Canal+ : l’avenir va être très compliqué

La chaîne cryptée française souffre mais se transforme... encore. Nouvelles économies, nouvelles offres, résultats contrastés, le processus de mutation poursuit son cours. Selon Maxime Saada, le patron du groupe, il est en bonne voie. Mais une vision contredite par certains observateurs.

MAXIME SAADA, le président du directoire de Canal+, mesure le chemin qu’il reste à franchir dans la mutation du groupe : « Je ne nie pas qu’en France, nous ne sommes pas encore au rendez-vous de la concurrence mondiale ». Il met d’ailleurs en place « un nouveau plan d’économie en France », dit-il, pour adapter les coûts de structure à un marché qui s’est singulièrement durci. Ce nouvel effort survient après un plan d’économie drastique de 450 millions d’euros réalisé en deux ans au lieu de trois. 

Croissance à l’international

Canal n’a pas fini de se serrer la ceinture, même si le groupe qui stabilise son chiffre d’affaires à 5,166 millions d’euros en 2018, soit plus de deux fois l’activité du groupe TF1, met bien sûr en valeur ses atouts. Son résultat opérationnel bondit ainsi de 280 millions d’euros en 2016 à 350 millions en 2017 et 429 millions en 2018. À l’origine de cette évolution favorable, « un redressement de la France qui était en perte significative et une croissance à l’international », se réjouit Maxime Saada dans un entretien à Challenges. 

La stabilité de l’activité doit tout, en effet, au dynamisme de l’international. Les chaînes opérées à l’étranger, en Pologne, au Vietnam ou en Afrique, sous la houlette de Jacques du Puy, étaient toutes en croissance en 2018. Le précieux portefeuille de 16,2 millions d’abonnés de Canal+ dans le monde à fin décembre 2018 s’est accru de 654 000 abonnés dans l’année.

Le président du directoire de la chaîne cryptée estime qu’il mène une « transformation historique » du modèle économique. L’inamovible forfait à 40 euros reconduit par tacite reconduction a perdu de la vitesse. « On a remis en cause les dogmes », dit Saada. Les offres sont aujourd’hui plus variées, plus accessibles, plus complexes aussi.

Mais les observateurs ne sont pas enthousiastes. « Vivendi avait assigné deux objectifs à Canal+ en début d’exercice, rappelle Jean-Baptiste Sergeant de Mainsfirst : un résultat opérationnel à 450 millions en 2018 et de 500 millions en 2019. Nous ne sommes qu’à 429 millions en 2018 et les 500 millions sont abandonnés. Ils ont une façon à eux de présenter les comptes à leur avantage mais les objectifs financiers de Canal+ sont clairement manqués. L’avenir va être très compliqué ». 

En France, le portefeuille d’abonnés à la chaîne Canal+, au service de vidéo en ligne CanalPlay et à l’offre élargie CanalSat cède 217 000 abonnés sur un an à 4,733 millions, soit une chute de 4,4 %. L’extinction des droits de diffusion de la Ligue 1 dans 18 mois après la perte de la Ligue des champions captée par Altice risquent de peser lourd, considère l’analyste.

Une nouvelle offre de vidéo en ligne

Maxime Saada relativise : la barre des 450 millions de résultat opérationnel aurait été atteinte sans la « déception » Earlyman, précise-t-il. Ce film produit par sa filiale cinéma StudioCanal n’a pas eu le succès attendu. « Sur la Ligue 1, nous ne sommes pas au bout de l’histoire, on verra, dit Maxime Saada à Challenges. L’Espagnol Mediapro n’est pas tout à fait prêt : nous avons convenu que nous discuterons quand il le sera ». Canal+, qui ne diffusera plus les matchs de la Ligue 1 dans un an et demi, réussira-t-il à conclure une alliance ? À reprendre la chaîne Mediapro dans son offre ? Aujourd’hui, rien n’est moins sûr, même si les chaînes RMC Sport par exemple sont proposées aux abonnés de Canal par satellite.

Autre atout : les abonnés à la chaîne Canal+ stricto sensu sont en hausse (+251 000), assure le groupe. Mais le géant malmené de la télévision payante en France se refuse à toute précision « C’est un nouveau chiffre que nous n’avons aucun moyen de vérifier, note Jean-Baptiste Sergeant. Le chiffre d’affaires de la télévision en France baisse de 3,4% en 2018, et de 3,7% au quatrième trimestre ». Cette baisse des abonnés français du groupe Canal+, toutes offres confondues, est notamment liée, explique Saada, à l’atterrissage de CanalPlay, le Netflix de Canal+ « tué » par la réglementation française : il ne représente plus qu’une « queue de comète ». Enfin, le basculement des abonnés de CanalSat vers l’offre Canal proposée pour 2 euros par les opérateurs Orange ou Free impose aux abonnés de Canal+ des arbitrages. D’où la baisse du portefeuille d’abonnés en France.

Désormais dépassé en France par les 5 millions d’abonnés de Netflix, Canal+ conserve un atout dans l’Hexagone : son revenu par abonné reste quatre fois supérieur à celui de l’Américain. Le groupe français se bat. Selon Satellifax, il devrait lancer le 11 mars une offre de vidéo en ligne (SVOD) face à Netflix et dans le même ordre de prix, autour de 10 euros par mois, au risque de fragiliser ses abonnements à 40 euros….