Une nouvelle session de DRC Mining Week sur fond de cris

Tout porte à croire que le nouveau code minier et son impact sur l’industrie minière seront au centre des discussions lors de la prochaine édition de DRC Mining Week prévue comme à l’accoutumée à Lubumbashi du 13 au 15 juin. 

C’est une lapalissade en disant que tous les industriels miniers en République démocratique du Congo n’ont pas pleinement adopté le nouveau code minier promulgué le 9 mars par le président de la République, Joseph Kabila Kabange. « Le code minier a essentiellement augmenté les taxes sur les minerais extraits et traités en RDC », explique, par exemple, Laura Cornish, rédactrice en chef de la revue Mining Review Africa. Elle ajoute: « Les marchés des véhicules électriques et des batteries sont en croissance et nécessitent du cobalt pour fonctionner. Les bénéfices dus à la hausse des prix du cobalt devraient réduire l’impact de la hausse des taxes. »

Dans certains milieux miniers du pays, on pense que le nouveau code minier imposera probablement des redevances plus élevées sur le cobalt, un métal critique pour les véhicules électriques – un marché qui connaît une croissance exponentielle chaque année. Les redevances sur le cobalt pourraient alors atteindre 10 %, s’il est jugé « stratégique » par le gouvernement, contre 2 %. Les spécialistes comprennent que le pays aimerait obtenir plus de revenus de son industrie minière et particulièrement du cuivre et du cobalt. 

Laura Cornish apprécie ce besoin à sa juste valeur, mais elle croit qu’il aurait mieux valu que « le gouvernement s’engage davantage avec l’industrie pour trouver une solution qui profite à tous, y compris les investisseurs. » Les industriels miniers continuent de bouder le code minier révisé parce qu’ils ont le sentiment que « le gouvernement ne s’est pas engagé avec eux pendant les étapes de révision ». Pour sa part, le gouvernement a invité les miniers à s’engager avec lui autour d’un dialogue constructif. Naturellement, les sociétés minières s’opposeraient à une législation qui aurait une incidence sur leurs profits et sur le rendement des actionnaires sans préavis. 

Lors du récent Mining Indaba au Cap en février, Mark Bristow, PDG de Randgold Resources, a déclaré ouvertement que le code minier révisé de la RDC n’était pas avantageux pour les investisseurs et les parties prenantes. « Lorsque nous avons décidé de négocier le code en 2014, a-t-il souligné à cette occasion, nous avons eu des engagements constructifs, nous avons progressé et nous sommes parvenus à un accord sur presque toutes les questions litigieuses. Cependant, le code qui a été présenté au Parlement la dernière fois n’était pas la version sur laquelle nous nous étions mis d’accord. » Et il a exigé une « plate-forme transparente » avec l’intention de trouver le « code le plus avantageux » pour la RDC.

Mark Bristow a également indiqué que grâce à la mine d’or de Kibali, sa société a investi quelque 3 milliards de dollars dans l’économie, dans les communautés environnantes et dans le développement des compétences locales. Il a rassuré qu’il continuerait à le faire en s’inscrivant dans la longue durée.

« Nous avons besoin de plus d’investissements, d’investisseurs importants car il faudra des dizaines de milliards de dollars pour ramener ce grand pays à sa juste place, tant en Afrique que dans le monde », a-t-il encore dit.

La pression des miniers

Le débat se corse au moment où les travaux d’élaboration du règlement minier qui va fixer les modalités d’application du code minier controversé. Pour l’économiste Carlos Lopes, la RDC n’a pas besoin d’augmenter les taxes, mais elle peut s’imposer dans la fixation du prix du coltan et avoir par ricochet la maîtrise du cobalt qui va avec. D’après lui, l’augmentation des taxes ne va pas régler le problème, d’abord parce qu’il y a un niveau de corruption extrêmement élevé. Ces taxes très souvent vont prolonger encore un peu plus un comportement qu’il condamne du point de vue macroéconomique du fait d’une mauvaise utilisation des ressources publiques, mais aussi à cause de la façon dont est exploité le cobalt qui a une importance  gigantesque pour l’économie mondiale et qui ne profite pas aux Congolais. 

D’après lui, la RDC doit agir sur les deux leviers que sont le coltan et le cobalt, les deux étant liés dans la fabrication des appareils électroniques. « Le cobalt qui sert au coltan et qui est en principe le métal plus stratégique en ce moment parce qu’on ne peut pas avoir une quelconque utilisation des appareils électroniques mobiles sans le coltan, devait être considéré comme une ressource d’une importance majeure », a-t-il expliqué sur les antennes de RFI. Carlos Lopes pense que la RDC doit avoir une quelconque stratégie pour cela. Sinon, les compagnies minières vont exploiter cette lacune car elles sont capables de négocier sur la base des cours qu’elles imposent elles-mêmes. Puisqu’il y a un seul cartel, d’un seul pays, c’est à la RDC d’imposer, de décider du prix du coltan… Pour sa part, Yolanda Torrisi d’African Mining Network (AMN), un réseau minier créé pour développer et établir des relations à travers la communauté minière africaine, le gouvernement a intérêt à examiner sérieusement les propositions des grands miniers internationaux. Les géants miniers que sont Glencore, Randgold, Ivanhoe, Zijin Mining, MMG Mining, China Molybdenum et AngloGold Ashanti sont prêts à payer des redevances plus élevées si le gouvernement accepte de revoir le nouveau code. Leur argument massue : ils peuvent rapporter beaucoup d’argent au gouvernement plus que l’impôt spécial, étant donné qu’elle prévoit un taux de redevance minière par pallier. En terme d’apport, ils estiment que le mécanisme qu’ils proposent est efficace, de loin supérieur à l’impôt spécial sur les profits excédentaires introduit dans le nouveau code minier. Autre exigence : la reconnaissance de la clause de stabilité, qui protège les permis miniers des changements éventuels, comme dans le code de 2002. Pour les représentants de l’industrie minière, si cela est fait, la solution sera trouvée tant en ce qui concerne les relations contractuelles et les avantages financiers pour la RDC et sa population. Ils sont d’avis qu’un cadre budgétaire stable est une nécessité et espèrent ainsi trouver un terrain d’entente.