Jeff Bezos fait amende honorable avec un don de 10 milliards de dollars

C’est la somme colossale que l’homme le plus riche du monde entend investir dans la lutte contre le réchauffement climatique et la défense de l’environnement. Le patron d’Amazon a indiqué que cette enveloppe était « pour commencer ». Ce Fonds Bezos pour la Terre représente 7,7 % de sa fortune personnelle, estimée à 130 milliards de dollars par Forbes.

LE FONDS Bezos pour la Terre est conçu comme une initiative mondiale pour financer des scientifiques, des militants, des ONG, soit tout effort qui offre une réelle possibilité d’aider à préserver et à protéger le monde naturel, a fait savoir Jeff Bezos sur son compte Instagram. Le patron d’Amazon a précisé que les premières subventions seraient octroyées en juin prochain. « Nous pouvons sauver la Terre », a-t-il affirmé dans ce message accompagné d’une photo de la planète, plaidant pour « une action collective des grandes et petites entreprises, des États, des organisations mondiales et des individus ». 

Son ambition est de « travailler avec d’autres pour accroître les moyens connus et aussi pour chercher de nouvelles façons de lutter contre l’impact dévastateur du changement climatique ». D’après l’homme le plus riche du monde, « la Terre est la seule chose que nous ayons tous en commun ». C’est pourquoi, ensemble, nous devons la protéger.

La somme promise par Bezos représente « énormément d’argent », selon Dave Reay, professeur et directeur exécutif du Centre for Carbon Innovation de l’université d’Édimbourg. « Mais s’attaquer au changement climatique est un défi incroyablement difficile et coûteux. Ces 10 milliards de dollars pourront sans aucun doute avoir un réel impact et c’est très bien de voir que l’accent sera mis sur le renforcement des solutions existantes ainsi que sur la découverte de nouvelles solutions », a déclaré Dave Reay.

Neutralité carbone

L’annonce de Jeff Bezos survient 20 jours après que 300 employés d’Amazon ont signé des critiques contre leur groupe, notamment au sujet de sa politique environnementale. Le groupe Amazon Employees for Climate Justice (AECJ) pousse l’entreprise à aller plus loin dans son plan en faveur de l’environnement annoncé à grand renfort de publicité en septembre. Jeff Bezos avait alors promis qu’Amazon atteindrait la neutralité carbone en 2040, avec 10 ans d’avance sur les engagements de l’accord de Paris.

Des millions de tonnes d’équivalent CO2. Amazon, qui a bâti son succès sur un énorme réseau logistique de transport routier pour assurer des livraisons de plus en plus rapides, est un gros producteur de gaz à effet de serre, les principaux responsables du changement climatique. Les fermes de serveurs d’Amazon, qui a fait du cloud (espace informatique dématérialisé) une autre source très importante de profits, sont elles aussi extrêmement gourmandes en énergie. 

Selon la plateforme en ligne Climate Watch, les 44,4 millions de tonnes d’équivalent CO2 produites chaque année par Amazon représentent un peu plus de 10 % des émissions annuelles totales de la France. Les manifestations pour la protection de l’environnement et contre les grandes sociétés polluantes se sont multipliées partout dans le monde, notamment sous la houlette d’associations comme Greenpeace, de la militante suédoise Greta Thunberg ou du mouvement Extinction Rebellion (XR).

Accusations de « greenwashing ». Amazon a ainsi été la cible de plusieurs actions visant à dénoncer la surconsommation et les conséquences écologiques du « Black Friday » en novembre 2019, une des grandes journées de promotion qui contribuent aux revenus colossaux de la multinationale. Jeff Bezos est aussi le fondateur de la société spatiale Blue Origin, dont le but affiché est, selon le milliardaire, de réduire les coûts d’accès à l’espace afin d’aider l’humanité à coloniser la Lune et d’autres planètes, pour un jour permettre de dépolluer la Terre. Les géants de l’internet, du pétrole ou de l’agroalimentaire multiplient les promesses de réduire leur empreinte environnementale et de s’adapter à une économie bas-carbone. Mais les spécialistes préviennent que nombre de ces annonces relèvent davantage du « greenwashing » (éco-blanchiment). 

L’ONG altermondialiste Attac France a ainsi accusé M. Bezos de chercher à « se donner bonne conscience » à travers ce nouveau fonds. « Et si @Amazon commençait plutôt par payer sa juste part d’impôts? », s’est interrogé Attac France sur Twitter, alors que le géant du commerce en ligne est souvent accusé de minorer ses revenus pour réduire ses contributions fiscales.

Baratin ou hypocrisie ?

Attac n’est pas candidate pour recevoir l’argent qui permettra à Jeff Bezos de se donner bonne conscience. « Le greenwashing, c’est de la désinformation, un brouillage de la réalité », soulignait, pour sa part, la patronne de Greenpeace Jennifer Morgan en janvier au Forum économique de Davos, « compte tenu de l’urgence climatique, nous n’avons plus de temps pour le baratin ou l’hypocrisie ». Une tentative pour redorer son image ou une réelle volonté d’agir pour la planète ?  Avec une fortune estimée à près de 130 milliards de dollars selon Forbes, la promesse de don représente un peu moins de 8 % de la richesse de Jeff Bezos. D’après Bloomberg, le lancement de ce fonds représente à ce jour « le plus important investissement philanthropique » du fondateur d’Amazon. 

Dans un témoignage publié sur le site Medium par le groupe Employees for Climate Justice (AECJ), les salariés d’Amazon ont notamment dénoncé « la mise à disposition » de ses capacités en intelligence artificielle « pour des entreprises du secteur pétrolier ». En novembre dernier, trois ONG françaises, Attac, les Amis de la Terre et l’Union syndicale Solidaires, ont également reproché au géant américain son impact sur l’environnement, affirmant que son activité de stockage de données avait généré « 55,8 millions de tonnes de gaz à effet de serre en 2018, soit l’équivalent des émissions du Portugal ». 

Malgré cela, le patron du géant américain du commerce en ligne a assuré, en septembre dernier, qu’Amazon remplirait avec 10 ans d’avance ses engagements climatiques dans le cadre de l’accord de Paris.