Vivement un forum sur le monitoring des forêts du Bassin du Congo

Décidément, Brazzaville est la capitale des forêts en Afrique. Du 30 au 31 octobre, il s’y tiendra une rencontre sous-régionale des centres spécialisés sur la gestion forestière.

C’EST POUR la première fois qu’un tel forum a lieu. Il s’agit de mettre en œuvre le projet de l’Observation forestière dans le Bassin du Congo dans les deux Congo, au Cameroun et au Gabon. Le forum est ouvert aux pouvoirs publics, à la société civile, au secteur privé, aux communautés dépendantes des forêts, aux peuples autochtones, à la communauté scientifique, ainsi qu’aux partenaires, tels que le Projet de renforcement de la gouvernance forestière en Afrique et le Centre international pour le développement et la formation.

Ce forum est conçu comme un cadre d’échange et partage d’expériences sur la gouvernance forestière régionale, sur l’utilisation des terres, sur le processus Redd+ (Réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts) ainsi que sur la foresterie participative. Les débats porteront sur plusieurs thématiques, comme : « Processus législatifs en matière forestière dans le Bassin du Congo », « Redd+, zéro déforestation, agrobusiness », « Synergies entre Flegt, Redd+ et la gouvernance de l’utilisation des terres », et « Foresterie participative, régime foncier et droits des peuples ». Le forum s’inscrit également dans le cadre d’un vaste programme régional sur les volets gouvernance, processus Redd+ et utilisation des terres, en vue de la préparation d’une réunion de haut niveau, prévue pour le 26 novembre à Bruxelles.

En République démocratique du Congo, d’aucuns estiment qu’il faut profiter des avantages des forêts. Ils encouragent le gouvernement à mettre l’accent sur les recettes fiscales que tire l’État des activités forestières et insistent sur le partage, voulu par la loi, de ces recettes avec les collectivités territoriales et provinciales. D’après eux, le cadre juridique et politique pour une gestion durable des forêts a été fortement amélioré. Les droits des communautés locales et des peuples indigènes vivant dans des concessions forestières ou à proximité des forêts ont été renforcés.

Dans ce contexte, il est important de veiller à ce que les pauvres ruraux bénéficient de l’amélioration de la gestion des forêts, par exemple en recevant le produit de taxes sur les concessions forestières et par la création d’une infrastructure sociale (écoles, dispensaires, routes desservant les marchés) par les concessionnaires.  

Selon des experts, il y a eu de « gros progrès » dans la déclaration au fisc des revenus des compagnies forestières, ces dernières années. Mais il y a encore à faire pour maîtriser les exportations illégales de bois scié non déclaré vers des pays voisins de la région des Grands lacs. 

La RDC est à l’avant-garde de l’atténuation du changement climatique et est l’un des membres du groupe de pays qui sont en pointe par l’adoption officielle de sa Proposition pour la préparation (R-PP) à la Réduction des émissions de gaz à effet de serre dues à la déforestation et à la dégradation des forêts dans les pays en développement (REDD). Le pays pouvait se concentrer sur l’exécution d’un programme de 25 millions de dollars qui a été mis en place pour la réalisation de la proposition R-PP et générer des crédits carbones dans le cadre du système REDD. 

Les défis de gouvernance 

Le système REDD est particulièrement porteur pour la RDC. Il compense les pays tropicaux pour leur coût d’opportunité dans la réduction de la déforestation et la dégradation des forêts, en augmentant le stock de carbone dans leurs forêts à travers la gestion durable des forêts et le reboisement. Avec le REDD, il est probable que les ressources à l’avenir soient significatives. 

Pour que la RDC puisse profiter de ces flux, le pays devra gagner le pari de la gouvernance, comme la question de partage de revenus entre les acteurs, l’insécurité foncière et le cadre légal forestier. 

La RDC a préparé le REDD avec l’appui des initiatives FCPF (Forest Carbon Partnership Facility) de la Banque mondiale et du programme UN-REDD. Il s’agit d’une stratégie nationale de contrôle de la déforestation et de mise en place d’un système de suivi et de vérification des émissions de la déforestation. La mise sur pied d’un programme national REDD requiert le calcul du coût d’opportunité du maintien ou de la conversion de terres en forêt. Ce coût d’opportunité est faible en RDC, en raison de la difficulté de l’environnement économique. 

Cependant, les spécialistes estiment que le développement économique favorisera l’essor d’activités concurrentes avec la gestion durable des forêts, qu’il s’agisse du développement routier (qui encouragera le défrichage sauvage), minier, ou de la filière bois, ou encore simplement de la pression démographique. Le coût d’opportunité du maintien des terres en forêt est donc susceptible d’augmenter rapidement, et avec lui le coût et la difficulté de la surveillance nécessaire pour garantir la crédibilité des engagements. 

Pour être correct, le calcul de coût d’opportunité doit viser la trajectoire du futur, c’est-à-dire prendre en compte le développement prévisible d’usages alternatifs de la terre. Une coordination étroite entre la stratégie de conservation des forêts et la stratégie de développement est cruciale à cet égard, soulignent les mêmes experts. 

Par ailleurs, la gestion d’un programme national REDD pose des problèmes de gouvernance délicats. Le partage des potentiels bénéfices de la REDD entre les secteurs ayant un droit sur la forêt (l’État, les populations locales, le secteur privé) et entre les différents niveaux de l’administration doit être éclaircie pour éviter des conflits importants. De la même manière, les rôles et responsabilités des acteurs dans un programme REDD national doit être discuté et arrêté entre tous. Pour que la RDC bénéficie des ressources internationales ciblées à la REDD, un système transparent de suivi du couvert forestier et ses émissions, ainsi que d’autres variables liées à la réduction de la déforestation (comme des indicateurs de pauvreté rurale et de biodiversité) devront être mis sur pied, et régulièrement évaluée par la communauté internationale. Les défis de gouvernance dans le secteur forestier demeurent un obstacle pour la REDD et doivent être clarifiés. 

Le moratoire sans cesse violé 

En plus de l’élaboration du code forestier, la facilitation de l’accès aux ressources forestières, nécessaire au développement de l’activité, passe par l’achèvement des mesures correctives et préventives pour assainir l’héritage du passé : la conversion des anciens titres forestiers. Lors de la réforme de 2002, quelque 44 millions d’ha ont été alloués sous forme de concessions attribuées avant et pendant la guerre. Un premier effort d’apurement a été réalisé en avril 2002 entraînant la résiliation pour non-respect des obligations contractuelles (infractions fiscales) de 163 titres portant sur 25,5 millions d’ha. 

En mai 2002, un moratoire a été imposé par arrêté ministériel sur l’octroi de nouveaux titres ainsi que sur leur renouvellement ou leur extension, dans l’attente de l’évaluation de la légalité des titres existants, de la mise en place d’un système d’allocation transparent et, de l’adoption d’un outil de planification des nouvelles allocations au regard des besoins définis dans le cadre d’une politique forestière nationale. 

Ce moratoire a été violé par l’administration forestière de juin 2002 à février 2007. Environ 15 millions d’ha ont ainsi fait l’objet d’allocation ou de transactions (notamment d’échanges et de relocalisation), conduisant à un accroissement net de 2,4 millions d’ha, la surface totale sous concession étant de 20,4 millions en 2007, soit plus du tiers des forêts exploitables. Au terme de la revue en décembre 2008, 65 titres sur 156, couvrant 9,7 millions d’ha, ont été jugés convertibles sous le nouveau régime forestier, soit moins d’un quart des forêts exploitables. 

En plus de l’élaboration du code forestier et de la conversion des anciens titres forestiers, les spécialistes soulignent que le rétablissement d’une bonne gouvernance dans ce secteur passe par trois grands chantiers. 

D’abord, reconstruire les institutions à travers la réforme fiscale ; ensuite, réguler la filière bois ; et enfin mettre en œuvre la décentralisation au niveau du secteur forestier.