Vivement l’harmonisation des compétences sur les actes relatifs à la réglementation de change

Va-t-on vers la sortie de crise entre le ministère des Finances et la Banque centrale du Congo concernant les compétences sur la réglementation de change ? L’Assemblée nationale est appelée à trancher.

SERVICE d’assiette, le ministère des Finances n’a pu mieux faire : environ 10 % de ses assignations au premier semestre 2018, soit 89 011 139 FC, alors que le Trésor public espérait 925 253 954 FC. Cette contreperformance a notamment pour cause la Banque centrale du Congo (BCC). Comment ?

En 2017, le ministère des Finances a réalisé un taux de perception de 207 % des recettes, soit plus de 2.6 milliards de nos francs pour des assignations de l’ordre de 1.2 milliard. Les amendes transactionnelles, particulièrement celles portant sur l’infraction à la législation de change, ont rapporté 2 389 160 132 FC. 

Bras de fer

Mais voilà que la Banque centrale s’est adjugée le juteux acte générateur de recettes, courant 2018. Clash ! Il s’en suit alors contestation et protestation de la part du ministère des Finances. Rien n’y est fait. Au contraire, les assujettis préfèrent visiblement la Banque centrale.  On rappelle que la BCC a non seulement le contrôle direct des banques commerciales et des bureaux de change, mais aussi des institutions de microfinance ainsi que les prérogatives de mettre terme aux activités de  différentes institutions financières en République démocratique du Congo. Le bras de fer tourne donc en défaveur du ministère des Finances qui, au premier semestre 2018, n’a, in globo, réalisé que 581 millions de francs de recettes seulement. 

De guerre lasse, le ministère des Finances sollicite alors l’harmonisation des compétences sur les actes relatifs à la réglementation de change avec la BCC, peut-on lire dans le document intitulé « Annexe explicative des prévisions des recettes de l’exercice 2019 » transmis en additif au projet de loi de finances 2019 à l’Assemblée nationale par Bruno Tshibala Nzenzhe, le 1ER Ministre. Hélas, la commission économico-financière et de contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale n’a pas donné suite à la requête du ministère des Finances. Par ailleurs, le ministère du Budget n’a accordé aucune prévision des recettes sur les amendes transactionnelles sur l’infraction à la législation de change pour 2019. 

Toutefois, le ministère des Finances a relevé d’autres griefs dont la responsabilité de la Banque centrale pourrait être établie, «(…) absence de données sur les produits de récupération de sommes indûment payées par le Trésor public via le système bancaire et le comité de suivi de la paie. » 

Le ministère des Finances comptait, par exemple, récupérer au moins 26,9  millions de nos francs au 30 juin auprès des tiers pour le compte du Trésor public.  L’an dernier, le même ministère avait pu réaliser près de 60 millions de francs sur des prévisions annuelles de 86.5 millions. En 2016, plus de 65 millions de ont été restitués au Trésor public. 

Débets comptables 

Acte générateur de recettes, la restitution au Trésor public couvre, en effet, les droits de récupération des sommes indûment payées par le Trésor public, les droits de remboursement sur les biens nationalisés ainsi que les droits de remboursement des débets comptables. Mais comment arrive-t-il que l’État  verse à des tiers des sommes indues ? 

Il s’agit, essentiellement, des créances montées de toutes pièces et collées à l’État… non sans l’appui de ses propres préposés à la Direction de gestion de la dette publique (DGDEP), à la Banque centrale, et dans les autres services de l’appareil de l’État, fait-on  comprendre. 

Quant au débet, il désigne, en pratique, une décision financière prise de façon objective, lorsqu’une juridiction financière ou une autorité administrative (Direction générale des impôts, Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations ; etc.) constate un manque dans les disponibilités publiques ou un vol au préjudice d’une collectivité publique, elle prononce un débet à la charge du responsable de la gestion de ces deniers publics. 

La Direction générale des douanes et accises (DGDA) dispose, quant à elle,  d’une série de taxes sur remboursement, sur lesquelles elle opère ce qu’elle désigne par « retenus sur restitutions douanières ». En fait, l’acte générateur de ces recettes s’appelle « Retenues sur décisions de compensation des sommes indûment perçues ». Pour l’exercice 2018, la douane compte ainsi retenir quelque 30 millions de francs sur des sommes indûment perçues et qu’elle va devoir rembourser.

Où va le surplus de la paie? 

Le Comité de suivi de la paie des agents et fonctionnaires de l’État (CSP) est un service de la Banque centrale et est présidé par Jean-Louis Kayembe, le directeur général de la BCC. D’après lui, les effectifs des agents et fonctionnaires de l’État payés par voie bancaire ont atteint 83,3 %, en date du 13 septembre  et les reliquats de paie occasionnés par la réforme ont dépassé les 115 milliards de francs. 

Pour rappel, les députés de l’opposition avaient recommandé dans une déclaration, à Joseph Kabila Kabange, le président de la République, de démettre Pierre Kangudia Mbayi, le ministre d’État, ministre du Budget, pour la  « disparition » de l’équivalent de 80 millions de dollars, reliquats de la paie des fonctionnaires bancarisés. Autre accusation : l’application des deux taux de change selon qu’il s’agit de la perception des recettes dues à l’État et des dépenses publiques dont la paie dans les institutions publiques. 

Et le député Toussaint Alonga de charger : « Le ministre du Budget avait reconnu l’existence de cette somme devant la commission économique et des finances de l’Assemblée nationale, lors de l’examen du projet de budget 2018. Il avait déclaré que cet argent serait logé à la Banque centrale. Mais aujourd’hui, nous ne connaissons pas la destination de cet argent. » 

Autres préoccupations du ministère des Finances : l’ouverture des bureaux de représentation du Conseil permanent de la comptabilité au Congo (CPCC) dans les provinces, la réintégration de l’acte relatif à la quotité du Trésor public sur la vente des formulaires d’inscription de l’École informatique des Finances (EIFI) omis dans l’ordonnance du 13 mars 2018. Pourtant, il n’est plus acquis que le ministère des Finances percevra également les frais académiques de l’École informatique des Finances, soit 35 367 500 FC. 

À fin juin 2018, le ministère des Finances avait pourtant récolté plus de 21 millions de francs. Même souci pour ce qui est de la quotité du Trésor sur la vente des formulaires d’inscription et les frais académiques de l’EIFI. Le Budget 2019 n’y prévoit pas des recettes. Pourtant, pour l’exercice budgétaire en cours, le ministère des Finances tablait sur des recettes de 1 400 000 FC sur la vente des formulaires. 

À fin juin, les recettes étaient déjà à 3 500 000 FC ! Le budget 2019 n’a rien prévu comme assignation sur cet acte générateur de recettes du ministère des Finances. Les assignations de ce ministère pour l’exercice 2019 ne sont que de 394 078 688 FC, contre 1 850 507 907 FC en 2018. Ce qui entraîne un taux de régression de 79 %. Le service d’assiette doit, pour l’exercice 2019, se passer de certains actes générateurs de recettes, comme la vente du bulletin des Finances, les droits sur le recouvrement de débet comptable, les droits sur la récupération des sommes indûment payées par le Trésor public. 

Par contre, le ministère des Finances devrait engranger au moins 173.5 millions de francs sur le remboursement des créances des biens nationalisés… et résoudre la récurrente question des créances titrisées de la Banque centrale.