commande publique, notamment des PME.  DAVID LUYEYE

Travaux de réhabilitation des avenues dans la commune de Bandalungwa. Radio Okapi/ Ph. John Bompengo

Les spécialistes en la matière sont à peu près d’accord qu’un marché public est un contrat conclu à titre onéreux entre des pouvoirs adjudicateurs (chez nous, État, provinces, entités territoriales décentralisées et entreprises publiques locales notamment) et des personnes publiques ou privées et qui répond aux besoins de ces pouvoirs adjudicateurs en matière de fournitures, services et travaux. Vu sous cet angle, la passation des marchés publics est fondée sur trois principes philosophiques majeurs : égalité de traitement des candidats, liberté d’accès à la commande publique et transparence des procédures de passation. Ces principes sont expressément applicables à tous les marchés, quel que soit leur montant, c’est-à-dire dès le premier franc ou dollar. Ces principes sont aussi applicables à tous les marchés et accords soumis au code ou à la loi.

Universalité du concept

À travers le monde, on a vraiment commencé à parler des marchés publics dès l’après-guerre dans le cadre des Nations Unies. Mais la philosophie politique de l’époque, dominée par la guerre froide, était marquée par le primat de la souveraineté des États et non du droit international. À partir de 1986, une nouvelle approche s’est invitée dans le débat, à la faveur du cycle d’Uruguay et de l’Accord plurilatéral sur les marchés publics (AMP) adopté le 15 avril 1994 à Marrakech au Maroc, le même jour que la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Parallèlement, la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) a adopté des lois types pour la passation des marchés publics dans les États émergents ou en développement.

Tous les États n’ont pas adhéré à l’Accord multilatéral sur les marchés publics. Par exemple, les États-Unis en sont cosignataires, mais ils ont émis une réserve pour continuer à utiliser le Small Business Act adopté par le Congrès américain le 30 juillet 1953 et maintes fois amendé depuis. Le SBA vise à favoriser l’accès des PME américaines, aux marchés publics de l’État fédéral dans le cadre de la Section 19 des Federal Acquisition Regulations (FAR) – le code des marchés publics de l’État fédéral américain. En Europe, l’Union européenne a tenté de réglementer la passation des marchés publics dans les années1970. Mais cela a été un échec, ce qui ne l’a pas pour autant découragée parce que l’UE a encore adopté des directives, dites « Recours » entre 1989 et 1993. Et d’autres mesures d’encadrement ont été adoptées en mars 2004. Au sein de l’UE, les marchés publics représentent entre 11 % et 22 % du Produit intérieur brut (PIB) selon les États membres. Cela s’explique par la politique des fonds structurels d’aides aux pays en retard pour financer leurs infrastructures.

Évolution du concept

Compte tenu de l’importance des marchés publics dans le PIB de l’UE, il est indispensable d’assurer l’égalité de toutes les entreprises face à la commande publique, notamment des PME. Au début de 2011, la Commission européenne a publié un livre vert sur la modernisation de la politique de l’UE en matière de marchés publics. Il s’agit d’une évolution vers un marché européen des contrats publics plus performant, dont le but est d’aboutir, à terme, à une proposition législative sur la réforme des règles européennes en matière de marchés publics. Jusqu’en 2014, les marchés publics européens étaient encadrés par deux directives. La première, la directive 2004/17/CE relative à la passation des marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux. Elle a été abrogée par la directive 2014/25/UE, entrée en vigueur depuis le 17 avril 2014, mais a été transposée avant le 18 avril 2016.

La seconde, la directive 2004/18/CE sur la passation des marchés publics, dédiée à l’ensemble des autres secteurs, qu’il s’agisse de prestations intellectuelles, de services ou de travaux. Cette directive a été abrogée par la directive 2014/24/UE, entrée en vigueur le 17 avril 2014, mais dont la transposition a été effective le 18 avril 2016.

Les grands principes

En France dont nous nous inspirons beaucoup, le code des marchés publics définit les règles de mise en concurrence pour ce qui concerne l’achat des fournitures, les prestations de services ou les travaux par les personnes publiques (ministères, services déconcentrés de l’État, établissements publics, collectivités territoriales). Recensés par l’Observatoire économique de l’achat public (OEAP) depuis 2005, les achats publics contribuent à environ 7 % du PIB. Les enjeux sont importants tant au niveau des acheteurs que des opérateurs économiques. L’influence de l’UE a contraint la France à réformer son code des marchés publics en 2001, puis en 2004 et en 2006 (décret n° 2006-975 du 1er août 2006). Certains organismes publics non soumis au code des marchés publics sont soumis à l’ordonnance no 2005-649 du 6 juin 2005. Les pouvoirs publics ont le devoir de définir les besoins de la commande publique le plus précisément possible afin de garantir les principes de liberté d’accès des entreprises intéressées par la commande publique, d’égalité des entreprises postulantes et de transparence des procédures d’attribution des marchés publics. La violation de ces principes est sanctionnée pénalement par le délit du favoritisme.

Le code des marchés publics définit deux types de contrats : le marché public et l’accord cadre. Deux catégories de procédures de mise en concurrence sont universellement reconnues : d’une part, les procédures formalisées (appel d’offres, procédures négociées, dialogue compétitif, concours et système d’acquisition dynamique). Les avenants tolérés dans le cadre de ces procédures ne doivent pas dépasser 20 % du marché. Les marchés publics soumis à procédures formalisées doivent faire l’objet d’une pré-information avant leur publicité. Et d’autre part, les procédures adaptées. Les pièces constitutives des marchés publics à fournir par l’administration sont le règlement de consultation, qui comprend les modalités d’attribution des offres, la lettre de candidature, la déclaration du candidat, la déclaration sur l’honneur attestant que le candidat a satisfait à ses obligations en matière d’impôts, taxes et cotisations sociales et l’acte d’engagement. Le projet de marché composé généralement d’un acte d’engagement, le cahier des charges et le cahier des clauses techniques particulières, le bordereau des prix, complété par le cahier des clauses administratives générales et le cahier des clauses techniques générales. L’entreprise doit répondre en respectant scrupuleusement les modalités indiquées dans le règlement de consultation, éventuellement en séparant son offre en deux sous-enveloppes, de candidature et d’offre.

Un marché public relevant du code des marchés publics est un contrat administratif. Compte tenu de la complexité de la réglementation, d’un contrôle de légalité très exigeant et du nombre très important de contentieux sur les procédures, les personnes publiques soumises à la réglementation des marchés publics ont très souvent extrêmement de difficulté à se détacher de la vision procédurale qu’elles ont des marchés publics pour aller vers un management tourné vers les techniques d’achat.

Seuils de procédure et de publicité

En Afrique, la passation des marchés publics est, dans la plupart des cas, régie par un décret présidentiel ou une loi. Par exemple, en Algérie, c’est le décret no 236-10 du 7 octobre 2010 portant réglementation des marchés publics modifié et complété. Au Burkina Faso, ce sont le décret no 173/2008 PRES/PM/MEF d’avril 2008 portant réglementation générale des marchés publics et de délégation des services publics et son modificatif le décret no 123-2012 PRES/PM/MEF. La particularité au Burkina, c’est l’utilisation des termes « achats publics » et « commande publique » en lieu et place du marché public qui est défini comme un type de contrats d’achat public dont le montant est supérieur ou égal à 20 000 000 CFA…

La passation d’un marché public est soumise à des règles de procédure et de publicité. D’une part, l’organisme public doit se conformer à une procédure, déterminée en fonction de la valeur de l’achat et de son objet (travaux, fournitures, services). D’autre part, et pour garantir une concurrence satisfaisante, il doit appliquer des règles de publicité, qui varient elles aussi, en fonction de l’organisme (collectivité, État, etc.), de la valeur estimée et de l’objet de l’achat.