Empoignade en perspective entre la DGI et les fiscs provinciaux

Le ministre des Finances a fixé dans un arrêté ministériel daté du 12 août l’impôt professionnel sur les rémunérations du personnel domestique à 24 dollars et à 36 dollars pour un salarié relevant de micro-entreprises.

Cet impôt forfaitaire est payé en francs. Mais comme le gouvernement ne cache plus ses besoins en devises, sans doute que la paie en dollar serait vivement souhaitée. L’impôt professionnel sur les revenus (IPR) du personnel domestique est retenu à la source, donc par l’employeur et est reversé par quotités trimestrielles au plus tard le 15 du mois qui précède la fin de chaque trimestre sur base d’une déclaration dont le modèle est défini par l’administration.

Nul n’est censé ignorer la loi 

L’arrêté du ministre des Finances, Henri Yav Mulang, devrait normalement prendre effet à partir du troisième trimestre de l’exercice 2017. Sur le terrain, une mini-enquête menée par Business & Finances conclut à une parfaite ignorance de cet IPR particulier auprès des travailleurs concernés. « Au départ, nous n’avons même pas de contrat de travail … Un coup d’humeur du patron ou de sa femme, c’est fini, vous êtes dehors! », confie Alino, à la fois vendeur et concierge, sur Funa à Limete. « Si cet impôt est vrai, ce serait une bonne manière de nous soustraire le peu qu’on nous paye non sans arriérés », souffle Didier, gérant d’une auberge de fortune.

Une campagne de vulgarisation en langues locales s’impose pour le succès de cet impôt. Aussi le ministère des Finances doit établir de manière claire les limites du champ fiscal de la Direction générale des impôts (DGI), par rapport aux administrations fiscales provinciales. Il ne fait l’ombre d’un doute que l’impôt professionnel sur les rémunérations du personnel domestique n’irait sans raviver la polémique latente entre le fisc national et ceux des provinces. La question a d’ailleurs fait l’objet d’une réflexion approfondie lors du dernier forum national sur la réforme fiscale (FONAREF).

IBP des micro-entreprises 

Et pourtant, la Direction générale des impôts compte sur une hypothétique accolade avec les administrations fiscales provinciales dans la sensibilisation et le recouvrement de l’impôt sur le bénéfice et profits (IBP) forfaitaire sur les  micro-entreprises. Ce qui ne sera pas facile, notamment à Kinshasa. DGI vs Direction générale des recettes de Kinshasa (DGRK) en perspective. André Kimbuta Yango, fort d’avoir fait défenestrer le président de l’Assemblée provinciale de Kinshasa, Roger Nsingi, se laisserait-il damer les pions, une seconde fois, par le ministère des Finances? L’opinion se souviendra que du temps du gouvernement Matata, son ministre délégué aux Finances, Patrice Kitebi Kibol Mvul, avait arraché à l’Hôtel de ville, en fait à la DGRK, un large pan de ses assujettis, les mêmes micro-entrepreneurs, qu’il a soumis à un impôt forfaitaire de 50 000 francs au profit de la DGI.

Le Gouv’ Kimbuta n’a guère apprécié et a déploré cette manière d’agir, devant des centaines de vendeurs en détail ameutés devant l’Hôtel de ville qu’il harangua pour résister à la démarche du gouvernement central. Sans succès. À présent, la DGI vise environ 15.5 mille micros-entreprises qu’elle a identifiées et recensées en 2016, et à qui elle colle un IBP forfaitaire de 20 dollars.

Toutefois, précise la DGI, les contribuables dispensés de l’obligation d’obtenir la patente conformément à la législation sur le petit commerce (les petits cultivateurs et les petits éleveurs, les petits commerçants ambulants des produits de consommation courante tels que cacahuètes, cigarettes portées en mains, les cireurs des chaussures, les vendeurs des journaux à la criée, etc.) sont exemptés de cet IBP. L’Hôtel des impôts table, en effet, sur des recettes de près de 47 milliards de francs, soit plus de 31 millions de dollars.

Cependant, dans son évaluation des prévisions en matière d’IBP des entreprises de petite taille, la DGI, il sied de le préciser, a notamment pris en compte quelque  20 133 assujettis exerçant les activités de vente (leur impôt est calculé en appliquant 1 % sur le chiffre d’affaires) ainsi que  5 709 assujettis exerçant les activités de prestation de service. Leur impôt est calculé en appliquant 2 % sur le chiffre d’affaires.

La Direction générale des impôts a, en effet, procédé à l’évaluation de ses réalisations à fin décembre 2016 et a notamment noté une baisse des activités du secteur minier tributaire du calcul de l’IPR et de l’impôt exceptionnel sur les revenus des expatriés (IERE). L’Hôtel des impôts se félicite cependant de la récupération des acomptes provisionnels excédentaires payés en 2015 au sujet de l’IBP. La DGI déplore, par contre, la baisse de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA),  suite au ralentissement des activités économiques. Pour l’exercice 2017, les assignations de la régie financière se chiffrent à quelque 2 645 275 389 900 FC, en dehors des recettes attendues des pétroliers producteurs.

Pour ce faire, l’administration de José Sele Yalaghuli tient à procéder au retenu de l’IPR sur l’ensemble de l’assiette imposable (émoluments, salaires, primes permanentes et non permanentes, collations et autres avantages,….) à charge des membres des institutions politiques (nationales et provinciales). Cela devrait rapporter au bas mot 97 272 083 723,10 FC. Autres actions, l’amélioration de l’assiette imposable de l’IPR des régies financières en tenant compte de 5 % de la rétrocession. Résultat attendu : 19 741 768 076,49 FC. La gestion commune de l’IBP des micro-entreprises par la création d’un guichet unique pour le paiement de cet impôt et de la patente perçues par les services provinciaux et entités administratives décentralisées.

La DGI espère aussi recouvrer des entreprises du portefeuille de l’État,  276 802 342 615,83 FC. Et sur l’épineuse question de la TVA, la DGI annonce l’implémentation du dispositif de la remontée au serveur installé à la DGI des informations sur la TVA collectée (caisses enregistreuses) pour quelque 15 milliards de francs. Ainsi la facturation par les services des gouvernements provinciaux de la TVA sur les marchés publics financés par le gouvernement congolais serait-elle possible. À la clé, quelque 39 188 367 426,07 FC.

La DGI compte également percevoir plus de 145 milliards de FC à travers l’impôt sur les revenus salariaux des nationaux membres des institutions politiques. Seulement, au premier trimestre 2017, les membres des institutions politiques dont l’exécutif (président et gouvernement), l’Assemblée nationale, le Sénat, etc., n’ont versé que 38,7 % de ce que le fisc attendait, soit 18.8 milliards de FC sur des prévisions de 48,6 milliards de FC.

En 2016, sous Augustin Matata Ponyo, alors que les assignations de l’impôt sur les revenus salariaux des nationaux membres des institutions politiques étaient de 40.6 milliards de francs, quelque 13.2 milliards de francs seulement ont été versés au fisc, soit un taux de réalisation de 32,7 %.  Il paraît alors téméraire d’exiger 24 à 36 dollars d’impôt, soit-il par trimestre, à un travailleur dont le revenu est en dessous de 100 dollars.