Combien gagnent ceux qui nous dirigent

Le train de vie des institutions publiques devrait être réduit de 30%. Objectif: faire des économies en vue des prochaines échéances nationales. C’est ce qu’a annoncé le gouvernement. Il reste à savoir si cela concerne aussi les avantages octroyés au personnel politique.

 

Dans une lettre datée du 19 juin 2014, l’ancien vice-Premier ministre et ministre du Budget, Daniel Mukoko Samba avait posé les jalons de l’élaboration de la loi de finances, particulièrement pour l’exercice 2015. La circulaire insistait notamment sur la question des dépenses dites accessoires du personnel politique (dont le chef de l’État, le Premier ministre, les présidents des deux Chambres du Parlement…). Il s’agit notamment de primes,  gratifications et autres indemnités non permanentes, de l’indemnité de rapatriement, de mutation et installation, d’indemnités kilométriques, d’indemnités de transport. La fixation  des frais liés à ces indemnités est évaluée, selon le cas, soit en tenant compte du traitement de base du personnel actif de l’État (barème, effectif, visa), soit du nombre de jours ou d’heures, du taux de collation, per diem ou encore jeton de présence. (voir tableau).  Ainsi, le Premier ministre devrait, selon la circulaire du ministère du Budget, percevoir une prime d’un peu plus de 280 dollars l’heure, pour ses heures supplémentaires, c’est-à-dire quand il travaille entre 17 et 22 heures. Au-delà de 22 h, le taux de la prime est certes réduit à environ 75 dollars l’heure, mais la période des heures supplémentaires s’étire sur  neuf heures du temps, soit de 22 h à 6 h du matin. Le Premier ministre a aussi droit à l’équivalent en francs congolais de 100 dollars et ce, chaque jour, lorsqu’il est soumis à « des travaux intensifs », précise la circulaire

Et si jamais il travaillait un dimanche ou un jour férié, comme le 30 juin, le chef du gouvernement a droit à une gratification de plus de 280 dollars. Son jeton de présence au quotidien est de 100 dollars. Ces primes et gratifications valent pour les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, le procureur général de la République, le premier président de la Cour de cassation …

Des primes plus intéressantes que les salaires

Les vice-Premiers ministres touchent également des primes consistantes : 275 dollars par heure pour les heures supplémentaires, autant pour les dimanches, et 95 dollars pour un travail intensif. Le gouvernement Matata compte trois vice-Premiers ministres, à l’Intérieur et à la Sécurité, à la Poste, au Téléphone et aux Télécommunications, au Travail et à la Prévoyance sociale. Le gouvernement compte aussi deux  ministres d’État, l’un du Budget, et l’autre à la Décentralisation et aux affaires coutumières.

 

Ils ont les mêmes primes et gratifications que le directeur de cabinet du chef de l’État : 90 dollars par jour qu’il s’agisse du jeton de présence, du travail intensif. Quant aux autres ministres, ils sont logés à la même enseigne que le directeur de cabinet du Premier ministre ou encore les questeurs des deux Chambres du Parlement. Vers le bas de l’échelle de l’administration, les secrétaires généraux ont un peu plus de 220 dollars d’heure supplémentaire, et un peu moins de 200 dollars pour les chefs de division. La circulaire accorde  près de  180 dollars d’heures supplémentaires aux chefs de bureau et assimilés, contre un peu plus de 110 dollars aux huissiers.

Des ministres en font à leur tête

Mais dans la pratique, la circulaire du ministre du Budget a subi des amendements de facto. Les primes et autres gratifications ont largement été augmentées selon que l’on se situe dans les hautes sphères de l’administration et sensiblement revues à la baisse pour le reste. Selon certaines sources, Mukoko Samba, l’auteur de la circulaire en question, se serait fait remonter les bretelles par le Premier ministre, qui l’aurait traité de dilapidateur des deniers publics. Au ministère de l’Environnement et de la Conservation de la nature, un agent de collaboration n’a que 2,5 dollars pour les heures supplémentaires au lieu de 150 dollars. Sa collègue, chef de bureau au ministère de la Décentralisation, est plus malheureuse : elle n’a ni salaire ni prime.

Autrement dit, les ministres de tutelle n’en font qu’à leur tête quant à la gratification de leurs agents et fonctionnaires. Ce n’est pas par hasard que des fonctionnaires du ministère de la Poste, des Télécommunications et des Nouvelles technologies de l’information et de la communication de l’époque avaient manifesté leur mécontentement face à la tentative de ramener, après des réductions répétées, leur prime à 1 500 FC. Comment ne pouvait-on pas tenter de ramener la prime à presque rien quand la clause selon laquelle le salaire des secrétaires généraux qui aurait dû être l’équivalent de la moitié de celui de chaque ministre de tutelle respectif a été foulée au pied ? L’enveloppe salariale sur toute l’étendue du territoire se chiffre, pour l’exercice 2015, à 2,1 milliards de dollars. Ce qui représente près de 26% du budget général de l’État 2015, évalué à 8,1 de dollars. Quant à 2016, année électorale, on redoute des coupes sombres et la fin des primes et gratifications….pour ceux qui nous dirigent et au bas de l’échelle de l’administration.