Des inquiétudes sur le pétrole avant la libération de l’offre prévue en juillet

Les prix ont lourdement chuté à New York et Londres, alors que l’Arabie saoudite et son allié russe ont estimé « probable » un assouplissement des limitations de la production de brut.

 

Le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juillet a terminé à 76,44 dollars sur l’Intercontinental Exchange (ICE) de Londres, en baisse de 2,35 dollars par rapport à la clôture de jeudi 24 mai. Sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de « light sweet crude » (WTI) pour la même échéance a lâché 2,83 dollars à 67,88 dollars. 

Face à la hausse marquée des prix ces derniers mois, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et ses partenaires pourraient assouplir leur accord de limitation de la production, ce qui a pesé sur les prix vendredi 25 mai. Lors d’un forum économique à Saint-Pétersbourg, le ministre saoudien de l’Énergie, Khaled al-Faleh, a jugé que les pays producteurs auront « bientôt la possibilité de libérer l’offre ». « Comme nous l’avons toujours dit, le retour du pétrole sur le marché doit se faire progressivement. Nous ne le ferons pas rapidement. Cela interviendra probablement au second semestre de cette année », a-t-il ajouté. 

Un prix proche à 70 dollars !

Si les pays producteurs parviennent à l’idée commune qu’il est indispensable d’assouplir le niveau (de production, ndlr), cela doit se faire à partir du troisième trimestre, a estimé de son côté le ministre russe Alexandre Novak. « La Russie est sans doute en faveur de l’assouplissement des règles depuis longtemps. Mais c’est la première fois que l’Arabie saoudite s’exprime aussi clairement sur une hausse de la production », a commenté James Williams de WTRG. Ryad « veut un prix du baril proche de 70 dollars et ne veut pas qu’il monte à 90 dollars pour ne pas pénaliser les consommateurs », a-t-il ajouté.

Par ailleurs, l’Accord entre l’OPEP et les non OPEP indique un taux de conformité record de 152 % en avril. La production des pays exportateurs de pétrole et ses dix partenaires a atteint en avril un niveau de conformité suite à leurs engagements de réduction. « Les 24 pays producteurs de l’OPEP et les pays non membres de l’OPEP participant aux ajustements volontaires de la production continuent de maintenir des niveaux de conformité exceptionnels aux termes de la déclaration de coopération historique de décembre 2016. Ils ont atteint un niveau de conformité de 152% au cours du quatrième mois de la deuxième année de la déclaration de coopération », souligne le Comité ministériel conjoint de suivi de l’Accord OPEP-non OPEP (JMMC).  Ce taux élevé démontre l’engagement des pays participants à rétablir la stabilité du marché, qui est destinée à servir les intérêts à long terme des producteurs, des consommateurs et de l’économie mondiale, note la même source.

D’autre part, le Comité a reconnu les « préoccupations croissantes exprimées par certains pays importateurs et consommateurs concernant les pénuries potentielles sur le marché mondial du pétrole » et a demandé au Comité technique mixte (JTC), soutenu par le secrétariat de l’OPEP, « de continuer à surveiller de près le marché pétrolier et de signaler tout changement fondamental ». Le  JMMC, qui regroupe l’Algérie, le Koweït, le Venezuela, la Russie et Oman, a réaffirmé l’engagement des pays participants à la stabilité du marché et à la sécurité énergétique de l’économie mondiale.

En outre, le Comité a examiné la discussion du JTC concernant les mesures alternatives et/ou ajustées pour mesurer l’impact de la Déclaration de coopération et a conclu qu’il « n’est pas suffisant de mesurer la stabilité du marché au moyen d’un seul indicateur ».

Par ailleurs, les membres du Comité se sont déclarés satisfaits des résultats globaux, mais ont noté que « la performance de chaque pays n’était pas uniforme ». Ils ont une fois de plus souligné « l’importance d’une performance uniforme dans tous les pays ». Pour rappel, le JMMC a été créé à la suite de la 171è Conférence ministérielle de l’OPEP du 30 novembre 2016 et de la « Déclaration de coopération » de la réunion ministérielle mixte OPEP-pays non membres de l’OPEP tenue le 10 décembre 2016. Le JMMC est chargé de veiller à ce que ces objectifs soient réalisés grâce à la mise en œuvre des ajustements volontaires de la production du pétrole des pays OPEP et non OPEP.

L’accord conclu à Vienne a pour objectif de baisser le niveau de production de 1,8 million de barils par jour afin de réduire l’excédent d’offre de brut sur le marché et soutenir les prix. Cet accord qui court jusqu’à la fin 2018, a permis de réduire l’abondance de l’offre et de pousser les prix vers le haut, le baril atteignant les 70 dollars contre 30 dollars en janvier 2016. La prochaine réunion du comité est prévue le 21  juin prochain à Vienne, alors que la 10è réunion se tiendra à Alger en septembre.

En clair, les pays membres de l’OPEP et les non-membres pourraient aller jusqu’à mettre un million de barils supplémentaires par jour sur le marché, selon des sources de Reuters. De son côté, Bloomberg évoque différentes options : 300 000 barils supplémentaires par jour, option préférée par l’Arabie saoudite, et 800 000 barils, option ayant les faveurs de la Russie. L’objectif de l’Arabie saoudite et de la Russie est de freiner une ascension des cours pétroliers un peu trop forte. Le baril était monté au-delà de 80 dollars, son plus haut niveau depuis 2014. Les pays producteurs veulent également compenser l’effondrement de la production du Venezuela, en pleine crise, et les pertes potentielles de pétrole de l’Iran, menacé de sanctions par les États-Unis. Le ministre saoudien de l’énergie a indiqué qu’il partageait « l’angoisse » de ses consommateurs.

La tension monte

Les propos du ministre saoudien, même s’il a précisé qu’aucune décision n’avait encore été prise, ont immédiatement fait tanguer les cours de l’or noir. 

En quelques instants, le WTI américain a plongé de plus de 4 %, le Brent de 3 %. Le marché pétrolier n’avait pas connu une telle chute depuis des mois. Cette volatilité pourrait perdurer dans les semaines à venir, au moins jusqu’à la prochaine réunion des membres de l’OPEP à la fin du mois de juin à Vienne où ce revirement majeur de politique de production pourrait alors être entériné. Le meeting pourrait être tendu. 

Car l’ampleur de la hausse devra être négociée avec les autres membres de l’OPEP. Pour l’heure, la plupart des pays n’ont pas été consultés, rapporte Bloomberg. « Aucune décision prise par deux ou trois pays ne sera approuvée », a assuré le ministre de l’Énergie des Émirats arabes unis, Suhail Al Mazrouei, interviewé par l’agence de presse.

Si elle devait se faire, cette hausse de production serait vue comme une victoire pour Donald Trump, souligne le « Financial Times ». En avril, par un tweet, le président américain a attaqué l’OPEP pour avoir « artificiellement » fait monter les prix du pétrole. « Ce n’est pas bon et ce ne sera pas accepté ! » a-t-il alors prévenu.