En Europe, on se prépare déjà à l’après-Brexit

La Suisse et le Royaume-Uni jouent à l’anticipation. Ils ont signé un accord commercial post-Brexit à Berne, lequel permet d’assurer le maintien de leurs relations économiques et commerciales. Dans le monde, on redoute la menace sur plus de 600 000 emplois.

LA PHASE de transition prévue entre l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni entre en vigueur le 30 mars prochain. En attendant, ici et là, on s’active sur l’après-Brexit. Par exemple, la Suisse et le Royaume-Uni ont signé, lundi 11 février, à Berne un accord permettant d’assurer le maintien des relations économiques et commerciales entre les deux pays après le Brexit. Les deux pays ont déjà signé, dans ce cadre, ces derniers mois, des accords sur le transport routier, le transport aérien, les assurances et la libre circulation des personnes.

L’accord sur le commerce, signé par Liam Fox, le ministre britannique du Commerce extérieur et Guy Parmelin, le ministre suisse de l’Économie, a été étendu à la Principauté de Liechtenstein, au titre de l’union douanière Suisse-Liechtenstein. Il entrera en vigueur dès que les accords Suisse-UE cesseront d’être applicables aux relations entre la Suisse et le Royaume-Uni, ont indiqué les autorités helvétiques dans un communiqué.

En cas de Brexit dur

Si la phase de transition prévue entre l’UE et le Royaume-Uni entre en vigueur le 30 mars 2019, les accords bilatéraux Suisse-UE continueront à être applicables entre la Suisse et le Royaume-Uni.

Dans ce scénario, les accords serviront de base pour les relations économiques et commerciales entre la Suisse et le Royaume-Uni après la phase de transition, explique-t-on. En revanche, en cas de Brexit dur, le 29 mars, à savoir sans accord entre Londres et Bruxelles, l’accord sera appliqué à titre provisoire à compter du 30 mars 2019 ».

Le Royaume-Uni est un partenaire économique important de la Suisse. En 2017, il était le 6è marché d’exportation pour les marchandises suisses, évaluées à 11,4 milliards de francs suisses (10,1 milliards d’euros). De son côté, la Suisse est le 5è marché d’exportation du Royaume-Uni en dehors de l’UE (après les États-Unis, la Chine, Hong Kong et les Emirats arabes unis).

Menace sur les emplois

Selon une étude allemande, la baisse des importations en provenance de l’UE vers le Royaume-Uni en cas de Brexit dur menacerait à elle-seule plus de 600 000 emplois dans le monde. Selon des calculs des chercheurs de l’institut IWH, se basant sur l’hypothèse d’un recul de 25 % au Royaume-Uni de la demande pour des produits européens, 103 000 emplois seraient menacés en Allemagne et 50 000 en France.

Cependant, pour les emplois concernés, des licenciements ne sont qu’une option parme plusieurs, soulignent-ils et les entreprises pourraient essayer de garder les employés en ayant recours au chômage partiel ou en trouvant de nouveaux marchés, notent ces économistes.

Censé quitter l’UE, le 29 mars, le Royaume-Uni est en plein flou quant à la forme que prendra ce divorce historique. En effet, les députés britanniques ont massivement rejeté, le 15 janvier dernier, l’accord négocié pendant de longs mois avec Bruxelles par Theresa May, la 1ERE Ministre. 

Une sortie désordonnée du Royaume-Uni de l’UE, qui se traduirait notamment par l’introduction des taxes douanières, aurait pour conséquence de désordonner les chaînes de production internationales, fait remarquer Oliver Holtemöller, co-auteur de l’étude. 

Qui se concentre uniquement sur les échanges de biens et services et ne prend donc pas en compte d’autres conséquences du Brexit, comme par exemple la baisse de la propension à investir ou les effets sur les revenus des ménages.

Au total, près de 179 000 emplois dans l’UE sont directement concernés par la baisse des exportations, tandis que 433 000 postes supplémentaires sont menacés indirectement, à la fois dans l’UE et dans des pays tiers.

Ainsi, quelque 59 000 emplois sont indirectement menacés en Chine chez des entreprises fournissant des firmes européennes exportant à leur tour vers le Royaume-Uni. Au Royaume-Uni, le seul impact indirect au sein d’entreprises exportant vers l’UE des parts de biens réimportés dans le pays se chiffre à 12 000 emplois.

Délocalisation vers les Pays-Bas

Une étude publiée en janvier 2018 par le cabinet de recherche Cambridge Econometrics avait estimé qu’au total 500 000 postes au Royaume-Uni étaient menacés par un Brexit dur. En Allemagne, l’industrie automobile, pilier de l’économie exportatrice, serait particulièrement touchée, avec 15 000 emplois. En France, le secteur des services aux entreprises sentirait le plus l’impact d’un Brexit dur, selon les chiffres du IWH.Combien d’entreprises vont marcher dans les pas de Sony qui a décidé de transférer son siège européen de Londres à Amsterdam? Les autorités néerlandaises ont déclaré récemment être en contact avec plus de 250 entreprises étrangères au sujet d’un déménagement du Royaume-Uni vers les Pays-Bas en raison du Brexit. 

«Le gouvernement néerlandais est actuellement en contact avec plus de 250 sociétés intéressées par un déménagement aux Pays-Bas à cause du Brexit, a dit à l’AFP Michiel Bakhuizen, le porte-parole de la NFIA (Netherlands Foreign Investment Agency), une agence qui dépend directement du ministère des Affaires économiques. 

« Chaque nouvelle arrivée d’une entreprise, grande ou petite, est un succès », se réjouit-il, à la suite de l’annonce faite mercredi du déménagement du siège européen de Sony du Royaume-Uni vers les Pays-Bas. Un autre groupe japonais, Panasonic, avait déjà pris une décision similaire, en raison d’inquiétudes dans le domaine fiscal. 

Au cours d’une récente visite aux Pays-Bas de Shinzo Abe, le 1ER Ministre japonais, Mark Rutte, 1ER Ministre néerlandais, avait déclaré qu’il ne voyait pas le Brexit comme une « opportunité commerciale ».

Les Pays-Bas mettent cependant tout en œuvre pour attirer les investisseurs à travers la NFIA, chargée d’entretenir les relations avec les quelque 250 entreprises intéressées par un déménagement. « Le nombre des entreprises avec lesquelles nous sommes en contact est en nette croissance. Début 2017, elles étaient 80. 

Début 2018, 150. Et actuellement, il y en a plus de 250 », explique Bakhuizen. « Cette hausse va se poursuivre et ce n’est pas étonnant, car une grande incertitude règne actuellement au Royaume-Uni. Et s’il y a bien une chose qui est néfaste pour une entreprise, c’est l’incertitude », ajoute-t-il.

La NFIA, qui a assuré qu’elle ne ferait aucun commentaire sur des cas « individuels » tels que celui de Sony, donnera mi-février le nombre total des entreprises qui ont quitté le Royaume-Uni pour les Pays-Bas en 2018 en liaison avec le Brexit. « Nous avons commencé tôt nos préparatifs, mais bien sûr, cela s’intensifie à cause d’un éventuel Brexit sans accord » entre le Royaume-Uni et l’UE, a déclaré Stef Blok, le ministre néerlandais des Affaires étrangères, au cours d’un débat à la chambre basse du P arlement.