Industries extractives Le code minier piétiné

Les mines bénéficient depuis un certain temps d’une attention particulière du gouvernement. Mais force est de constater que, malgré cet intérêt, le pays ne parvient toujours pas à tirer pleinement profit de ce secteur. D’où la volonté d’engager des réformes profondes afin que les entreprises respectent les dispositions légales en vigueur, notamment le code minier. C’est ainsi qu’une conférence sur les mines est organisée une fois l’an, depuis 2013, pour faire un état des lieux de ce secteur. La loi du 11 juillet 2002 relative au code minier n’est pas observée par les investisseurs. Ce, malgré son renforcement par un décret de 2011. Les organisations de la société civile qui suivent les activités des entreprises exploitant les ressources naturelles, dont les mines, avaient initié une enquête indépendante pour mettre en lumière les conclusions du rapport provisoire établi par le cabinet d’audit et conseil Binder Dijker Otte and Co (BDO) à la suite d’une mission d’enquête et de certification des immobilisations des sociétés Tenke Fungurume Mining et Kamoto Copper Company, à la demande du gouvernement congolais, en 2012.  Cette enquête de la société civile est intervenue dans un contexte où la production minière a atteint près d’un million de tonnes de cuivre, environ cent mille tonnes de cobalt et cinq tonnes d’or industriel en 2013.

Pour ce qui est du cuivre, c’est la plus grande production que le pays ait connue depuis 1960. Malgré ces chiffres en hausse, les recettes minières de l’Etat refusent d’obéir à la logique de la courbe ascendante. Cette inadéquation a été également constatée par le gouvernement lors de la deuxième édition de la Conférence minière tenue en mars dernier, à Goma.

Se saisissant de l’opportunité offerte par le rapport d’audit de BDO, la société civile a cherché à comprendre pourquoi le pays ne bénéficie pas assez des retombées économiques de l’exploitation minière. Les conclusions de l’enquête sont riches en enseignements. Deux entreprises minières sont ainsi pointées du doigt : Kamoto Copper Company (KCC) et Tenke Fungurume Mining (TFM).

On apprend que KCC avait expressément demandé le report de l’ audit au motif que les documents nécessaires n’étaient pas disponibles à court terme. Quant à TFM, les pièces comptables pouvant permettre le rapprochement des valeurs inscrites dans les comptes des immobilisations étaient inexistantes sur le site d’exploitation, à Fungurume, et à son siège social. Selon Jean-Pierre Muteba, président de la société civile du Katanga, «cette pratique est contraire aux lois et règlements en vigueur en République démocratique du Congo. Car, ces réglementations exigent que les pièces comptables soient gardées au siège social de la société pendant dix ans.»

Contourner la loi pour investir à tout prix 

Au-delà des faiblesses maintes fois fustigées par nombre de parlementaires, le code minier congolais exige, pour le moins, de toute personne désireuse d’investir dans le secteur minier de dévoiler son chiffre d’affaires afin que l’Etat s’assure de la viabilité de sa structure. Certains exploitants actuellement installés au pays passent outre ces dispositions et entretiennent un flou artistique quant à la valeur réelle de leurs capitaux investis.

D’après les éléments fournis par la plateforme des associations qui suivent les activités minières, seuls les partenaires des entreprises minières publiques (les investisseurs étrangers) connaissent le niveau des investissements apportés et le niveau de leur amortissement. «C’est ici que le peuple et le trésor public congolais perdent énormément», d’après un expert en ressources naturelles, après une enquête menée au Katanga. La question de l’existence des pièces comptables aux sièges sociaux qui pourrait justifier les investissements réalisés par ces deux sociétés reste toujours d’actualité, car une grande partie de la comptabilité se tient en anglais et loin des terres d’exploitation : Phoenix, aux Etats-Unis, pour TFM et à Zoug, en Suisse, pour KCC. Comme plusieurs autres entreprises d’ailleurs, les deux sociétés mises en cause par la société civile n’ont pas de registre des immobilisations permettant de prouver l’existence et la valeur des équipements et autres matériels miniers qui devraient constituer la base des audits.

Bien avant le passage des enquêteurs, il s’est posé le problème de la fiabilité des rapports des audits annuels de certification des comptes exécutés par les firmes Ernst & Young pour TFM et Deloitte pour KCC. Les auditeurs de ces deux sociétés travaillent également pour leurs maisons-mères (Katanga Mining, Ltd et Freeport-McMoran Copper & Gold). La même question de fiabilité s’est également posée sur le travail réalisé par Price Waterhouse Coppers lors de la fusion de KCC avec DCP pour la validation des comptes de KCC entre 2005 et 2009. Travail qui a confirmé la dette de 1,3 milliard de dollars que Glencore avait transformée en investissement et en capital dans ce projet. Les associations ont affirmé récemment que pour s’assurer que les 40 % des recettes d’exportation des métaux restent au pays, l’Etat congolais devra exiger que l’ensemble des revenus de la vente ces derniers soient versés dans les comptes bancaires des entreprises minières ouverts en RDC et que celles-ci soient libres d’effectuer leurs différentes opérations financières.