Brazzaville apprend à Kinshasa une leçon de rentabilité des recettes bois

Après avoir réalisé près de 62 millions de dollars des recettes en 2017, la République du Congo se dote d’un système informatisé pour le commerce du bois. Question de gagner plus. En RDC, par contre, le FFN n’a même pas atteint 5 % de ses assignations l’année dernière. 

 

Le Congo-Brazzaville ne compte que 32 concessionnaires forestiers contre 57 officiellement recensés en 2017 pour la République démocratique du Congo. De concert avec ses partenaires de l’Union européenne, le gouvernement Brazza-congolais a développé le système informatisé de vérification de la légalité (SIVL), qui reprend en temps réel toutes les données réelles d’exploitation dans tous les sites du pays dans le secteur forestier. En 2017, le volume du bois exporté a été estimé à 937 732,40 m3 dont 702 915,06 m3 de grumes, 150 237,95 m3 de sciages humides, 52 299,64 m3 de sciages secs, 24 973,67 m3 de placages déroulés, 130,48 m3 de contreplaqués et 7071,61 m3 de produits finis. 

En RDC, les recettes du secteur bois font l’objet d’un partage toujours sujet à caution entre la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations (DGRAD)  et le Fonds forestier national (FFN) qui tire le gros lot. 

Rationnaliser les recettes 

Le FFN a été créé dans la suite de la volonté exprimée par l’ancien 1ER Ministre, Augustin Matata Ponyo, en mai 2012, de « rationaliser les recettes du secteur forestier ». Hélas, les recettes générées par le Fonds forestier national ont toujours été en-dessous des assignations. Du fait de la corruption, la fraude qui gangrènent le secteur. Cela est largement vrai mais n’explique pas tout. Voilà pratiquement trois ans que toutes les initiatives visant à encadrer les productions artisanales et industrielles du bois ainsi que les recettes y afférentes piétinent… faute de volonté politique.

Le gouvernement a, une fois encore, repris dans le budget 2018, le projet d’acquisition d’un laboratoire GPRS géographique en vue d’avoir la maîtrise de la coupe de bois et, par ricochet, le circuit d’exportation et les recettes y relatives. Rien n’est venu à la fin du premier trimestre 2018 alors que le ministère des Finances qui publie les recettes trimestrielles des exploitations des ressources naturelles lambine. Les recettes actualisées remontent, en effet, à 2017. Année au cours de laquelle 44 944 992 francs avaient été prévus pour l’achat d’un laboratoire GPRS géographique, outil ultramoderne, selon le ministère de l’Environnement et de la Conservation de la nature, susceptible de remettre de l’ordre dans le secteur forestier.  En 2016 déjà, quelque 726 746 600 francs avaient été prévus pour l’acquisition du laboratoire GPRS qui n’est jamais venu. C’est depuis cette période que le braconnage des essences rares dont le bois rouge est reparti de plus belle, particulièrement dans l’ex-province du Katanga. Des saisies des camions remplis de grumes ont été enregistrées çà et là sans jamais dissuader des réseaux de coupes illégales de bois. La confusion a atteint des proportions inquiétantes dans le secteur de l’environnement congolais. 

Fonds bleu, fonds carbone…

La RDC a décidé à brûle-pourpoint de lever le fameux moratoire sur l’octroi de nouvelles concessions forestières et la conversion des titres en permis d’exploitation, après quinze ans d’application aléatoire. Il est vrai que le pays n’a guère perçu les centaines de millions de dollars lui promis en guise de compensations du gel de l’exploitation à grande échelle de ses forêts. Intervenant lors de l’atelier de la société civile sur l’analyse du budget 2018, un expert a proposé que soient évalués tous les appuis financiers extérieurs accordés à la RDC dans le cadre de REED+, Fonds bleu, Fonds carbone, COP 21 et 22 et leur impact socio-économique en RDC.  Cet expert a fait comprendre que la RDC a, par ailleurs, laissé la mise en exécution de ses engagements internationaux sur le climat et la conservation de la nature à l’initiative des partenaires extérieurs. L’Allemagne, la Suède, l’Union européenne, etc., se sont engagés à financer le secteur environnemental de la RDC en 2017. La sommation de toutes les promesses financières donne plus de 216 milliards de francs. Et la Banque africaine de développement (BAD) organise un programme d’investissement forestier pour la RDC avec un fonds initial équivalent à 1 milliard de francs. Difficile de retracer tous ces fonds car ils sont généralement distribués aux ONG qui ne sont redevables ni devant le gouvernement ni devant le Parlement. Le FFN est, en effet, le dernier-né des 9 Fonds spéciaux qui émargent au budget de l’État. Sa création sur décision de l’ancien 1ER Ministre, Matata Ponyo, avait soulevé un tollé à la DGRAD. L’ex-DG de la DGRAD, Joséphine Swahele, avait exprimé sa désapprobation lors d’une réunion entre le 1ER Ministre et les directeurs généraux des régies financières. Elle en aurait payé de son poste. Le FFN a, en effet, enlevé à la DGRAD des actes générateurs de recettes de plus juteux, dont la taxe de reboisement et la taxe de déboisement. Et pour ce qui est de la taxe d’abattage, 50 %  reviennent au FFN et 50 % au Trésor public. Mais la taxe à l’exportation revient à 100 % au Trésor public. 

Comme tout fonds spécial, les montants des dépenses du FFN correspondent aux montants de ses recettes. En 2015, le FFN avait des prévisions de 12.5 milliards de francs en 2016, 14.1 et 3.5 milliards dans la loi portant crédits provisoires – janvier à mars 2017 – et plus de 15 milliards dans le budget général 2017. Mais pour 2018, les assignations du FFN ne sont que de 4,8 milliards de francs. Et les recettes réellement réalisées sont largement en-dessous des prévisions : 3,1 milliards de francs en 2015, 1.6 milliard et 580,3 millions en 2017. Selon une enquête du ministère de l’Environnement (2010-2012) réalisée du temps du ministre Bavon Nsa Mputu, le secteur forestier accuse un manque à gagner de plus de 5 millions de m3 pour l’exploitation artisanale et 300 000 m3 seulement dans le secteur industriel. En termes des recettes, cela représenterait au bas mot, 5 milliards de dollars l’an. Par ailleurs, des experts déplorent le fait que diverses taxes soient restées non activées pour l’exercice 2017 et 2018, sans motivation.