Vaccins : il y aurait un lien entre notre horloge biologique et le système immunitaire

Une étude vient de montrer que notre horloge biologique influence l’efficacité de la réponse immunitaire après un vaccin. Une découverte qui pourrait être utilisée pour améliorer la vaccination anti-grippe, ou encore les immunothérapies contre le cancer.

CHAQUE année, la vaccination prévient deux à trois millions de décès dans le monde, selon les estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Et les résultats d’une récente étude, publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, pourraient encore améliorer ses effets. Des chercheurs de l’Université McGill, au Canada, ont découvert que l’efficacité des vaccins peut varier en fonction de l’heure à laquelle ils sont administrés. Ces travaux révèlent que notre horloge interne, basée sur ce qu’on appelle le rythme circadien, influence l’efficacité de la réponse immunitaire de l’organisme. En effet, les lymphocytes T CD8, indispensables pour lutter contre les infections et les cancers, fonctionnent de manière différente selon les heures.

Les scientifiques rappellent que les rythmes circadiens sont générés par ce qu’on peut appeler des « gènes d’horloge », qui influencent la plupart des organes et des cellules, y compris celles du système immunitaire. Ces rythmes aident le corps à s’adapter aux changements cycliques de notre environnement, comme le jour et la nuit ou encore les saisons.

Pour obtenir ces résultats, les chercheurs ont mené l’expérience sur des souris. « Nous avons observé qu’après la vaccination, la force de la réponse des lymphocytes T CD8 variait en fonction de l’heure de la journée. Inversement, chez les souris dont les cellules T CD8 étaient déficientes pour le gène de l’horloge, le rythme circadien était supprimé et la réponse au vaccin était réduite dans la journée », explique le Dr Cermakian, co-auteur de l’étude.

Chez les souris, qui ont une activité nocturne, les vaccins seraient plus efficaces la journée, lorsqu’elles dorment. Pour le biologiste, « c’est peut-être une manière d’éviter des problèmes d’auto-immunité ou d’allergie ». En revanche, il ne pense pas que vacciner les humains la nuit serait plus efficace. « L’important est de savoir s’il y a des différences importantes selon le rythme circadien », précise-t-il.

Les stratégies de vaccination

« Notre étude montre que les cellules T sont plus susceptibles d’être activées à certaines heures de la journée », ajoute Nathalie Labrecque, qui a également conduit ces travaux. « L’identification des mécanismes par lesquels l’horloge biologique module la réponse des cellules T nous aidera à mieux comprendre les processus qui régulent les réponses optimales de ces cellules ». Pour la spécialiste, « ces connaissances pourraient contribuer à améliorer les stratégies de vaccination et les immunothérapies contre le cancer ».

C’est en 2005 que les deux biologistes ont commencé à collaborer sur le lien entre horloge interne et système immunitaire. « Nous avons été les premiers au monde à montrer, en 2017, que les infections parasitaires avaient lieu à des moments précis de la journée », affirme le Dr Cermakian. Dès 2013, les chercheurs ont entamé leur travail sur les vaccins. Ces découvertes seraient plus utiles en oncologie que pour l’amélioration des vaccins anti-grippe.

Interrogés sur les possibilités que leurs découvertes puissent améliorer la vaccination contre la grippe, les chercheurs répondent plutôt par la négative. « Pas nécessairement, parce que dans ce cas, il faut prévoir les souches de grippe à l’avance ». Et si ce ne sont pas les bonnes souches, l’efficacité du vaccin ne peut être améliorée. « De plus, les vaccins fonctionnent généralement moins bien chez les personnes âgées, ce qui est problématique en particulier pour la grippe, et lors de l’émergence de nouveaux pathogènes ».

En oncologie, en revanche, l’influence du rythme circadien peut être prise en compte pour limiter les effets indésirables des traitements. « Les médicaments anti-cancer, particulièrement l’immunothérapie, ont des effets secondaires négatifs plus ou moins forts selon le moment de la journée », précise le Dr Cermakian. « On appelle cela la chronothérapie du cancer ».