Fiat Chrysler : l’emblématique Machionne laisse des résultats financiers records malgré tout

Le marché automobile italien a progressé de 4,42 % en juillet, par rapport au même mois de 2017, avec 152 393 véhicules immatriculés, selon le ministère des Transports. Fiat Chrysler Automobiles a vu sa part de marché progresser à 27,83 %, contre 24,95 % en juin.

LE GROUPE Fiat Chrysler Automobiles (FCA) comprend les marques Fiat, Alfa Romeo, Chrysler/Jeep/Dodge, Lancia et Maserati. Sergio Marchionne, le patron du géant automobile Fiat Chrysler, est décédé à Zürich, en Suisse, au moment où on révélait les chiffres du marché automobile en Italie. Il était gravement malade depuis plus d’un an, a révélé l’Hôpital universitaire de Zürich (USZ), afin de répondre à « diverses rumeurs ».

Sergio Marchionne, 66 ans, avait subi une opération fin juin, officiellement à une épaule, et aurait souffert de « complications inattendues », selon Fiat Chrysler. Sergio Marchionne, a communiqué l’USZ, se rendait régulièrement à l’hôpital pour traiter une grave maladie. Malgré le recours à toutes les possibilités de la médecine de pointe, il est malheureusement décédé. Dans une interview au Corriere della Sera, Pier Luigi Battezzato, père de la compagne de Sergio Marchionne, a déclaré que « ça se serait peut-être mieux passé s’il s’était fait opérer » en Italie.

Un porte-parole de Fiat Chrysler a indiqué pour sa part « ne pas être en mesure de commenter les déclarations de l’USZ. « Le patron charismatique de Fiat Chrysler est décédé », a annoncé pour sa part la famille Agnelli, qui contrôle le groupe automobile. Il aurait subi des complications après une opération. « Malheureusement, ce que nous redoutions est arrivé. Sergio Marchionne, l’homme et l’ami, s’en est allé », a déclaré dans un communiqué John Elkann, représentant de la famille Agnelli et président de Fiat Chrysler Automobiles.

Sergio Marchionne, patron emblématique de FCA, a été remplacé par Mike Manley, le patron de la division Jeep, à la tête de FCA, et Louis Carey Camilleri, patron de Philip Morris, prend celle de Ferrari, tandis que la présidence de CNH Industrial est désormais assurée par la Britannique Suzanne Wood. « Je pense que le meilleur moyen d’honorer sa mémoire est de construire sur l’héritage qu’il nous a laissé, cultiver les valeurs d’humanité, de responsabilité et d’ouverture morale dont il a toujours été le promoteur le plus convaincu », a affirmé le patron d’Exor, John Elkann, petit-fils de Gianni Agnelli, la figure historique de Fiat. « Ma famille et moi-même serons toujours reconnaissants de ce qu’il a fait, et nos pensées vont vers (sa compagne) Manuela et ses fils Alessio et Tyler. Je renouvelle ma demande de respecter la vie privée de la famille de Sergio »

Bilan controversé

Sergio Marchionne a dirigé Fiat pendant 14 ans. Son bilan restera controversé, mais il a réussi à créer un géant mondial de l’automobile en fusionnant le groupe Fiat au groupe américain Chrysler sans dépenser un euro. En 2017, FCA a enregistré des résultats financiers records, au point d’effacer l’ensemble de la dette mi-2018. Ses détracteurs lui reprochent d’avoir délaissé Fiat et enterré Lancia, pour privilégier quelques marques comme Alfa Romeo ou Jeep…

Sergio Marchionne restera une personnalité à part dans l’histoire du capitalisme italien. Ce natif des Abruzzes a passé une partie de son enfance au Canada, et a fait ses études à Genève. Connu pour ses pull-overs, son caractère expansif, il n’a jamais ménagé les vieilles baronnies italiennes pour sortir le groupe automobile de l’ornière où il se trouvait.

En Italie, l’annonce de sa disparition a suscité l’émoi. La chambre des députés a observé une minute de silence pour lui rendre hommage. Cette minute de silence s’est terminée sous les applaudissements des députés.

Le sauveur de Fiat

L’emblématique patron du géant automobile Fiat Chrysler (FCA) pendant 14 ans, l’Italo-Canadien Sergio Marchionne, a été « ce que l’Italie a de meilleur ». « Sa disparition nous peine et laisse un vide en tous ceux qui ont connu et apprécié ses qualités humaines, intellectuelles et professionnelles », a salué Sergio Mattarella, le président italien. Et de poursuivre : « Marchionne a écrit une page importante de l’histoire de l’industrie italienne […], en montrant au monde la capacité et la créativité de la réalité manufacturière de notre pays. »

C’est le patriarche Gianni Agnelli qui avait choisi avant sa mort cet Italo-Canadien peu connu, alors à la tête du groupe suisse SGS, pour reprendre en 2004 les rênes du constructeur turinois à l’époque au bord du gouffre. Par son charisme, sa détermination, ses qualités de communication et sa vision stratégique, le manager aux éternels pulls ou polos noirs a vite conquis politiciens, médias et syndicalistes en Italie, fascinés par sa capacité à sauver le plus grand groupe du pays sans suppressions massives d’emplois. 

Réduction de coûts, nouveaux modèles, attention portée au design : dès 2005, ce manager au visage rond et à la voix rauque de fumeur – il avait arrêté en 2017 selon la presse italienne -, a fait sortir Fiat du rouge après quatre ans de pertes. En 2009, il a ajouté une dimension internationale à la marque italienne en s’alliant à l’américain Chrysler avec pour objectif de faire du groupe Fiat Chrysler Automobiles l’un des premiers constructeurs au monde. Il a aussi détaché d’une part les activités gros engins/camions en 2011 pour créer CHN Industrial et d’autre part le joyau Ferrari en janvier 2016. 

Franc-parler et main de fer 

Sa culture anglo-saxonne et son franc-parler ont fait grincer des dents dans la péninsule, où Fiat reste le premier employeur privé avec 65 000 salariés. Derrière l’absence de manières et l’apparente décontraction du personnage se cachait en effet un patron implacable qui, dès son arrivée chez Fiat, a renvoyé des dizaines de hiérarques et mis en avant une équipe de jeunes dirigeants. En 2014, il s’est même défait de Luca Cordero de Montezemolo, l’archétype des grands patrons « à l’italienne » à la tête de Ferrari pendant près d’un quart de siècle, aux antipodes de l’enfant des Abruzzes devenu « self-made-man » au Canada, où sa famille a émigré quand il avait 14 ans. 

Ne s’accordant quasiment jamais de repos, Sergio Marchionne n’hésitait pas à imposer des cadences infernales à ses équipes pour prendre de vitesse la concurrence, comme lorsqu’il a décidé d’avancer de trois mois le lancement de la nouvelle Fiat 500 en 2007. Les médias et une grande partie de la classe politique n’ont cessé ces derniers jours de lui rendre hommage, même si son franc-parler et sa culture anglo-saxonne ont souvent fait grincer des dents. Pour Silvio Berlusconi, « l’Italie perd non seulement son plus brillant manager, mais aussi une figure symbolique. Il a représenté ce que l’Italie a de meilleur : celle qui travaille, concrète, sérieuse et préparée, dotée d’une vision et capable de regarder vers l’avenir. Une Italie qui n’a pas peur de la compétition. J’aurais voulu le voir à la tête de notre pays ». 

La plupart des syndicats saluent son intelligence, ses capacités de direction, son charisme et son énergie, même si certains ont rappelé qu’il avait été « un rude négociateur ». Mgr Cesare Nosiglia, archevêque de Turin, le berceau de Fiat, rappelle qu’il fut également « un grand manager mais aussi un homme d’une grande humanité ». Carlos Tavares, le président du directoire du groupe automobile PSA, qui se disait ouvert aux propositions de partenariat, y compris de FCA, a salué « la mémoire d’un grand capitaine d’industrie qui demeurera un exemple pour nous tous » dans un entretien au quotidien français Les Echos.