Banro contrainte de suspendre ses activités en RDC

Outre l’insécurité dans l’Est du pays où elle est implantée et les rapports jugés difficiles avec les autorités nationales, la firme canadienne ferait les frais de non respect de contrat.

La nouvelle est déconcertante car il n’y a pas longtemps que Banro/RDC déclarait que ses revenus financiers sont en hausse. Pour l’exercice 2016, les dirigeants ont parlé même de « record » par rapport à 2015. Avec l’appui de leurs partenaires, ils espéraient continuer à améliorer les performances dans les mines de Twangiza et Namoya. Et puis, coup de théâtre.

Les combats entre les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), l’armée congolaise, et une milice locale dans l’Est qui ont éclaté la semaine dernière, ont forcé les dirigeants de Banro/RDC de fermer momentanément les activités minières dans la mine d’or de Namoya.

Cette mesure préventive vise à protéger le personnel et les biens de la compagnie. En effet, « vingt-trois camions appartenant à un entrepreneur de la mine ont été pris en flagrant délit entre soldats et une milice locale d’autodéfense – identifiée par l’armée comme Maï-Maï Yakutumba – près de la ville de Lulimba », a fait savoir Banro Corporation dans un communiqué. Le capitaine FARDC, Dieudonné Kasereka, a déclaré à Reuters que les combattants de Maï-Maï Yakutumba ont saisi plusieurs villes des forces congolaises, mais que l’armée régulière a monté une contre-offensive pour les récupérer. « Les conducteurs des camions étaient tous sûrs, mais les miliciens n’ont pas encore dégagé la sortie des camions », a encore fait savoir Banro dans son communiqué. Désiré Sangare, un des vice-présidents de Banro, a déclaré à Reuters que certains travailleurs sont rentrés à Namoya après l’arrêt de samedi 1er juillet et que le personnel restant était attendu le 5 juillet.

Ce n’est pas la première fois que Banro/RDC suspend ses activités minières. En mars dernier, la firme canadienne a dû fermer ses installations à la suite de l’enlèvement par des miliciens de cinq travailleurs de Namoya, ils ont été relâchés plus tard. Et trois policiers ont été tués lors d’un raid sur la mine d’or de Twangiza de Banro en février. En mai, la compagnie aurifère canadienne a suspendu l’activité dans une de ses deux mines congolaises après une nouvelle attaque contre ses installations. Le drame s’est produit dans la mine de Namoya, au Maniema. « Il y a eu plusieurs tentatives d’intrusion par des hommes armés qui ont été repoussées par le service de sécurité de la mine de Namoya ». Ces attaques ont fait au moins trois morts (un agresseur, un policier et un militaire congolais), ajoute le communiqué de l’entreprise, précisant qu’aucun de ses employés n’a été blessé. Les opérations minières ont été arrêtées à Namoya et ont repris dès que le calme est revenu.

Ces incidents à répétition illustrent la dégradation de la situation dans l’Est de la RDC (région gangrenée par la violence de milices ou de bandes criminelles depuis plus de vingt ans) alors que le pays traverse une grave crise économique, doublée d’une crise politique profonde liée à l’organisation des élections, notamment présidentielle. La mine de Twangiza est entrée en production en 2012, et celle de Namoya en 2016. Banro, qui dit avoir produit plus de 5,6 tonnes d’or en RDC en 2016, poursuit ses activités d’explorations dans deux autres concessions de l’Est du pays. La compagnie Banro Corporation a récemment publié ses états financiers, conformément au principe Publiez ce que vous produisez.

Pour l’exercice 2016, les revenus financiers de la compagnie en République démocratique du Congo sont évalués à 228 millions de dollars, soit une hausse de 46 % par rapport à l’exercice 2015. Il s’agit d’un chiffre record, selon les responsables de la société. Dans le bilan financier annuel qui a été publié, le bénéfice brut d’exploitation est de 22 millions de dollars et le bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement est de 62 millions de dollars.

Bonne dynamique

Sur le plan opérationnel, Banro Corporation a produit, en 2016, un total de 197 691 onces d’or. La mine de Twangiza a produit 104 438 onces, tandis que la mine de Namoya 93 253 onces. Banro a vendu l’année dernière 191 966 onces d’or au prix moyen de 1 190 dollars/oz. Pour le CEO (Chef executive office), John Clarke, la dynamique est bonne, pourvu qu’elle dure. « Avec l’appui de nos partenaires, nous espérons continuer à améliorer les performances des deux mines, Twangiza et Namoya. », a commenté John Clarke. Banro Corporation espère détenir, à long terme, sur la ceinture aurifère du Sud-Kivu et du Maniema, quatre mines en production : Twangiza, Namoya, Lugushwa et Kamituga.

La multinationale canadienne est la seule compagnie minière actuellement en service dans le Grand Kivu. Une centaine de compagnies aurifères détiennent des titres ou permis d’exploitation dans cette partie du pays. Banro s’est d’abord lancée dans la prospection ou l’exploration. La crise ayant rendu difficile la vente des concessions, Banro a décidé de lancer dans l’exploitation, après avoir obtenu quatre contrats distincts pour les quatre sites miniers. En 1996, dans un contexte de guerre menée par l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) sous la houlette de Laurent-Désiré Kabila, Banro a racheté la concession de la Société minière et industrielle du Kivu (SOMINKI), une société mixte belgo-congolaise créée en 1976.

Quand les accords de paix sont signés en 2002 avec les rébellions, le gouvernement a négocié un arrangement à l’amiable avec l’entreprise, qui réclamait 1 milliard de dollars de dommages et intérêts à la RDC devant une cour internationale d’arbitrage. Finalement, Banro possède actuellement quatre permis d’exploitation sur les concessions de Twangiza, Namoya, Lugushwa et Kamituga.

Soigner l’image

La société a commencé ses activités en 2003 et la production d’or seulement en 2011 sur la mine à ciel ouvert de Twangiza. Banro y a installé une usine, la durée de vie du gisement est estimée à 25 ans. La convention signée entre la compagnie et le gouvernement est antérieure au code minier et ne s’applique donc pas à cette convention. La société civile réclame depuis plusieurs années la révision de ce code minier. Comme la plupart des industries extractives dans le pays, Banro n’est pas à l’abri des critiques venant notamment de la société civile du Kivu.

Des ONG ont, par exemple, dénoncé que le million de dollars versé par la compagnie contre l’exonération fiscale totale sur les quatre concessions s’apparentait à une « spoliation », c’est-à-dire une privation des 40 % de rétrocession fiscale prévue par la législation vers les provinces. La société civile revient souvent sur les « conflits d’intérêt » et le « trafic d’influence » entre les représentants de la communauté locale soupçonnés de « s’enrichir personnellement » et accusés de « népotisme ».

Mais avec le temps, Banro soigne son image auprès des communautés locales et de la société civile.