De nouveaux entrants puissants attaquent les banques

Pour Ada Di Marzo, associée et responsable du pôle Services financiers au sein du cabinet Bain & Company, les incursions dans les services bancaires, doivent conduire les établissements classiques à muscler leurs conseils à la clientèle.

Après Carrefour qui vient de lancer son compte C-zam, et Orange, qui annonce sa banque mobile pour juillet, c’est au tour de la FNAC de faire un pas dans le monde bancaire, avec une carte de fidélité qui est également carte de paiement. Les banques sont-elles en danger? Analyse d’Ada Di Marzo, associée et responsable du pôle Services financiers au sein du cabinet Bain & Company.  De nouveaux entrants puissants attaquent le secteur bancaire. D’après lui, ils ont senti qu’il y avait une place à prendre. Ces différents nouveaux entrants n’ont ni le même profil, ni le même historique. Mais, d’une manière générale, l’insatisfaction structurelle des clients à l’égard des banques traditionnelles ouvre bien sûr des opportunités pour de nouveaux acteurs. « Or, même si la situation s’améliore lentement, le Net Promoter Score que nous mesurons chaque année reste structurellement négatif pour les banques depuis quatre ou cinq ans. », explique-t-il.

Vigilance tous azimuts

Cet indicateur calcul la part des clients susceptibles de recommander une banque ainsi que ses détracteurs. En moyenne, les détracteurs sont plus nombreux que les promoteurs pour les banques françaises, aboutissant à une notation de -5 %.

« Les banques doivent naturellement être très vigilantes surtout lorsque ces nouveaux entrants peuvent s’appuyer à la fois sur un puissant réseau de distribution et sur une large base de clients. Il faut par exemple avoir à l’esprit que si seulement 10 % des abonnés d’un opérateur comme Orange souscrivait à l’offre bancaire, cela représenterait tout de suite davantage de clients qu’une grande banque en ligne! », poursuit-il. Couplée avec la loi Macron sur la mobilité bancaire, Ada Di Marzo pense que la fuite des clients risque d’augmenter pour les établissements classiques. « Ce que l’on sait, et que l’on mesurait déjà à la fin de 2016 dans notre étude Bain & Company sur la mobilité bancaire en France, c’est que le taux d’attrition des banques traditionnelles, pourtant historiquement faible, a doublé en 3 ans pour atteindre 4,3 %. Face à cette tendance structurelle de hausse de l’attrition, la loi Macron offre un cadre claire et normatif au processus de transfert de compte, sachant que ce service était déjà proposé par de nombreux établissements. », fait-il remarquer.

Mais il est encore trop tôt pour répondre et il faudra attendre la prochaine édition de l’étude du cabinet Bain & Company pour mesurer un réel impact de la loi Macron sur l’attrition. Ce que ses projections laissent entrevoir en revanche, c’est que si les banques traditionnelles ne réagissent pas à cette attrition, un quart de leurs revenus serait à risque d’ici 2020. Le fait que ces nouveaux entrants ne négligent pas le réseau physique (hypermarchés, boutiques Orange…) ne devrait-il pas faire réfléchir les banques classiques, engagées dans des restructurations en profondeur de leurs réseaux? Ada Di Marzo répond : « L’existence d’un réseau physique est en effet un atout pour de nouveaux entrants, lesquels contribuent à installer de nouvelles manières de consommer la banque. Concernant la problématique des réseaux physiques, l’enjeu pour les banques me semble moins celui des agences que celui du rôle et de la compétence des conseillers. » En effet, selon lui, ce qui génère le plus d’insatisfaction chez les clients bancaires interrogés chaque année en France, c’est la qualité de service, qui est intimement liée au conseiller. Il s’agit là de l’élément le plus clivant dans la relation client, au sens où il est à la fois le premier facteur de recommandation et de détraction.

Et il constate que les clients sont de plus en plus familiers d’une consommation duale consistant d’un côté à procéder eux-mêmes aux opérations les plus simples mais en revanche à exiger un conseil de qualité pour les sujets plus complexes. Et c’est bien la notion de qualité qui est essentielle car il importe peu pour ces clients que ce conseil, s’il est pertinent, passe par un contact physique, une plate-forme téléphonique ou digitale. Son avis est que « face aux nouveaux entrants, c’est avant tout l’avantage concurrentiel que représentent des conseillers compétents et formés – tant sur les aspects comportementaux que techniques – que les banques doivent valoriser. »

En conséquence, les banques doivent prendre pour acquis le fait que les services de base (paiement, tenue de compte…) sont tenus pour acquis et gratuit, donc porter leurs efforts ailleurs? « Cette tendance à la commodisation est déjà bien entamée en ce qui concerne les offres de base, à commencer par les paiements, ce que la directive européenne sur les moyens de paiement, la DSP2, formalise. » Le meilleur moyen de se défendre est, pour les banques, de « rendre la vie de leurs clients la plus facile possible et, surtout, de réinvestir leurs ressources clés dans deux directions en matière de conseil et services ». Dans un contexte de taux d’intérêt bas, le conseil en matière de choix d’épargne est crucial, souligne Ada Di Marzo. Autre point d’importance: les besoins primaires émergents, comme la retraite.